Documentation historique et juridique
Le pillage du patrimoine artistique détenu par les Juifs est organisé en France par l’occupant allemand et le gouvernement de Vichy. Les restitutions commencent fin 1944 et continuent jusqu’à aujourd’hui, en s’appuyant sur des textes législatifs et des engagements internationaux.
Les spoliations des biens culturels
Les restitutions de 1944 au début des années 1950
Poursuite et relance du processus au niveau international et national
Textes juridiques et engagements internationaux
Jurisprudence
Bibliographie
L’exposition de 2008 « À qui appartenaient ces tableaux ? »
Entre juillet 1940 et août 1944, le pillage du patrimoine artistique détenu par les Juifs (œuvres d’art, objets d’art, livres et manuscrits, instruments de musique) est organisé en France par l’occupant allemand et le gouvernement de Vichy.
Les pillages et spoliations sont opérés sous trois formes :
- Le pillage des œuvres d’art est mis en œuvre principalement par l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR, état-major d’intervention du commandant du Reich Alfred Rosenberg pour les territoires occupés). L’ERR organise la saisie des collections. Si les collections des propriétaires juifs sont les principales cibles des nazis, les collections des francs-maçons ou des particuliers considérés comme « ennemis du Reich » sont aussi concernées.
- Le pillage des appartements des Juifs par la Dienststelle Westen (Service Ouest) débute en 1942. Parmi le mobilier pillé peuvent se trouver des œuvres d’art, qui sont en général transférées à l’ERR.
- Le gouvernement de Vichy met en œuvre une politique d’« aryanisation » visant à exclure les Juifs de tous les secteurs de l’économie. La loi du 22 juillet 1941 prévoit le placement sous administration provisoire de tous les biens appartenant aux personnes considérées comme juives, à l’exception de leur résidence principale, et leur mise en vente au profit de l’État. Le gouvernement de Vichy crée une administration spécialement chargée de l’« aryanisation » : le Commissariat général aux questions juives (CGQJ), qui nomme les administrateurs provisoires. L’« aryanisation » atteint toute la population juive et toutes les professions, parmi lesquelles les marchands d’art et d’antiquités pour leur fonds de commerce et les collectionneurs pour leurs biens personnels. La spoliation a lieu par la vente ou la liquidation des biens ; l’administrateur provisoire propose au CGQJ une vente si l’entreprise ou les biens présentent un intérêt financier, ou la liquidation dans le cas contraire. Le produit de la vente n’est pas versé au propriétaire mais placé par l’administrateur provisoire à la Caisse des dépôts et consignations.
En outre, les propriétaires doivent parfois vendre leurs biens pour financer leur survie ou leur fuite. Il s’agit là de ventes forcées par les circonstances, les propriétaires vendeurs devant souvent accepter un prix inférieur à la valeur réelle du bien.
On estime le bilan des saisies de l’ERR à l’encontre des collectionneurs et marchands d’art juifs à environ 40 000 œuvres, pillées chez plus de 200 personnes en France et en Belgique.
À partir de novembre 1944 et jusqu'en décembre 1949, une Commission de récupération artistique (CRA) est chargée des recherches relatives à la récupération des œuvres d'art, en liaison avec l'Office des biens et intérêts privés, qui en assure la restitution. Les œuvres sont retrouvées principalement dans des dépôts découverts par les troupes alliées en Allemagne et en Autriche.
Les réclamations présentées à la Commission portent sur environ 100 000 œuvres et objets d'art. Environ 45 000 sont restitués à leurs propriétaires légitimes entre 1944 et 1950, 13 000 vendus par les Domaines, et plus de 2 200 retenus par des « commissions de choix » mises en place fin 1949, pour être confiés à la garde des Musées nationaux. Ces œuvres et objets d'art sont communément identifiés aujourd’hui par le sigle « MNR » (Musées nationaux Récupération), bien que celui-ci ne désigne, au sens strict, que les peintures anciennes.
Les restitutions cessent au milieu des années 1950, et les derniers dossiers d'indemnisation d'œuvres d'art par l’Allemagne sont clos dans les années 1970.
