Marseille 5e - Faculté de Médecine de la Timone
- département : Bouches-du-Rhône
- commune : Marseille
- appellation : Faculté de médecine de la Timone
- adresse : 27 boulevard Jean Moulin
- auteurs : René EGGER (architecte), Yannic BOUDARD (collaborateur, chef d’agence)
- date : 1955-1958
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites du 2 avril 2014
Depuis 1893, la faculté de Médecine de Marseille était installée dans le palais du Pharo. C’est à la demande du doyen Georges Morin que le Ministère de l’Education Nationale décide en 1952 la construction de nouveaux bâtiments.
Architecte conseiller technique de l’Education Nationale (depuis 1942), Architecte en chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux (1955), René Egger est choisi pour mener le projet de la nouvelle faculté de médecine. Associé à Fernand Pouillon au début de sa carrière (Station Sanitaire, 1947-48, avec A. Champollion ; Usine Nestlé, 1949-52, toutes deux à Marseille), René Egger crée sa propre agence en 1952. Très actif dans le sud de la France, il sera notamment l’auteur de la Faculté des Sciences et de l’Ecole d’art et d’architecture de Marseille-Luminy, de la Faculté de Lettres de Montpellier, ou encore de la Faculté des Sciences de Nice.
La commande du doyen est précise et détaillée, et l’architecte propose un plan qui est accepté directement par le Conseil Général des Bâtiments de France, permettant aux travaux de commencer rapidement (procédure simplifiée). Le maire de Marseille, Gaston Defferre, Président du Conseil d’Administration de l’Assistance Publique, donne son accord pour la construction de la faculté sur un terrain de 4 hectares sur lequel se trouvait l’hôpital psychiatrique de la Timone. L’expérience de l’architecte, grand organisateur de chantier, porte ses fruits car la construction, démarrée dès 1955, s’achève en 1958. Pour cette construction « expérimentale » – l’une des premières universités françaises d’après-guerre – l’architecte parvient à allier modernité et économie et livre un bâtiment pensé comme un signal fort pour la ville, mais aussi dans la ville.
Le bâtiment longiligne de la faculté (6 étages sur rez-de-chaussée), dont la réussite technique est à souligner, traverse la parcelle du nord au sud. L’implantation, au cœur de la parcelle, avait été induite par les distances imposées par l’administration de l’Assistance Publique, ainsi que par les futures tranches de travaux prévues (bâtiments de propédeutique, pharmacie etc.). D’une superficie de 55 000 m2 au total (15 000 m2 au sol), le bâtiment accueille au rez-de-chaussée un vaste hall public, un amphithéâtre-auditorium de 1 200 places (pouvant aussi accueillir congrès et spectacles) et une cafétéria de 1 000 repas. Dans les étages se situent, au centre, les amphithéâtres et les salles de travaux pratiques et, sur les côtés, les bureaux, la bibliothèque et la salle du conseil.
Les 3 ailes perpendiculaires, de 6 niveaux également, qui se déploient « en peigne » à l’est accueillent quant à elles les laboratoires de recherche. L’ensemble est conçu en béton armé laissé brut de décoffrage ou bouchardé par endroits.
La façade principale, à l’ouest, est un repère bien visible depuis le boulevard Jean Moulin (voie nouvelle créée par la couverture de la rivière du Jarret en 1954-1955) : parfaitement homogène (trame de 1,75 m), rythmée par des brise-soleil verticaux préfabriqués en béton brut (GTBA), elle ne permet pas de distinguer la variété des espaces intérieurs. Seul l’avant-corps, plus bas, au nord du bâtiment laisse deviner un usage différent : cette partie du bâtiment accueille en effet la bibliothèque, le restaurant et l’auditorium. Afin de fluidifier la circulation dans cette zone, le bâtiment est ici largement ouvert au rez-de-chaussée : les poteaux porteurs de béton créent un portique tout en favorisant l’éclairage naturel du hall de la faculté. Les portes vitrées se retrouvent également côté est, permettant de traverser le bâtiment dans sa largeur.
