Méthodes et conduite de l'Inventaire
L'Inventaire est une entreprise documentaire de connaissances pour tous. La recherche scientifique, aussi bien par des sources documentées que sur le terrain, est son fer de lance.
Ce travail de recherche est décrit, organisé et normalisé par des spécificités propres à l'Inventaire général et une méthodologie normée au niveau national, qui trouve application dans les études d'inventaire menées sur le terrain.
Les spécificités de l'Inventaire général
Le « caractère général »
L'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France, créé en 1964, est devenu en 2004 l’Inventaire général du patrimoine culturel. Ce changement d’appellation s’explique par l’élargissement du champ patrimonial durant la seconde moitié du XXe siècle. Il traduit l’ambition du service de prendre en compte toutes les œuvres matérielles selon une démarche systématique et sans critère esthétique.
Toutefois, ce caractère général comprend certaines limites :
- les bornes chronologiques, du haut Moyen Âge à moins trente ans avant la date de l'enquête, permettent de ne pas empiéter sur le travail des archéologues et de donner aux chercheurs un certain recul vis-à-vis de la création contemporaine ;
- l’état de l’œuvre, l’Inventaire n’ayant pas vocation première à étudier les projets non réalisés, des œuvres détruites ou encore celles devenues trop illisibles à la suite de transformations ;
- le statut de la propriété pour le mobilier, l’Inventaire n’étudiant pas les œuvres conservées dans les musées ou les objets mobiliers en mains privées.
L'ancrage topographique
L’étude d’Inventaire général s’inscrit toujours dans un territoire donné ; même les études thématiques sont en réalité « topo-thématiques ». La définition du territoire de l’étude, appelé « aire d’étude », est la première étape de toute opération d’Inventaire.
Certaines aires d’étude se confondent avec le territoire régional, d’autres correspondent à une zone géographique très restreinte, un quartier, une emprise industrielle…
Le travail in situ
L’Inventaire général s’appuie avant tout sur l’observation directe des œuvres : il n’y a pas d’opération d’Inventaire s’il n’y a pas arpentage du territoire, rue par rue, ferme par ferme.
Il s’agit d’analyser l’œuvre telle qu’elle est au moment de l’enquête, dans son contexte, en partant de sa perception d’ensemble pour observer jusque ses moindres détails.
Une opération in situ permet de documenter des œuvres réellement vues et non pas de construire des données de seconde main à partir de la bibliographie, de documents d’archives ou de collections de cartes postales.
La méthodologie nationale
Pour étudier les œuvres, tous les services d’Inventaire général partagent une méthode commune qui repose sur l’utilisation de vocabulaires normalisés et sur une grille d’analyse structurée. Ils produisent ainsi des dossiers homogènes qui répondent toujours à la même organisation documentaire. Seule cette normalisation permet de retrouver, de classer, de comparer et d’exploiter l’ensemble des données réunies.
La méthode de recensement de l’Inventaire se fait directement in situ, en observation directe sur le terrain, par une approche topographique. Sont dénombrés de manière exhaustive et systématique tous les objets d’étude retenus par le Cahier des Clauses Scientifiques et Techniques de l’enquête, sans distinction de genre (maison, église paroissiale, croix de chemin) ni de catégories (édifices, édicules, ensembles), et sans quelconque critère esthétique. La limite temporelle se situe à 30 ans avant le début de l’enquête. L’objet d’étude doit être recensé tel qu’il est vu au moment de l’enquête : l’état de l’œuvre (remanié ou non) et son stade de réalisation sont également des critères à retenir.
Cette approche enregistre tous les objets, mais ne retient que peu de critères pour les identifier : l’Inventaire s’emploie à adopter une vue d’ensemble d’un territoire donné. Le premier principe de l’Inventaire est celui de l’exhaustivité des enquêtes, quels qu’en soient le mode d’approche et les limites chronologiques propres à chaque terrain.
Le Cahier des Clauses Scientifiques et Techniques
Avant chaque enquête, un Cahier des Clauses Scientifiques et Techniques (CCST) est mis sur pied : il doit permettre de situer les enjeux scientifiques de l’opération au plan local ou au plan national.