La question des biens spoliés redevient d’actualité dans les années 1990 à la faveur d’un contexte nouveau. Intérêt pour la mémoire de la Shoah, chute du bloc soviétique, réunification de l’Allemagne, accès aux archives, arrivée d’une nouvelle génération d’ayants droit et de chercheurs, publications scientifiques mènent à la conclusion de plusieurs engagements internationaux, dont, principalement, les « principes de Washington » en 1998.
Dans ce nouveau contexte, la reconnaissance en 1995 par le Président de la République Jacques Chirac de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, puis la création de la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite « Mission Mattéoli », en 1997, chargée d’enquêter sur l’ensemble des domaines de la spoliation, y compris les objets d’art, relancent la recherche et réactivent le processus de restitution.
L'historique est repris de façon plus détaillée dans les chapitres ci-dessous.
Les spoliations des biens culturels
L’armistice entre les autorités françaises et allemandes est signé le 22 juin 1940. Dans les jours qui suivent l’occupation de la capitale, les spoliations débutent sous l’égide de l’ambassadeur d’Allemagne à Paris, Otto Abetz. Celui-ci ordonne la saisie des œuvres d'art possédées par les Juifs dans les territoires occupés. Il adresse à la Gestapo la liste des quinze principaux marchands parisiens d'objets d'art, chez qui il demande une perquisition de police d'urgence, avec saisie des œuvres (parmi ceux-ci : Jean A. Seligmann, Jacques Seligmann et André Seligmann, Georges Wildenstein, Paul Rosenberg, les Bernheim-Jeune).
L’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), à l'origine chargé des opérations de saisie des bibliothèques et des archives pour mener la « lutte contre le judaïsme et la franc-maçonnerie » et dirigé par le théoricien du régime nazi Alfred Rosenberg, est représenté en France par le baron Kurt von Behr. À partir de septembre 1940, ce service est chargé de confisquer les biens des Juifs et des Francs-maçons dans l'Europe occupée.
Fin octobre 1940, l’ERR rassemble au musée du Jeu de Paume, dans le jardin des Tuileries, plus de 400 caisses d'œuvres saisies, tout en continuant d’utiliser les premiers lieux de stockage ouverts à l’été 1940, au musée du Louvre (désignés par les termes « séquestre du Louvre ») ou à l'ambassade d'Allemagne.
Rose Valland, attachée de conservation, reste en poste au Jeu de Paume. Jusqu’à la Libération de Paris, elle espionne les activités des Allemands, note les œuvres des collections privées qu’elle voit transiter par le musée et communique des renseignements à Jacques Jaujard, directeur des Musées nationaux.
En décembre 1940, Hitler autorise la sortie de France des œuvres saisies par l'ERR. Entre avril 1941 et juillet 1944, 4 174 caisses, contenant plus de 20 000 lots, sont expédiées vers l'Allemagne.
À partir de mai 1942, la Möbel-Aktion (« Action Meuble ») pille les appartements laissés vacants par l’internement, l’arrestation ou la fuite de leurs occupants juifs. Les œuvres d’art et les biens culturels précieux collectés sont remis à l’ERR.
Parallèlement, en juillet 1941, le Commissariat général aux questions juives, créé par le gouvernement de Vichy, reçoit le droit de nommer des administrateurs provisoires qui peuvent procéder à la liquidation des biens des Juifs au profit d'acquéreurs « aryens ». Les propriétaires sont privés du bénéfice de la vente, confisqué par l’administrateur provisoire ayant placé leurs biens sous séquestre.
Le marché de l’art est très dynamique durant toute l’Occupation et participe de la spoliation en favorisant les ventes des biens saisis et « aryanisés ». L’Hôtel Drouot, à Paris, obtient l’autorisation de reprendre son activité de vente aux enchères dès septembre 1940.
Certaines œuvres d’art dit « dégénéré », saisies par les services allemands et qui devraient être détruites par l’ERR, sont, en raison de leur forte valeur marchande, vendues ou mises de côté pour servir à des échanges contre des tableaux anciens disponibles sur le marché de l’art, en France et en Suisse.
On estime les saisies de l’ERR à l’encontre des collectionneurs et marchands d’art juifs à environ 20 000 œuvres, le nombre de biens (œuvres d’art et biens culturels mobiliers, hors livres) spoliés en France et envoyés en Allemagne à environ 100 000, et le nombre de livres volés à au moins 5 millions.
