Ce sera un moment d’une exceptionnelle intensité. Toute la mémoire de la Résistance au nazisme réunifiée, grâce à l’entrée au Panthéon des héros étrangers et communistes morts pour la France, reçus enfin là où repose Jean Moulin. « Missak Manouchian incarne les valeurs universelles portées par ces « vingt et trois qui criaient la France s’abattant » et ce sont eux, qui avec lui, seront aussi célébrés », affirmait le communiqué de la Présidence de la République, le 18 juin dernier. Le Président descendit, ce jour anniversaire de l’appel du général de Gaulle, dans la clairière des fusillés et fit étape à la chapelle où Manouchian et ses compagnons eurent un dernier moment de recueillement avant d’être exécutés.
Tour d’horizon sur les conférences, débats, publications et programmations organisés autour de cet événement exceptionnel.
Une grande cérémonie mémorielle
Tout commencera dans la soirée du 20 février, au Mont Valérien, dans la crypte du mémorial, jusqu’à minuit, où le public pourra veiller la dépouille de Missak Manouchian et rendre hommage au résistant avant son départ pour le Panthéon. Importante veillée qui signale combien, symboliquement, il ne part pas seul, mais, comme aux jours du combat, avec ses compagnons d’armes.
Il arrivera rue Soufflot en début de soirée du 21, accompagné de son épouse Mélinée, pour reposer tous deux dans le sanctuaire républicain, à proximité duquel sera apposée une plaque où seront inscrits les noms de ses 21 camarades fusillés le même jour, complétés de celui de Joseph Epstein (fusillé en avril 1944) et de celui de Golda Bancic (guillotinée à Stuttgart en mai 1944). La cérémonie débutera à la tombée de la nuit et promet de s’orner de somptueux jeux de lumière. Il est prévu qu’Arthur Teboul, le chanteur de Feu ! Chatterton, interprète le poème d’Aragon, Strophes pour se souvenir, mis en musique par Léo Ferré sous le titre L’Affiche rouge.
Les carnets manuscrits, inconnus jusqu’ici, du poète combattant
De nombreuses expositions vont donner l’opportunité à chacun d’en savoir un peu plus sur l’histoire des résistants étrangers. A tout seigneur, tout honneur, c’est au Panthéon même que le Centre des Monuments Nationaux organise, sous le commissariat de l’historien Denis Peschanski « Vivre à en mourir. Missak Manouchian et ses camarades de Résistance au Panthéon ». Documents originaux, reproductions d’archives et photographies. Mais surtout, trois pièces d’un ensemble de carnets manuscrits, inconnus jusqu’ici, de Missak Manouchian, prêtés par le Musée d’art et de littérature d’Erevan. C’est Katia Guiragossian, sa petite nièce, qui a fait là-bas, récemment, cette découverte fantastique : une mine de renseignements historiques qui attendaient les historiens dans les réserves de ce musée, dont l’étude promet d’être fructueuse !
Étonnants documents, par ailleurs, et incontournables, mis en ligne par les Archives nationales : dossiers de naturalisation, dossier de filatures, organigrammes reconstitués par la police de Vichy...
Les Archives départementales des Hauts de Seine ont prêté au Panthéon un exemplaire original de l’Affiche rouge.
D’autres institutions organisent des expositions, complétées ou non de conférences, tables rondes, projections de documentaires. Citons par exemple le Musée de la Libération de Paris, le Musée de la Résistance nationale et le Mémorial de la Shoah. Le Centre du patrimoine arménien programme une année Missak Manouchian, tandis que Valence, qui comprend une communauté arménienne dynamique, programme, là aussi sur un an, un spectacle de la Compagnie Scène Nationale 7.
