Je remercie Laurent Bayle de nous accueillir dans cette très belle salle,
puisque les salons de la rue de Valois n’étaient pas assez grands pour
cette occasion. L’enseignement supérieur Culture, c’est en effet aujourd’hui
115 établissements : écoles supérieures d'architecture, d'art plastique, de
musique, de théâtre, de danse, de cirque, du patrimoine, du cinéma, de
l'audiovisuel.
Nous nous rencontrons alors que vous préparez ou que vous venez
d’effectuer la rentrée, et que le projet de loi de finances 2012 a été
présenté il y a quelques jours. Le Budget de l’année qui vient témoigne de
l’attention portée à l’enseignement supérieur culture, avec une enveloppe
de 226,5 M , soit une € augmentation de 4,3 %. Ces moyens, que je
défendrai au Parlement dans les prochaines semaines, nous permettront
de poursuivre les opérations d’investissement engagées dans les
établissements d’enseignement supérieur. Ils nous permettront de
renforcer leur inscription dans le schéma européen Licence master
doctorat et leur positionnement dans le domaine de la recherche. Ils visent
aussi à développer leur attractivité internationale, et à améliorer les
conditions de la vie étudiante avec, comme dans l’Enseignement
supérieur, le versement d'un 10ème mois de bourse.
Signe de l’attention portée par le Gouvernement à l’enseignement
supérieur Culture, les emplois des enseignants sont de nouveau exonérés
de la règle du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Cette
sanctuarisation, sachez que je me suis battu pour l’obtenir à nouveau cette
année. Elle constitue une reconnaissance de la participation de nos
établissements à la priorité et aux enjeux de l’Enseignement supérieur
d’aujourd’hui. Je sais que vous êtes soucieux, notamment dans les écoles
d’architecture, de la situation de l’emploi des personnels administratifs,
ouvriers et de service, dont nous n’avons pas pu obtenir la sanctuarisation.
C’est une demande que nous continuerons à porter, et il nous faut
continuer à développer nos argumentaires en ce sens, à explorer toutes
les pistes, à démontrer que notre enseignement supérieur Culture ne
devrait pas être traité différemment du reste de l’Enseignement supérieur.
C’est la première fois que sont réunies l’ensemble des écoles supérieures
Culture, quel que soit leur statut. C’est une réunion dont la nécessité m’est
apparue au fil des rencontres que j’ai tenu à organiser, par secteur, avec
bon nombre d’entre vous tout au long des derniers mois. J’ai pu prendre la
mesure des spécificités de chaque domaine : former un architecte, ce n'est
pas former un comédien, former un plasticien n’est pas former un
conservateur du patrimoine. J’ai entendu des préoccupations parfois très
différentes, depuis ceux qui défendent le caractère « artisanal » de leur
enseignement, - et j’y suis sensible - , jusqu’à ceux qui me parlent des
Grands ateliers de l’Isle d’Abeau ou du laboratoire d’excellence Patrima.
Mais j’ai été aussi frappé par ce qui rassemble ces écoles. Elles n’ont
certes pas toutes la même histoire, mais elles partagent un avenir commun
à construire en tant qu’établissements d’enseignement supérieur. La
construction de cet avenir, mon ministère y participe de manière très
étroite par les politiques qu’il conduit, sans rien nier des caractéristiques
propres de chacun de vos établissements.
Avec Valérie Pécresse puis Laurent Wauquiez, j’ai pu mesurer le chemin
parcouru. L’Enseignement supérieur a au cours des dernières années
profondément évolué. Son paysage connaît des mutations importantes qui
s’expliquent par plusieurs facteurs, en premier lieu la constitution de
l’espace européen d’enseignement supérieur, mais aussi l’effet des
comparaisons internationales qui ont mis en évidence un certain nombre
de faiblesses de l’enseignement supérieur français, dues à son
fractionnement, à la césure entre universités et grandes écoles, à
l’insuffisante visibilité de la recherche qui en découle. D'où le besoin de
rapprocher les universités et les grandes écoles, sans les confondre, mais
en développant leur capacité à coopérer et à valoriser leurs
complémentarités ; de développer la recherche, en s’appuyant
précisément sur ces complémentarités ; de regrouper des forces souvent
trop dispersées, pour constituer des entités de plus fort rayonnement.
L’Enseignement supérieur s’est doté, vous le savez, d’outils incitatifs pour
répondre à ces objectifs : les PRES, pôles de recherche et d'enseignement
supérieur, qui permettent d’organiser institutionnellement ces
collaborations de manière souple, et les investissements d’avenir, un fort
levier financier au service du développement de la recherche et du
rayonnement international de l’enseignement supérieur français.