Les restitutions de 1944 au début des années 1950
Dans le prolongement de la déclaration interalliée de Londres du 5 janvier 1943, le Comité français de libération nationale adopte le 12 novembre 1943 une ordonnance qui déclare la nullité des actes de spoliation accomplis par l’ennemi ou sous son contrôle. Le Gouvernement provisoire de la République française, constitué le 2 juin 1944, s’engage pour que la restitution des biens spoliés fasse partie intégrante des réparations dues par l’Allemagne.
La spécificité des problèmes posés par l'identification et la localisation des biens culturels amène la création en novembre 1944 d'une Commission de récupération artistique (CRA) relevant du ministère de l’Éducation nationale et installée au Jeu de Paume. La CRA est chargée des recherches relatives à la récupération des œuvres d'art, des souvenirs historiques, des objets précieux, des documents d'archives et des livres et manuscrits, enlevés par l'ennemi ou sous son contrôle, à des collectivités ou à des particuliers.
La CRA s’occupe d’abord des œuvres interceptées sur le sol français, puis, à compter du printemps 1945, est chargée de l’identification des objets et œuvres d’art qui proviendraient de France, parmi ceux retrouvés sur le territoire de l’ancien Reich. En effet, à partir de mai 1945, des dépôts d’œuvres spoliées par l’ERR sont découverts par les armées alliées, notamment grâce aux informations fournies par Rose Valland. Les œuvres retrouvées (œuvres volées, confisquées, ayant fait l’objet d’une transaction d’apparence légale ou vendues sous la contrainte, mais aussi les biens achetés par des Allemands et vendus hors de toute contrainte) sont rassemblées dans des points de regroupement (Collecting Points), établis dans chaque zone d’occupation en Allemagne de l’Ouest, avant d’être rapatriées.
Les procédures de restitution sont ouvertes sur la base d’une déclaration faite par les propriétaires ou leurs ayants droit à l’Office des biens et intérêts privés (OBIP), qui dépend du ministère des Affaires étrangères, ou directement à la CRA. Dans la mesure du possible, les demandes doivent s'appuyer sur des pièces justificatives : listes d'œuvres, attestations, photographies.
Pour les livres, Jenny Delsaux, bibliothécaire à la Sorbonne, intègre en 1945 la sous-commission des livres (SCL) nouvellement établie au sein de la Commission de récupération artistique (CRA). Elle est chargée d’organiser les activités de la sous-commission : retrouver les dépôts des collections pillées, tant sur le territoire français qu’en Allemagne et dans d’autres pays de l’Est, les faire acheminer jusqu’à Paris, les classer, puis identifier les propriétaires victimes de spoliations pour leur restituer leurs biens. La SCL a retrouvé environ 1,2 million de volumes, dont elle a pu restituer ou attribuer une grande part aux propriétaires spoliés ou à leurs ayants droit. Une majorité de livres ne portait aucune marque de propriété, ce qui rendait le travail de la sous-commission particulièrement difficile. Les ouvrages identifiés portant le nom de leur propriétaire – ex-libris ou nom manuscrit - étaient immédiatement restitués.
L'activité de la Commission de récupération artistique cesse le 31 décembre 1949, après qu'elle a examiné plus de 2 400 dossiers de demande et permis le retour en France de 61 233 objets et œuvres d’art. Plus de 45 000 d’entre eux ont été restitués à leurs propriétaires ou ayants droit.
L’administration des Domaines est chargée de vendre ce qui n'a pas été réclamé. Cependant, les musées font valoir que l’importance de certains biens appelle un traitement particulier. En septembre 1949, deux commissions de choix sont chargées de sélectionner, l’une parmi les œuvres et objets d’art, l’autre parmi les livres et manuscrits, les pièces présentant le plus d’intérêt d’après divers critères - notamment l’intérêt artistique, mais pas uniquement.
Plus de 2 200 œuvres d’art sont ainsi retenues et enregistrées sur un inventaire désormais appelé « Musées nationaux récupération » (MNR). Ces œuvres sont déposées dans les musées nationaux et peuvent, en cas de spoliation, être restituées à leur légitime propriétaire ; l’État n’en est que le détenteur provisoire.