Signalons enfin que le Parti Communiste Français ne manque pas de faire honneur à celui qui était l’un des siens, ainsi qu’à tous ses camarades : le 21 février à 16h00, au 11, rue de Plaisance, XIVe arrondissement, Fabien Roussel et Sophie Binet prendront la parole devant la dernière planque de Missak Manouchian, un moment qui sera émouvant, sans nul doute. Par ailleurs, place du colonel Fabien, différents événements, tables rondes, projections, avec de nombreux invités sont prévus les 20 et 21 février.
« Lutter pour que la liberté des mots existe encore sur cette terre » (Daeninckx)
Ces dernières semaines, les publications se multiplient et cela dans tous les genres. On sera sans doute curieux, pour commencer, de découvrir les poèmes de Missak Manouchian lui-même, édités en bilingue aux éditions Points : Ivre d’un grand rêve de liberté. Pourquoi ne pas s’informer ensuite de l’état actuel des connaissances historiques ? Entre la somme et le beau livre, c’est le Manouchian d’Astrig Atamian, Claire Mouradian et Denis Peschanski qui alors s’impose. Les auteurs, partant du constat qu’on en savait en somme fort peu, ont procédé à d’importantes recherches documentaires qui les ont menés en France, à Beyrouth et en Arménie, et leur ont permis de reconstituer un peu mieux l’itinéraire d’exception de Manouchian, en reproduisant les documents importants. Par ailleurs, on consultera avec intérêt l’intervention d’Annette Wievorka, dans son Anatomie de l’Affiche rouge.
Côté audiovisuel, l’INA consacre une page « L’INA éclaire l’actu » à Manouchian tandis que France.tv diffuse mardi 20 février, à 21h10 sur France 2, un documentaire inédit signé Hugues Nancy et Denis Peschanski (97 min, 2024), une somme à ne pas manquer ! Et bien sûr ne pas manquer non plus la retransmission en direct de la cérémonie : mercredi 21 février dès 17h10 sur France 2 et franceinfo canal 27.
Côté romans et BD, enfin, on ne boudera pas son plaisir à lire ou relire le Missak de Didier Daeninckx ! Ce dernier, interviewé par France 24 à l’occasion de la sortie de la BD Missak Manouchian. Une vie héroïque (auteurs Daeninckx, Mako, Osuch), dit magnifiquement : « L’idéologie nazie, c’est les mots qui marchent au pas. Manouchian le voit tout de suite, et pour lui c’est la fin de la poésie, son art. Il faut donc lutter contre le nazisme pour que la liberté des mots existe encore sur cette terre. Cela va le conduire à la Résistance et au sacrifice de sa vie. »
Patrick Bruel et Feu! Chatterton accompagnent l'entrée de Missak Manouchian au Panthéon
80 ans jour pour jour après l'exécution de Missak Manouchian et celle de ses camarades, le 21 février 1944, le président de la République arrive place du Panthéon pour une revue des troupes.
Ces honneurs militaires saluent l'engagement combattant du résistant communiste et de son groupe. Cependant, les cercueils de "Manouche" et de son épouse Mélinée sont disposés rue Soufflot.
Puis ils remontent la rue, jusqu'au Panthéon, et sur ce chemin, le souvenir de Charles Aznavour, dont les parents cachèrent les Manouchian durant l'Occupation à Paris, est aussi au rendez-vous, avec sa chanson "Ils sont tombés". Des textes de Missak Manouchian sont lus aussi sur le chemin.
Rappelons que les 23 autres résistants entrent au Panthéon de façon symbolique, avec l'inscription de leur nom sur un plaque.
Patric Bruel, membre du comité de soutien à la "panthéonisation" de Manouchian, ouvre la cérémonie par la lecture de la lettre d'adieu à Mélinée, qui inspira Louis Aragon et Léo Ferré, faisant entrer le résistant dans la légende.
A l'arrivée des cercueils sur la place du Panthéon, Feu! Chatterton interprète la célèbre chanson de Léo Ferré, "L'Affiche rouge", revisitée.
Le célèbre Chant des partisans résonne aussi.
Les cercueils entrent ensuite dans la nef du Panthéon où le chef de l’État prononce un discours.
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