C'est l'un des dispositifs dont le succès ne se dément pas. Les expositions d'intérêt national, un label créé en 1999 par le service des musées de France du ministère de la Culture pour encourager les initiatives remarquables en région, sont aujourd'hui au nombre de vingt-trois (voir la liste des expositions d'intérêt national 2022) contre une dizaine seulement il y a vingt ans.
Une progression qui en dit long sur la qualité des projets, tant du point de vue de l'exposition elle-même que des actions qui l'entourent, et qui démontre de la part des musées originalité, innovation et pertinence scientifique. Éclairage avec Franck Isaia, chef du service des musées de France par intérim, Jérôme Farigoule, adjoint du sous-directeur de la politique des musées, et Geneviève Gascuel, adjointe au chef du bureau de l’animation scientifique et des réseaux.
Le label existe depuis 1999. À quels musées s’adresse-t-il ? Quel est son objectif ?
Franck Isaia : Le label est destiné aux musées qui ont l’appellation « musées de France » et tout particulièrement aux musées territoriaux. Ce label est précieux pour des musées qui ont déjà une excellente visibilité en tant que musées de France mais dont il est important de distinguer les projets de valeur nationale. L’objectif est de donner un coup de projecteur à des opérations formidables sur l’ensemble du territoire.
Jérôme Farigoule : L’enjeu est aussi de montrer qu’indépendamment de grandes institutions bien dotées, des structures plus petites peuvent porter en régions des projets originaux et de grande qualité scientifique. Il est également important de mettre en valeur des politiques des publics diversifiées et innovantes. Car aujourd’hui, l’action en direction des publics est une des composantes essentielles de l’action des musées presque à égalité avec l’activité scientifique.
Comment le label est-il attribué ? Selon quels critères ?
Franck Isaia : Le ministère lance un appel à projets avant l’été, les Drac reçoivent les candidatures des musées en septembre – une soixantaine chaque année –, les instruisent, et transmettent au ministère les projets avec leur avis. Le ministère réunit alors un groupe d’experts (qui inclut des conseillers musées en Drac) afin que tous les projets soient examinés avec la même grille de lecture. Le projet doit se distinguer par ce qu’il apporte de nouveau à la connaissance d’un artiste ou d’un sujet. Il doit être accompagné, comme cela a été évoqué, d’un riche programme d’actions de médiation. Je veux insister sur l’importance du travail des Drac. Le premier avis considéré est celui des « conseillers musées » en Drac qui accomplissent un travail remarquable. Et, in fine, ce sont les Drac qui ont le dernier mot. Le groupe d’experts ne fait qu’émettre un avis pour éclairer leur décision.
L’attribution du label est parfois assortie d’une subvention.
Franck Isaia: Le plus souvent en effet. Nous avons une dotation que nous répartissons entre les projets labellisés. Mais, pour certains projets, le label seul suffit compte tenu du plan de financement. Le label est recherché en tant que tel.
Geneviève Gascuel : Certains musées, en effet, n’assortissent leur dossier de candidature d’aucune demande de subvention. J’ai pu le constater en Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur où j’ai précédemment été en fonction.
Donner un coup de projecteur à des opérations formidables sur l’ensemble du territoire
Se pose également la question de la juste répartition de l’aide de l’État sur le territoire. Qu’en est-il ?
Franck Isaia: En réalité, elle se fait naturellement. Le critère est celui de la qualité de l’exposition. Cette année, deux régions n’ont pas d’expositions d’intérêt national. Cela ne veut pas dire que l’année prochaine, elles n’en auront pas plusieurs. Pour maintenir la qualité du label, il ne faut pas avoir pour objectif de le distribuer d’une façon homothétique dans tous les territoires.
Jérôme Farigoule : Nous sommes parfois confrontés à des choix cornéliens de nombreuses expositions que l’on souhaiterait labelliser mais nous souhaitons rester sélectifs en ne retenant qu’une vingtaine d’expositions. Nous regardons notamment attentivement comment l’action du musée en général et le projet d’exposition en particulier vont s’inscrire sur un territoire dans des réseaux scientifiques ou d’animation des publics.
Geneviève Gascuel : Cela oblige les collectivités locales à se positionner et à faire un document de synthèse où sont listés les partenariats et l’ensemble des activités.
Franck Isaia : Nous tenons également compte des moyens des musées. Si on appliquait la même grille de lecture à toutes les institutions, les plus petites seraient systématiquement éliminées. À situation comparable, nous regardons les projets les plus méritoires. Cela permet d’avoir une dynamique pour tous les musées et pas seulement pour les grandes institutions.
Jérôme Farigoule : Nous sommes de ce point de vue attentifs à ne pas créer un effet d’abonnement de certaines grosses institutions au label qui pourraient candidater chaque année.
De plus en plus de musées, à l’image du musée Anne de Beaujeu, à Moulins, mettent à l’honneur des femmes.
Jérôme Farigoule : Les projets autour de la présence des femmes, de l’égalité, sont des sujets dont les musées s’emparent. Il s’agit même parfois d’un axe fort des projets scientifiques et culturels de certains établissements.
Geneviève Gascuel : En outre, il est demandé dans le dossier combien de femmes et d’hommes contribuent au projet d’exposition. Ce tableau est indicatif mais il permet de rendre visible la constitution des équipes et des contributeurs.
Quel est le bilan du label s’agissant de l’élargissement des publics ?
Franck Isaia : C’est toujours difficile à quantifier précisément. On ne peut pas savoir si une exposition a mieux marché parce qu’elle avait le label ou simplement parce qu’elle a attiré davantage de public que l’exposition de l’année précédente. Cependant, il est évident que ce label donne beaucoup plus de visibilité dans la presse notamment. Qui plus est, les activités d’éducation artistique et culturelle ne cessent de monter en puissance et participent à cet élargissement des publics.
Geneviève Gascuel : Les musées bénéficiant de l’appellation « musées de France » ont quasiment tous un service des publics. On est donc sur des établissements qui offrent une base solide pour monter des projets et accueillir différents publics.
Partager la page