Un certain nombre de livres et documents spoliés ont rejoint les collections publiques françaises, par voie de dépôt, selon deux processus :
- La Commission de choix des livres, présidée par Julien Cain, administrateur de la Bibliothèque nationale et directeur de la Direction des bibliothèques et de la lecture publique au ministère de l’Éducation nationale, attribue 15 450 documents en déshérence à 47 bibliothèques publiques (nationales, universitaires ou municipales). Accompagnés à l’époque d’une note précisant les conditions de dépôt, et invitant à restituer les documents s’ils appartenaient à des propriétaires spoliés, ces documents ont été ultérieurement intégrés dans les collections, la plupart du temps sans mention de leur origine.
- Dans le même temps, la sous-commission des livres cède près de 294 000 livres abîmés à l’administration des Domaines, dont près de 60 000 sont vendus à très faible prix à 43 bibliothèques publiques. Si l’origine de ces achats s’est souvent perdue, les Archives diplomatiques conservent un certain nombre de listes et les inventaires et registres d’entrée des bibliothèques permettent parfois d’en retrouver la trace.
Après la fermeture de la CRA fin 1949, la question des restitutions demeure sous la responsabilité de l’OBIP. Entre 1950 et 1955, 41 biens MNR sont restitués. L’OBIP instruit les dossiers en collaboration avec le service de protection des œuvres d'art (Direction des musées nationaux), que dirige Rose Valland. Jusqu'au début des années 1960, cette dernière continue à mener des investigations et assure notamment l'échange d'informations avec les services de la République fédérale d'Allemagne.
À partir des accords de Paris du 23 octobre 1954, les modalités de traitement des biens spoliés se trouvant éventuellement encore en Allemagne changent : c’est désormais au Gouvernement fédéral allemand de poursuivre les recherches sous sa seule autorité et d’effectuer lui-même les restitutions. Avec la loi du 19 juillet 1957, dite loi BRüG, la République fédérale d’Allemagne met en place une procédure d’indemnisation des spoliations, et notamment des œuvres d’art non retrouvées.
Les derniers dossiers d'indemnisation d'œuvres d'art sont clos dans les années 1970, et le sujet des spoliations des biens culturels disparaît du débat public jusqu’au milieu des années 1990.
Poursuite et relance du processus au niveau international et national
Le sujet des biens spoliés, tu ou oublié pendant près de 40 ans, est revenu sur le devant de la scène au milieu des années 1990, dans le cadre plus général du nouvel intérêt porté à la Seconde Guerre mondiale et à la Shoah, à une époque où l’on commençait à craindre la disparition des derniers survivants et à s’interroger sur la mémoire et ses transformations. Dans le même temps, donc, la question des biens culturels spoliés émergeait.
En France, à partir de 1995
À la suite de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs, en 1995, par le Président de la République Jacques Chirac, la question des biens culturels spoliés resurgit en France – comme dans d’autres pays. Le mouvement est encouragé par deux ouvrages. Le pillage de l'Europe, de Lynn Nicholas, paru en 1994, est la première approche historienne de la question ; Le musée disparu. Enquête sur le pillage d'œuvres d'art en France par les nazis, publié en 1995 par Hector Feliciano, s'adresse à un public plus large.
En novembre 1996, la Direction des musées de France et la Direction des archives du ministère des Affaires étrangères organisent un colloque intitulé « Pillages et restitutions : le destin des œuvres sorties de France pendant la Seconde Guerre mondiale ». La base de données des MNR est alors rendue accessible au public ; elle comporte une fiche descriptive pour chacune des œuvres de ce fonds, et les informations disponibles sont régulièrement mises à jour.
En février 1997, le Premier ministre Alain Juppé met en place la « Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France », présidée par Jean Mattéoli, dont l’un des chantiers porte sur le pillage des biens culturels. En avril et mai 1997, les œuvres « MNR » font l’objet d’une présentation exceptionnelle dans quatre grands musées nationaux – Louvre, Sèvres, Orsay, musée national d’Art moderne – et dans 120 musées en région.
En 1999, à la suite des rapports de la Mission Mattéoli, est créée la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS). Elle est chargée d’examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens dues à l’occupant ou aux autorités de Vichy.
Dans le monde
Parallèlement, une conférence internationale sur la spoliation des biens culturels appartenant aux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale est organisée à Washington. Le 3 décembre 1998, les représentants de 44 gouvernements adoptent un ensemble de principes visant à aider les héritiers de propriétaires juifs à retrouver les œuvres d’art spoliées par les nazis.
