Cher Laurent Bayle, merci pour cet accueil aujourd’hui,
Mesdames et messieurs,
Chers musiciens,
Chers tous,
Nous nous battons depuis des décennies pour l’égalité d’accès à la culture en France.
C’est un combat qui se mène sur deux fronts.
Il y a l’accès aux institutions, d’une part, aux théâtres, aux cinémas, aux musées, et aux œuvres qu’ils abritent : nous avons beaucoup fait sur ce terrain, pour les jeunes notamment. Il faut continuer. Nous continuerons.
Et puis il y a un autre front, sur lequel le ministère de la Culture a moins investi, trop peu investi selon moi : celui de l’accès à la pratique artistique. Le combat pour que chaque citoyen puisse être non seulement spectateur, mais acteur de la diversité culturelle dans notre pays.
Nous sommes loin du compte.
L’accès à l’enseignement artistique reste le privilège d’une minorité.
Nos conservatoires, nos écoles supérieures, nos structures d’enseignement ne sont pas en cause : ils font un travail formidable.
Mais leurs portes restent impossibles à franchir pour une grande partie de la jeunesse française : car en dépit des politiques d’ouverture, les obstacles économiques, sociaux, géographiques et psychologiques restent trop forts.
Je veux les balayer.
La pratique d’un art ne peut pas être la « chance » de quelques-uns.
C’est un droit pour tous.
C’est un moyen d’accomplissement essentiel. C’est un levier d’émancipation, de confiance, de rencontres qui doit être à la portée de chacun.
A tous ceux qui doutent encore des bienfaits de l’apprentissage artistique, je conseille d’interroger tous les jeunes musiciens qui sont avec nous aujourd’hui.
Je crois qu’ils pourront apporter des réponses !
Un grand bravo à tous pour votre travail.
Profitez de ce que vous êtes en train de vivre.
Vous n’oublierez rien : ni l’énergie des répétitions ; ni l’angoisse des premiers concerts ; ni les frissons des premiers applaudissements ; ni la fierté dans les yeux de vos proches ; ni les amitiés que vous aurez nouées dans les rangs de ces orchestres.
N’oubliez rien de ce que vous engrangez ici, de tout ce qui vous grandit : la patience, la tolérance, l’écoute de l’Autre, l’exigence, la persévérance.
Ne perdez rien ce que vous aurez appris ici.
Le combat pour la généralisation de la pratique artistique dépasse la seule sphère culturelle.
Car la pratique d’un art est une porte vers la réussite scolaire, sociale, professionnelle.
Ce combat, c’est donc un combat pour l’égalité des chances.
C’est un combat républicain.
Je le porte depuis mon arrivée.
On parle d’éducation artistique et culturelle depuis des années, mais c’est la pratique qui fait la différence. J’en fais donc ma priorité.
C’est une ambition qui doit se dessiner à la fois au sein de l’école et en dehors :
A l’école parce qu’elle touche tous les enfants dès le plus jeune âge, avant que les barrières et blocages ne soient trop forts : dès mon arrivée, je me suis rapprochée du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer ;
Je milite pour que tous les enfants puissent avoir deux heures effectives de pratique artistique par semaine, dès l’école primaire. Pour qu’elle devienne un nouveau savoir fondamental : que l’on passe de « Lire, écrire, compter » aujourd’hui à « Lire, écrire compter, pratiquer un art » demain.
Il faut agir aussi en dehors de l’école, car c’est là que les inégalités se creusent – agir en soutenant le tissu associatif, les réseaux d’éducation populaire, les acteurs culturels qui sont nombreux à s’engager.
Les deux structures qui sont à l’honneur cet après-midi – Démos et Orchestre à l’école – sont la parfaite illustration de cette complémentarité.
Dans ce combat pour la généralisation de la pratique artistique, j’ai décidé de commencer par mettre l’accent sur une discipline : la musique.
Parce que c’est l’une des plus populaires, des plus fédératrices, des plus universelles.
Parce que de nombreux acteurs sont déjà investis en France sur ce terrain.
Et parce que d’autres pays ont montré la voie :
En Finlande, l’éducation musicale est obligatoire pour tous les élèves de primaire, pendant huit ans, à raison d’une heure par semaine. Dès l'âge de 7 ans, ils apprennent à lire et à écrire la musique, et à pratiquer un instrument.
En Grande-Bretagne : depuis 2011, pour tous les enfants de 5 à 14 ans, l’apprentissage d’un instrument, la pratique instrumentale collective et la chorale ont été intégrés dans l’enseignement obligatoire.
Au Venezuela : près d’un million d’enfants ont bénéficié du programme « El Sistema », créé il y a plus de 40 ans, qui distribue des instruments et forme des jeunes dans des quartiers défavorisés.
Tous ces exemples ont ouvert la voie. Ils montrent que c’est possible.
La France a manqué une marche, ces dernières décennies : mais nous allons la rattraper, en construisant notre propre modèle.
Nous sommes en train d’en poser les fondations.
Ce ne sera pas une politique par le haut. Nous nous appuyons sur ceux qui « font », sur le terrain, c’est-à-dire vous : les acteurs culturels, les associations, les structures d’enseignement. Vous êtes nombreux.