Ces évolutions nous sont favorables, car si nous sommes tenus d’adopter
les principes fondateurs de l’enseignement supérieur, la constitution des
PRES apporte une reconnaissance des « différences », dont la nôtre,
quant à la nature des entités que ces pôles rassemblent, quant au statut
de nos établissements aussi, dès lors qu’ils répondent à l’exigence de
l’autonomie juridique et pédagogique. En d’autres termes, le modèle de
l'Établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel
(EPSCP) ne s’impose plus à nous, et il nous appartient d’ouvrir la réflexion
sur la manière de conforter, quitte à les faire évoluer au besoin, les statuts
d’établissements publics nationaux ou de coopération culturelle consacrés
à l’enseignement supérieur Culture.
L’Enseignement supérieur culture a su s’intégrer dans le paysage du LMD.
Dès 2005/2006, les écoles d’architecture et les écoles du patrimoine
(Ecole du Louvre et Institut national du patrimoine) ont accédé aux grades
universitaires. Le spectacle vivant a quant à lui dès 2007 construit un
dispositif de « double diplôme » entre ses écoles et l’université au niveau
L : dispositif fécond, aujourd’hui développé entre grandes écoles et
universités dans bien d’autres secteurs.
Une nouvelle étape dans l’entrée dans le LMD a été franchie ces derniers
mois. Elle n’allait pas de soi, et elle aura mobilisé beaucoup d’énergies.
Après les CNSM de Paris et de Lyon pour la musique, toutes les écoles
nationales et territoriales d'art ont été habilitées par le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche, après évaluation de
l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
(AERES) et avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la
recherche (CNESER), à délivrer un diplôme conférant grade de master. Il y
a fallu la volonté des écoles, de leurs directeurs et de leurs équipes, mais
aussi celle des collectivités territoriales qui ont pleinement joué le jeu de la
création des Etablissements publics de coopération culturelle (EPCC). La
bonne entente des deux ministères et la compréhension par
l’Enseignement supérieur et l’AERES des enjeux de cette reconnaissance
ont été déterminantes. Il faut s'attacher maintenant à conforter, dans les
mois qui viennent, cette réussite.
Progressivement, l’Enseignement supérieur Culture adopte les principes
qui régissent l’Enseignement supérieur : délivrance des diplômes par des
établissements habilités, semestrialisation et délivrance de crédits,
transformation des établissements qui étaient en régie municipale ou de
ceux qui sont encore en association, en EPCC, afin de répondre au
principe de l’autonomie juridique et pédagogique des établissements
d’enseignement supérieur ; évaluation par l'AERES, puisque l’ensemble
des écoles Culture ont vocation à s’appuyer progressivement sur le
processus d’évaluation externe de l’AERES pour contribuer à la
dynamique d’amélioration continue de la qualité des formations aujourd’hui
mise en oeuvre par l’Enseignement supérieur.
Par ailleurs, le constat s’impose : les établissements supérieurs Culture
trouvent leur place dans les PRES. Quelques établissements Culture y
sont entrés rapidement, notamment des écoles d'architecture. Ces
dernières ont été suivies par des écoles nationales d’art, et maintenant par
des EPCC puisque plusieurs EPCC tout nouvellement créés en arts
plastiques et en spectacle vivant viennent d’y entrer. Près de 35
établissements supérieurs Culture sont aujourd'hui membres associés ou
fondateurs de PRES. Ceci prouve qu’écoles d’excellence, les écoles
supérieures Culture peuvent beaucoup apporter à leurs partenaires en
rayonnement, en image, mais aussi en ouverture et en enrichissement des
contenus.
Il en est de même pour les investissements d'avenir : 13 établissements
figuraient parmi les lauréats de la première vague des Labex en mars
2011, dont l’un a été porté en propre par une école d’architecture, celle de
Grenoble. Je citerai aussi le projet PSL*, retenu dans les Idex, et qui réunit
4 écoles supérieures de la création, des arts plastiques et du spectacle
vivant, aux côtés de l’Ecole Normale Supérieure. C’est une réussite et une
reconnaissance : l'offre Culture a clairement trouvé sa place dans ces
évolutions, tous secteurs confondus, et ses écoles démontrent chaque jour
davantage de remarquables capacités d’évolution et d’inventivité.