Les « principes de Washington » peuvent se résumer comme suit : les pays doivent s'efforcer d'ouvrir leurs archives et de simplifier les recherches ; les biens culturels confisqués par les nazis doivent être signalés et ces informations doivent être centralisées ; l'exigence d'apport de preuves doit tenir compte des circonstances historiques ; lorsqu'une œuvre d'art est reconnue comme spoliée, une « solution juste et équitable » doit être rapidement trouvée.
Ces principes marquent une étape décisive en encourageant à reprendre les recherches de provenance, à faciliter l'introduction des demandes des requérants et à accélérer et simplifier les procédures de restitution. Ils sont réaffirmés lors du Forum sur les biens culturels spoliés durant la période de l'Holocauste, organisé à Vilnius sous les auspices du Conseil de l'Europe en octobre 2000. La déclaration finale rappelle la nécessité d'ouvrir les archives et de chercher des solutions justes et équitables aux demandes de restitution. En 2009, 46 pays adoptent la Déclaration de Terezin, qui affirme l’engagement moral de mettre en œuvre des bonnes pratiques en matière de recherche et de restitution des œuvres spoliées.
Ces principes sont complétés le 5 mars 2024. À l’occasion du 25e anniversaire des Principes de la Conférence de Washington, plus de 20 pays ont adopté et rendu publics le 5 mars 2024 des propositions (« Best Practices ») - juridiquement non contraignantes - permettant de clarifier et d’améliorer la mise en œuvre de ces Principes.
Comme pour les Principes de Washington, les État signataires rappellent que ces « Best Practices » ne pourront être appliqués que dans le respect de leur droit interne.
Découvrir les « Best Practices » : https://www.state.gov/best-practices-for-the-washington-conference-principles-on-nazi-confiscated-art/
Un rapport sous forme de bilan et d’évaluation des pratiques des 47 pays ayant adopté les Principes de la Conférence de Washington a été réalisé par la Jewish Material Claims Against Germany (« Claims Conference ») et the World Jewish Restitution Organization (WJRO).
Recherches et restitutions
Les recherches et la mobilisation permettent de nombreuses restitutions. Entre 1994 et 2012, la France restitue 63 œuvres et biens culturels MNR ou équivalents.
Entre 2013 et 2021, 66 œuvres et biens culturels MNR ou équivalents sont restitués.
Depuis 2018-2019, un nouvel élan
En 2018, le Premier ministre Edouard Philippe a souhaité donner un nouvel élan à la politique de recherche et de restitution des biens culturels spoliés. Évoquant la question en juillet 2018 lors de la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv’, il a demandé à la CIVS et au ministère de la Culture de « faire mieux » en la matière.
Afin de développer la recherche de provenance et de faciliter, lorsque c’est possible, les restitutions, la procédure devant la CIVS a été modifiée et une nouvelle structure a été créée au sein du ministère de la Culture (Secrétariat général) en avril 2019 : la « Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 ».
Dans le prolongement de l’action menée les années précédentes, mais en la renforçant, la nouvelle organisation apporte plus de visibilité à la politique de recherche et de restitution concernant les collections publiques, et plus de cohérence à la procédure de restitution.
La compétence de la CIVS est réaffirmée ; elle devient compétente pour la totalité des dossiers relatifs aux biens culturels lorsque la spoliation a eu lieu en France pendant l’Occupation. Désormais, les familles et ayants droit de personnes spoliées connaissent une seule procédure avec deux acteurs complémentaires : le ministère de la Culture coordonne et instruit les dossiers, avec les musées et bibliothèques, tandis que la CIVS recommande une mesure de réparation.
Dans ce cadre, au-delà des œuvres MNR, la recherche de provenance s’élargit aux œuvres des collections nationales et, plus largement, publiques. Les œuvres entrées légalement dans les collections publiques peuvent en effet avoir fait l’objet de spoliation antérieurement. Les musées, souvent avec l’aide de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, commencent donc à effectuer des recherches sur le parcours des œuvres acquises depuis 1933. Les œuvres au parcours flou entre 1933 et 1945 sont identifiées afin de clarifier leur provenance et, le cas échéant, identifier le propriétaire spolié en vue de leur restitution.