Notre responsabilité : mieux soutenir, valoriser, coordonner. Et mobiliser.
Nous avons imaginé avec Jean-Michel Blanquer de faire la « Rentrée en musique », en septembre dernier : l’enthousiasme fut au rendez-vous, malgré les contraintes de tempo. Nous allons donc renouveler l’expérience en septembre.
Et pour clôturer une année commencée en musique, j’ai proposé d’organiser le 21 juin la toute première « Fête de la musique » à l’école. Tous les établissements sont invités à proposer un concert, une représentation avec leurs élèves.
Nous avons aussi lancé un « Plan Chorale », avec l’Education nationale :
Nos ministères renforcent leur soutien aux professionnels et associations, pour passer de 1 établissement sur 4 doté d’une chorale aujourd’hui à 1 sur 2 à la rentrée de septembre, et 100% en 2019.
A partir de septembre, 7.000 collèges proposeront par ailleurs une option « Chorale », c’est-à-dire un nouvel enseignement facultatif de deux heures, au même titre que l’option « Latin » ou « 3ème langue » qui peuvent exister.
Aujourd’hui, je suis très heureuse d’ajouter un nouvel étage à cette politique, en lançant le plan « Tous musiciens d’orchestre ».
La pratique orchestrale est sans doute l’une des plus exclusives aujourd’hui, l’une de celles qui sont considérées comme les plus « élitistes », bien malgré elle.
Il faut casser les barrières, montrer que cette pratique est à la portée de tous.
De nombreuses structures s’engagent sur ce terrain, dans la France entière, en portant des projets d’orchestre pour les jeunes. Nous allons renforcer le soutien qui leur est apporté par le ministère de la Culture.
Nous commençons aujourd’hui par les deux structures « têtes de pont » qui se sont produites cet après-midi : Démos, porté par la Philharmonie de Paris, et l’association « Orchestre à l’école ».
J’ai décidé d’augmenter significativement les subventions de ces deux acteurs, qui vont plus que doubler : elles vont passer d’un million cinq cent quarante mille euros aujourd’hui à quatre millions cent quarante mille euros, soit un renfort de 2,6 millions d’euros. Et elles seront renouvelées chaque année.
Ce nouveau soutien va permettre d’amorcer un changement d’échelle très concret dans le déploiement des projets :
En ce qui concerne Démos :
Ce nouvel appui va permettre de doubler le nombre d’orchestres, qui passeront de 30 à 75, dont une dizaine d’orchestres avancés pour les enfants les plus investis, en lien avec les conservatoires. Aujourd’hui, Démos travaille avec 3 000 jeunes. Demain, ils seront 7 500 jeunes à pouvoir accéder à la pratique orchestrale par cette voie.
Côté « Orchestre à l’école » :
Les nouveaux financements que nous apportons vont permettre à l’association de décupler son déploiement, en créant 250 nouveaux orchestres par an, contre une centaine aujourd’hui. Cela permettra de toucher très rapidement 36 000 enfants, contre 30 000 aujourd’hui.
C’est une première pierre que nous posons aujourd’hui. Nous commençons par ces deux structures qui ont fait leurs preuves. Ce ne sont évidemment pas les seules.
Nous allons prolonger ce mouvement en renforçant notre soutien à d’autres structures qui œuvrent pour la pratique musicale des jeunes. Et je souhaite que nous donnions la priorité au soutien des initiatives dans les Quartiers Politique de la Ville et les zones rurales.
Aujourd’hui nous lançons « Tous musiciens d’orchestre », mais l’ambition globale vous l’aurez compris, c’est « Tous musiciens ». Nous allons nous en donner les moyens.
Je veux saluer toutes les équipes de Démos et d’Orchestre à l’école, qui s’engagent avec nous dès aujourd’hui : merci pour votre travail.
Je veux également saluer les collectivités territoriales, qui soutiennent ces deux structures à nos côtés, qui sont pour certaines mobilisées depuis de longues années pour le développement de la pratique musicale sur leur territoire. Leur engagement est indispensable et je veux le saluer.
Je veux enfin remercier les mécènes, sans qui tous ces projets ne pourraient voir le jour : merci pour votre générosité et pour votre fidélité.
Chers amis,
Nous sommes unis par une responsabilité – « nous » Etat, collectivités, acteurs privés : la responsabilité de permettre à nos enfants d’être acteurs de leur culture et acteurs de leur société.
Nous leur devons cette mobilisation collective. Ne cédons rien.
Ces expériences artistiques ont le pouvoir de changer des vies : la découverte d’un instrument ; l’accès à un nouveau langage ; la plongée dans une œuvre, un répertoire ; le jeu à l’unisson ; l’adrénaline de la montée sur scène.
Ce sont des expériences qui bouleversent. Qui rassemblent, qui fédèrent. Des expériences qui font grandir tous ceux qui ont la chance de les connaître.
Agissons ensemble, pour que cette chance soit un droit universel.
Pour notre jeunesse. Pour la France de demain.
Je vous remercie.