A l’est, l’édifice s’ouvre davantage sur le paysage et les autres bâtiments par de larges baies vitrées fixées sur des cadres en béton préfabriqué, les amphithéâtres étant protégés par des brise-soleil verticaux en aluminium (Jean Prouvé) réglables manuellement.
A l’intérieur, tout en respectant la stricte économie imposée, la qualité du mobilier et des équipements est à souligner : bancs et tablettes métalliques d’amphithéâtre (Jacques Le Stang), « grands ensembles mobiliers » sur mesure en bois exotique (niangon) et éclairages (Jacques Bender et Omnium Métallique, Marseille), menuiseries bois sur mesure (entreprise Barthélémy, Marseille), vitrages et panneaux colorés Emalit (Saint-Gobain, Paris)… Un soin particulier est également apporté aux équipements techniques nécessaires à l’enseignement de la médecine : une chaîne de télévision en couleurs (système Philips) permettait ainsi la retransmission en direct des opérations chirurgicales dans les amphithéâtres. Dans les laboratoires, l’accent est mis sur la standardisation, au service d’une grande flexibilité : avec un minimum d’éléments fixes et tous les éléments mobiles mesurant 55 ou 110 cm, chaque laboratoire peut moduler sa configuration en déplaçant, démontant et remontant rapidement paillasses, rangements etc. Dans la réserve de livres de la bibliothèque, enfin, les rayonnages métalliques offrent une très importante capacité de stockage et sont équipés de monte-livres et de monte-charges.
Le hall d’entrée est particulièrement spacieux et soigné : double hauteur, sol en granito, escalier suspendu conduisant à l’administration, panneaux d’affichage et banque de renseignement en aluminium, mobilier et menuiseries en bois exotique, vaste jardinière etc. Les imposants poteaux porteurs coniques en béton bouchardé qui le scandent sur toute sa longueur ajoutent à la solennité de l’ensemble.
La circulation verticale se fait au niveau de la rencontre entre le bâtiment principal et les trois ailes de recherche, par de vastes cages d’escaliers. A chaque étage, au niveau des cages d’escaliers, de larges espaces avaient été aménagés pour le « repos des étudiants » : bancs en bois (« unités de repos »), tables et loggias ouvrant sur façade ouest. L’unique ascenseur, en 1958, desservait l’auditorium et la bibliothèque.
Malgré un budget restreint, trois espaces ont bénéficié d’une décoration plus élaborée : la salle des thèses, avec une peinture murale de Martin Roc ; la salle du conseil, avec son mobilier Florence Knoll et son décor mural en sycomore sculpté signé Séraphin Gilly et enfin le bureau du doyen, doté d’un mobilier en cuir, de lambris de bois et d’une bibliothèque intégrée.
L’auditorium, quant à lui, constitue l’espace d’apparat et de réception le plus spacieux. Il est aussi le lieu stratégique des échanges avec l’extérieur, accueillant non seulement des manifestations médicales mais aussi d’autres évènements publics comme des concerts de musique classique, en raison de l’acoustique exceptionnelle du lieu.
Enfin, les petits espaces boisés aujourd’hui préservés rappellent qu’à l’origine, le bâtiment avait été agrémenté de jardins destinés aux étudiants mais aussi aux patients du CHU, en ménageant un espace agréable entre l’hôpital et la faculté. Un jardin botanique savamment dessiné s’étendait à l’est, mais il fut détruit en 1969 au moment de la construction du gymnase. Au même moment, le restaurant universitaire situé sous l’auditorium fut délocalisé de l’autre côté du boulevard Jean Moulin (restaurant CROUS).
Depuis, la faculté de Médecine a subi peu de transformation, et son usage demeure inchangé. Ses usagers lui sont attachés comme en témoigne la création récente d’un espace patrimonial dans le grand hall. Les extensions, cohérentes, ont consisté en un agrandissement de la bibliothèque vers l’est en 1998-1999 (Agence Archimed, Max Soleil arch.) et la construction d’un bâtiment pédagogique mutualisé à l’avant de la faculté, le long du boulevard Jean Moulin, en cours de réalisation (Corinne Vezzoni arch.).
- Rédacteur : Eve Roy, drac paca, 2014
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