J’ai bien senti toutefois, dans nos rencontres, que nous nous situons à un
moment charnière, où certains établissements pourraient rester à l’écart de
ces évolutions, faute d’en mesurer pleinement les enjeux, mais faute aussi
et surtout de se sentir suffisamment forts et de pouvoir s’appuyer
suffisamment sur ce que j’appellerais « leur famille ». C’est pourquoi je
vous propose une double démarche, à mes yeux indissociable :
1- Il nous faut continuer à développer résolument les partenariats avec les
universités et les autres grandes écoles. Ces partenariats sont
indispensables au développement de notre recherche, à votre pleine
participation à la dynamique des PRES et des investissements d’avenir ;
2- Il s’agit également de renforcer la cohésion de l’enseignement supérieur
Culture, dans le respect des particularités de chaque secteur.
Ce que nous devons viser, c’est une insertion dans le paysage de
l’enseignement supérieur français et européen sans dilution ni
renoncement aux spécificités et aux valeurs propres à l'enseignement
supérieur Culture. Ce sont en effet ces spécificités qui font sa force, et qu’il
convient de valoriser : des modes de recrutement sélectifs, un lien étroit
avec des professions spécifiques, un mode d’enseignement largement
fondé sur la transmission d’expériences et de savoir-faire par les
professionnels eux-mêmes, créateurs ou praticiens, des taux très élevés
d’insertion professionnelle, un lien étroit avec les politiques publiques
portées par le ministère, ainsi qu’avec les secteurs et les acteurs dont il
conduit ou accompagne les évolutions.
1- Continuer à développer les collaborations entre les écoles supérieures
culture et l’université.
Avec Laurent Wauquiez, nous travaillons sur la manière d’affirmer notre
volonté commune de poursuivre ces collaborations dans le respect des
spécificités de chacun. Il s’agit, dans certains secteurs comme la musique,
de deux mondes qui étaient il y a peu historiquement séparés en France,
alors que l’Enseignement supérieur Culture doit pouvoir se nourrir du
contact avec le monde universitaire, comme celui-ci inversement peut
s’enrichir du lien avec des pratiques d’excellence.
Il importe également que nous puissions ensemble porter la plus grande
attention à la manière dont vivent et se développent ces partenariats, en
identifiant et en valorisant mieux ce qu’ils apportent en termes de
décloisonnement et d’enrichissement des cursus, en examinant aussi les
points de fragilité pour pouvoir les réduire. Dresser ces premiers bilans
dans les secteurs concernés s’avèrera très utile.
Vous l’aurez compris : je considère qu’il est de l’intérêt des écoles
supérieures Culture, et surtout de l’intérêt de leurs étudiants, qu’elles
entrent dans les PRES. Celui qui vous le dit était pourtant naturellement
réticent au départ, devant ce qu’il pouvait percevoir, au premier abord,
comme un effet de la « technostructure ». Mais j’en suis désormais
persuadé : il faut que nos écoles participent à la construction d’une plus
forte visibilité de l’enseignement supérieur français au niveau international.
Leurs étudiants doivent pouvoir bénéficier du renforcement des échanges,
des collaborations, de la valorisation des complémentarités, des nouvelles
possibilités de mobilité, des services mutualisés.
Par ailleurs, et c’est une préoccupation que j’évoque avec Laurent
Wauquiez, je serai très attentif à ce que les spécificités de nos écoles
soient bien prises en compte. Les questions qui se posent lors de l’entrée
dans les PRES et leur gouvernance ne doivent représenter ni des freins, ni
des obstacles. Les situations sont très diverses : elles relèvent de la
négociation entre partenaires. C’est pourquoi je demande au secrétariat
général, en lien étroit avec les directions générales, de mettre en place un
dispositif d’accompagnement, pour mieux identifier avec vous les situations
différentes, cerner les obstacles éventuels, anticiper sur les évolutions à
venir et surtout pour vous aider dans ces démarches.
Il est également indispensable de développer nos capacités de recherche,
en s’attachant prioritairement, pour les écoles du secteur de la création, à
conforter l’adossement de l’enseignement à la recherche, en partenariat
avec l’université et avec les organismes de recherche. Cet adossement
sera en effet au coeur des prochaines évaluations de l’AERES.
Parallèlement les deux ministères ont une volonté commune
d'accompagner la réflexion en cours sur la recherche en art, en s’appuyant
sur quelques démarches qui nous paraissent propres à faire avancer un
sujet qui, en France, est aussi riche que complexe. Je pense par exemple
à la démarche des conservatoire nationaux supérieurs de musique et de
danse de Paris et de Lyon et de leurs partenaires universitaires pour la
création d’un doctorat de recherche et pratique en musique.
