Comment est né le « petit dictionnaire insolite des mots et expressions du sport » ?
Cet ouvrage réunit mes deux passions : le sport et la langue française. J’ai joué au rugby à haut niveau à Lyon. Ancien instituteur, j’ai été inspecteur académique de l’Education nationale, avant de passer un doctorat de Lettres. Tout au long de ma carrière, j’ai entendu des expressions de la vie quotidienne issues des terrains de sport, des courses cyclistes, des gymnases, des tours de piste. Ce recueil retrace l'origine et le sens caché d'expressions propres au domaine sportif et la façon dont elles ont enrichi la langue française.
Pourquoi le sport fournit autant d’expressions au paysage linguistique français ?
Le sport, comme les dictons et les expressions, ont en commun leur côté populaire. Beaucoup d’expressions sportives trouvent leur origine dans l’argot ou les conversations quotidiennes. Par ailleurs, comme pour toute communauté, les sportifs utilisent un langage censé être connu des seuls initiés. Cela donne souvent des expressions très imagées, ajoutant une touche d’énergie, de dynamisme aux propos : friser la correctionnelle, avoir le nez dans le guidon, mouiller le maillot, se faire enrhumer, confier les clés du camion, cueillir à froid, etc.
Le sport fournit des dictons français. Mais à l’inverse, des expressions formulées par des journalistes ou commentateurs sportifs deviennent-elles courantes dans le sport ?
Tout à fait. Par exemple, « les mouches ont changé d’âne » signifie que le cours du match a basculé, que l’équipe dominatrice est maintenant dominée. Cette expression a été popularisée par le duo Roger Couderc et Pierre Albaladejo lors des retransmissions des matchs du Tournoi des Cinq Nations. La réplique culte de Thierry Roland « Ils ne passeront pas leurs vacances ensemble » entre dans le même registre.
Certaines expressions évoluent-elles avec le temps ?
Cela arrive parfois, comme avec « Faire une passe téléphonée », couramment utilisé par les commentateurs de football. Cela désigne une passe attendue à cause d’un regard insistant ou d’une gestuelle trop prévisible du passeur. Mais autre temps, autre technologie : un joueur qui aura anticipé le geste de son adversaire ou arrêté le tir lui glissera ironiquement « Si tu veux me surprendre, arrête de m’envoyer des SMS ». Il y a aussi de nouvelles expressions qui apparaissent, par exemple « avoir rendez-vous avec un vampire », c’est avoir rendez-vous avec le médecin responsable du contrôle anti-dopage !
Quelle est votre expression préférée ?
Celle qui vient de mon sport, le rugby : « faire Jésus ». Les rugbymen, et particulièrement les avants, ne sont pas des enfants de chœur. Aussi n’était-il pas exceptionnel qu’un poing s’égare sous une mêlée malgré l’œil vigilant de l’arbitre. Une fois la mêlée terminée, on s’apercevait qu’un des avants gisait les bras en croix. Les soigneurs se précipitaient pour tenter de réveiller celui qui « faisait Jésus ».
Petit dictionnaire insolite des mots et expressions du sport, Éditions Larousse 2016
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