Les restitutions de livres et de bibliothèques
Après les restitutions de l’immédiat après-guerre opérées par la Commission de récupération artistique, les restitutions ont été extrêmement peu nombreuses, voire inexistantes avant 2017 et la remise, en mars, par la Bibliothèque nationale de France à la famille de Victor Basch d’un livre qui provenait de la bibliothèque de ce dernier.
Un nouvel élan a été donné par la création, en 2019, d’un groupe de travail constitué de représentants des ministères et des bibliothèques de l’Enseignement supérieur et de la Culture.
Textes juridiques et engagements internationaux
Textes fondamentaux entérinés par la communauté internationale
5 janvier 1943 : déclaration solennelle de Londres
3 décembre 1998 : déclaration de Washington (principes de Washington) - en français / en anglais
4 novembre 1999 : résolution adoptée par le Conseil de l'Europe
5 octobre 2000 : déclaration de Vilnius (anglais)
30 juin 2009 : déclaration de Terezin - en français / en anglais
5 mars 2024 : Best Practices for the Washington Conference Principles on Nazi-Confiscated Art
Sélection de textes législatifs et réglementaires français relatifs aux spoliations
- 12 novembre 1943 : ordonnance sur la nullité des actes de spoliation
- 9 août 1944 : ordonnance relative à la restauration de la légalité républicaine
- 29 septembre 1944 : arrêté de nomination des membres de la CRA
- 14 novembre 1944 : ordonnance portant première application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle et édictant la restitution aux victimes de ces actes de leurs biens qui ont fait l'objet d'actes de disposition
- 24 novembre 1944 : arrêté de création de la Commission de récupération artistique
- 11 avril 1945 : ordonnance relative à la dévolution de biens récupérés par l'Etat
- 21 avril 1945 : ordonnance portant deuxième application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle et édictant la restitution aux victimes de ces actes de leurs biens qui ont fait l'objet d'actes de disposition
- 9 juin 1945 : ordonnance portant troisième application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi ou sous son contrôle et édictant la restitution aux victimes de ces actes de leurs biens qui ont fait l'objet d'actes de disposition
- 30 septembre 1949 : décret mettant fin à l'activité de la CRA et définition des MNR
- 13 mai 1998 : arrêté relatif à l'ouverture de fonds d'archives publiques pour la période 1940-1945
- 10 novembre 1998 : arrêté portant dérogation pour la consultation des archives
- 10 septembre 1999 : décret instituant la Commission pour l’indemnisation des victimes intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS)
- 1er octobre 2018 : décret modifiant le décret instituant la CIVS (et version consolidée du décret du 10 septembre 1999 modifié)
- 21 février 2022 : loi relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites a permis la restitution ou remise de 15 œuvres des collections publiques
- 22 juillet 2023 : loi relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Cette loi crée dans le code du patrimoine une dérogation au principe d'inaliénabilité des collections publiques ; elle fixe un cadre permettant la sortie du domaine public des biens spoliés appartenant aux collections publiques afin de les restituer à leurs propriétaires légitimes, sans avoir à recourir à des textes législatifs spécifiques (« lois d’espèce »).
- 5 janvier 2024 : décret n° 2024-11 instituant une commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites et pris en application des articles L. 115-3, L. 115-4 et L. 451-10-1 du code du patrimoine. Ce décret d’application de la loi du 22 juillet 2023 confirme la CIVS dans ses missions d’indemnisation et étend aussi ses compétences sur les questions de restitutions de biens culturels appartenant à des collections publiques ou privées et ayant fait l'objet d'une spoliation entre 1933 et 1945.