L’accompagnement, c’est aussi, me direz-vous, une question de moyens :
nous travaillons en ce sens, et nous dégageons progressivement des
solutions. En 2012, nous soutenons de nouveau financièrement le
développement de la recherche dans les écoles nationales et territoriales
d’art. Nous avons dégagé les moyens nécessaires à la mise en oeuvre,
dès que les textes correspondants seront sortis, de contrats doctoraux
venant, en architecture, remplacer les allocations d’études spécialisées, et
nous travaillons à mettre en place des primes d’encadrement doctoral.
2- Renforcer la cohésion de l’enseignement supérieur Culture.
Pour nouer des coopérations avec les autres acteurs de l’enseignement
supérieur, notamment sur un plan territorial dans le cadre des PRES, les
écoles Culture doivent pouvoir prendre pleinement appui sur leur lien avec
le ministère de la Culture et de la Communication et sur leurs
caractéristiques et fondements communs. Chaque établissement de
l'enseignement supérieur Culture doit pouvoir bénéficier d'un double
ancrage : dans son environnement local avec ses partenaires, et au sein
du réseau de l'enseignement supérieur Culture.
D'ores et déjà je vous engage à vous rapprocher au plan territorial, afin
d’examiner les complémentarités que vous pourriez développer entre vous.
Il y a là des possibilités qui, me semble-t-il, n’ont pas toujours été
suffisamment exploitées.
Au plan national, il me semble indispensable d’approfondir l’hypothèse de
la création d’une conférence des établissements supérieurs Culture. Cela
vous permettrait de partager vos expériences et vos réflexions, et de
dialoguer de manière coordonnée, permanente et transversale avec le
ministère de la Culture et de la Communication. C’est l’un des points sur
lesquels je souhaite que nous avancions, dans le cadre d’une réflexion
prospective qui m’apparaît véritablement nécessaire pour accompagner
les évolutions de l’enseignement supérieur culture sur le long terme. Il me
paraît aujourd’hui indispensable de préciser les modalités les plus
adaptées, dans le nouveau paysage de l’Enseignement supérieur, du
pilotage par le ministère de la Culture et de la Communication de son
enseignement supérieur. Cela, il nous faut y réfléchir non seulement avec
le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi
avec les collectivités territoriales qui se sont beaucoup impliquées ces
dernières années dans la structuration de l’enseignement supérieur de la
création, avec le soutien des directions régionales des affaires culturelles.
Cette réflexion devra aussi porter sur les modalités d’un dialogue au
niveau régional ou inter-régional entre établissements Culture d’un même
territoire.
Je sais aussi que vous avez besoin d’un accompagnement transversal
renforcé. Ce sera le cas pour les PRES, comme je l'ai indiqué ; je souhaite
que cela soit aussi le cas dans les prochains mois pour la mise en oeuvre
de la loi, actuellement en cours d’examen au Parlement, qui vise à réduire
la précarité dans la fonction publique d’Etat et la fonction publique
territoriale, en application du protocole d’accord du 31 mars. Cette loi
concernera tous vos établissements, il faut s’y préparer. J'ai demandé au
secrétariat général d'identifier un interlocuteur qui pourra vous
accompagner dans cet exercice, en lien avec l'ensemble des services
experts.
L’enseignement supérieur Culture n’a cessé de gagner en légitimité. Cela,
il le doit à la remarquable capacité d’évolution de tous vos établissements.
Le bon accueil réservé par les PRES et les succès remportés dans les
appels d'offre des investissements d’avenir en sont la traduction manifeste.
La spécificité n'a plus besoin d'être brandie comme un garde fou : elle est
notre atout commun si le réseau sait s’appuyer sur elle pour entrer dans le
jeu. C’est cette cohésion qui nous renforcera, et nous permettra d’aller plus
loin, y compris au plan budgétaire.
Le lien entre culture et université est précieux pour l’un comme pour l’autre
des deux univers. Nous le traitons ce matin sous l’angle des formations de
notre secteur : mais je voudrais vous indiquer que nous souhaitons avec
Laurent Wauquiez l’aborder également, au cours des prochains mois, sous
l’angle de la Culture à l’université, afin de donner une suite aux
propositions du rapport Ethis, et de donner à tous les étudiants la
possibilité d’un accès élargi aux contenus et aux pratiques culturelles.
Je vous remercie.