Claude Gellée,
dit le Lorrain
Claude Gellée, surnommé de son vivant Claudio Lorenese ou Claude Lorrain, est resté l'un des peintres les plus célèbres du XVIIe siècle. Avec Poussin, son aîné de quatre ans et son ami, il forme un de ces couples qui en France scandent toute l'histoire de l'art et de la littérature : on dit Claude et Poussin comme on dit Rabelais et Montaigne, Corneille et Racine, Boucher et Fragonard, Voltaire et Rousseau, Ingres et Delacroix, Braque et Picasso... Mais faut-il parler
d'une célébrité française ou internationale
? Claude est né en Lorraine, alors que ce duché faisait
encore partie de l'Empire, mais dans le bourg de Chamagne, qui relevait
du diocèse de Toul, soit l'un des "Trois Évêchés",
déjà plus ou moins dépendants du royaume de France.
Dès l'âge de 13 ou 14 ans, il se rend à Rome et
il va y passer toute sa vie, à part un séjour à
Naples, vers 1619-1620, et une tentative pour s'établir à
Nancy, en 1625-1626. Mais en 1627 il se retrouve à Rome qu'il
ne quittera plus jusqu'à sa mort. Cette existence fut confortable
et calme, entièrement consacrée à la peinture. Claude a volontiers accepté le surnom de "Lorrain" et n'a jamais oublié Chamagne, qu'il appelait la mia patria. Mais son art ne relève ni de la Lorraine ni de Paris. Même s'il a pu subir l'influence de Goffredo Wals à Naples et celle d'Agostino Tassi, formé à Florence, il appartient tout entier au foyer romain. Il s'inspire souvent de sites précis de Rome (le Forum, le palais du Capitole, la villa Médicis, etc.), et c'est la Méditerranée, entre Ostie et Naples, qui lui inspire ses plus belles marines. Ses sujets sont pour la plupart empruntés à la légende latine. Il semble bien que son éducation soit restée assez rudimentaire ; mais le milieu romain lui a offert beaucoup mieux : un savoir diffus qui lui venait des amis, des conversations, des exemples, des monuments et même des paysages, une culture vécue au quotidien sur le mode poétique. D'où ce curieux mélange, propre à l'art de Claude, d'érudition dans le choix des sujets et de réalisme familier, parfois même touchant à la naïveté, dans la composition et les personnages. Comment expliquer
alors l'audience internationale qu'il a obtenue ? C'est que le sujet
et le site ne sont chez lui guère plus que des prétextes,
et que cette naïveté poétique est aussitôt
transfigurée par l'audace du parti et par une sensibilité
infaillible. Son propos essentiel, c'est à chaque fois l'étude
de la lumière : et par là il atteint d'emblée à
une poésie universelle. Car la lumière ne vient pas seulement
agrémenter ses compositions : Claude lui soumet tout le tableau.
Un schéma géométrique assez simple, colonnes de
palais ou mâts de navires bien souvent, suffit à établir
une structure solide ; et dès lors la lumière peut s'insinuer
partout, se glisser dans le gréement des bateaux, multiplier
les reflets sur les vagues, sur les dalles humides des quais, s'éparpiller
dans les feuillages, fondre les lointains et faire briller au premier
plan quelques taches de bleu et de rouge vif. Jacques Thuillier
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