Jurisprudence
Jurisprudence en France concernant les biens culturels « MNR »
1999, Cour d’Appel, Gentili di Giuseppe : Cour d'appel de Paris_02.06.1999
2001, Cour d’Appel, Karaim
2002, Tribunal de Grande Instance, Grandidier
2008, Tribunal de Grande Instance, MNR 591
2009, Conseil d’Etat, MNR 973
2010, Tribunal de Grande Instance, L-Rosenberg
2014, Conseil d’Etat, REC-129-141-155 : Conseil d Etat_30.07.2014_REC 129-141-155 / Conseil d État_Spoliation_oeuvres d_art / conclusions HEDARY sur CE-30.07.2014
2017-2018_affaire-Vollard : TA_26.10.2017_Incompétence-MCC_Vollard / CA_03.07.2018_Incompétence-TGI_Vollard
Jurisprudence en France concernant d’autres biens culturels
1945, jurisprudence et commentaires : Gaz-Pal_1945-2 / Gaz-Pal_CA_Bordeaux_31-07-1945 / Gaz-Pal_CA_Paris_27-08-1945 / Gaz-Pal_CA_Paris_05-11-1945 / Gaz-Pal_Doctrine_Paul-Esmein
1946, jurisprudences et commentaires : Dalloz_1946_30e_et_31e_especes_4et16-01-1946 / Dalloz_1946_29-03-1946 / Gaz-Pal_1946_p28-30 / Gaz-Pal_1946_p52-58
1947, Jurisprudence et commentaires : Dalloz_1947_Cass_civ_04-06-1947
1948, Doctrine : JCP_1948_735
1949, jurisprudence et commentaires : Dalloz_1949_Cass_civ_05-04-1949 / Dalloz_1950_C-Paris_29-10-1949 / JCP_1950_5314
1968, un principe : Legifrance_Cass_civ_19.02.1968
2017-2020, affaire Bauer : Cour-Cass_11.09.2019_QPC_Bauer / Cour-Cassation_01.07.2020_Bauer
2019-2020, affaire Gimpel : TGI_29.08.2019_Gimpel / CA_Decision_30.09.2020_Gimpel
Bibliographie
La bibliographie proposée porte essentiellement sur l’histoire de la spoliation des biens culturels pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle comporte des ouvrages généraux, des ouvrages sur les collections d’œuvres d’art, les livres et les bibliothèques, les instruments de musique ; Paris, les musées, le marché de l’art, pendant la guerre ; l’après-guerre, les procès, les réparations, les restitutions ; des rapports institutionnels ; des témoignages sur la période et des récits familiaux actuels.
L’exposition de 2008 « À qui appartenaient ces tableaux ? »
En 2008, le ministère de la Culture et de la Communication, le ministère des Affaires étrangères et européennes, la direction des Musées de France et la Réunion des musées nationaux, en collaboration avec le musée d'Israël à Jérusalem, ont organisé une exposition intitulée : « À qui appartenaient ces tableaux ? ». Elle s'est tenue au musée d'Israël, à Jérusalem, du 18 février 2008 au 3 juin 2008 puis au musée d'art et d'histoire du Judaïsme, à Paris, du 24 juin 2008 au 28 septembre 2008. Cette exposition présentait 53 tableaux évoquant chacun divers aspects de la spoliation puis des restitutions en France. Les peintures exposées sont encore présentées en ligne sur le site internet du musée d'Israël à Jérusalem.
L’exposition était accompagnée d'un catalogue bilingue français et anglais rédigé par Isabelle le Masne de Chermont, conservatrice générale du patrimoine, et Laurence Sigal-Klagsbald, directrice du musée d'art et d'histoire du Judaïsme, édité par la Réunion des musées nationaux. Les textes du catalogue expliquent en détail le contexte et les spoliations de biens culturels. Grâce à l'amabilité des deux autrices et à la compréhension de l'éditeur, certains textes du catalogue sont accessibles ci-dessous.
Référence de l’ouvrage : « À qui appartenaient ces tableaux ? La politique française de recherche de provenance, de garde et de restitution des œuvres d'art pillées durant la Seconde guerre mondiale / Looking for owners: French policy for provenance research, restitution and custody of art stolen in France during World War Two » ; ISBN 978-2-7118-5543-8).
Le pillage des œuvres d'art en France pendant l'occupation : des actions organisées et de grande envergure
Art looting in France during the occupation : far-reaching and concerted actions
L'ampleur des restitutions de l'après-guerre : la politique de reconstitution des patrimoines artistiques des pays occupés
The large scale of post-war restitution : the restoration policy of the cultural heritage of the occupied countries
Les nouvelles approches de la spoliation des œuvres d'art des années 1990 à aujourd'hui [2008]
New approaches of art looting from the 1990s till today [2008]
NB : Dans le catalogue, le système de notes est publié à la fin de l'ensemble des introductions ; par commodité, les notes figurent ici à la fin de chaque texte ; il en résulte que les appels de notes ne commencent pas nécessairement au numéro 1.
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