Il indique ce que l’on compte retirer de l’entreprise à partir d’un intérêt qui se décline du point de vue des modes d’occupation du territoire, de l’intégration au paysage, d’une période chronologique particulière du bâti ou, au contraire, des mutations (continuités, césures, innovations, etc.) d’un mode constructif particulier du point de vue des types d’édifices, de la présence d’ateliers particuliers (mobilier régional reconnu), de cultes régionaux, etc.
Suivant l’établissement de ce CCST, une première phase de documentation, qui permet d’inventorier les sources d’ores et déjà existantes de l’objet d’étude, est réalisée préalablement à l’enquête.
- Les vocabulaires partagés constituent le premier pilier de cette modélisation documentaire. Fruit d’un long travail de recherche, chaque champ patrimonial – architecture, peinture, vitrail… – fait l’objet d’un volume publié par les Éditions du patrimoine.
Pour l’Inventaire général, dans le domaine de l’architecture comme dans celui des objets mobiliers, ce sont les grandes catégories fonctionnelles qui déterminent les principes d’identification et de classification des œuvres.
- La syntaxe commune d’analyse des œuvres constitue un autre ciment de l’Inventaire national. Elle s’appuie sur un travail qui se décompose en trois temps : noter ce qu’on voit de l’œuvre, puis ce que peuvent en dire les sources, enfin la synthèse conclusive qui en est tirée.
Les informations sont organisées en rubriques, obligatoires ou non selon leur contenu, et réparties en grands chapitres : localisation, désignation, description, historique, intérêt et protection, statut juridique.
- Enfin, la normalisation du dossier d’Inventaire achève de garantir le caractère national de l’entreprise. Il contient, autant que faire se peut :
- Les données textuelles d’analyse.
- Des documents graphiques : reproduction d’une sélection de documents existant préalablement à l’enquête ainsi que des documents iconographiques, anciens ou modernes, utiles pour la documentation du dossier.
- Des photographies, relevés, schémas et croquis réalisés à l’occasion de l’enquête.
- Une bibliographie et liste de sources mobilisées.
- D'éventuelles annexes : transcriptions de documents ou d’interviews, traductions.
Tout au long de l'établissement du Cahiers des Clauses Scientifiques et Techniques, des recherches préalables, de l'étude de terrain et de la constitution du dossiers d'inventaire, les chercheurs s'appuient sur de nombreux outils méthodologiques, disponibles dans l'onglet Ressources.
L'inventaire dans le territoire
La méthode de l’Inventaire général repose sur une ambition de collecter, de décrire, de classer et de confronter l’ensemble des informations patrimoniales d’un territoire, qu’il s’agisse d’architectures, de paysages ou d’objets mobiliers publics.
Recenser, étudier, faire connaître
La méthode de l'Inventaire est avant tout descriptive. La découverte puis l’observation des œuvres s’appuie sur des outils documentaires qui contribuent à organiser l’analyse et à structurer les résultats pour en faciliter la restitution. Cette méthode est normalisée au niveau national, pour assurer une diffusion homogène des dossiers d’inventaire sur l’ensemble du territoire.
Les grands programmes nationaux
Les enquêtes d’inventaire du patrimoine conduites dans les régions contribuent à l’enrichissement de programmes d’études pour lesquels une vision à l’échelon national s’impose. Ces grands programmes, qui permettent de confronter les points de vue et de comparer les éléments patrimoniaux entre eux, portent sur différents thèmes.
- Le patrimoine religieux : enquêtes sur les églises paroissiales, sur les établissements monastiques, sur le vitrail, l’orfèvrerie et les ornements liturgiques, sur les édifices et le mobilier du culte protestant, sur le patrimoine juif, etc.
- Le patrimoine industriel, scientifique et technique : enquêtes sur les édifices industriels et leur reconversion, sur les paysages de l’industrie, sur le patrimoine de l’aéronautique, sur les observatoires astronomiques, etc.
- Le patrimoine rural : enquêtes sur l’habitat rural, sur les territoires et les paysages, sur le patrimoine viticole, sur les exploitations modèles, sur les constructions liées à l’agropastoralisme, à l’artisanat et à la petite industrie, etc.
- Le patrimoine urbain : enquêtes sur la morphogenèse urbaine, sur les petites agglomérations, sur l’habitat urbain, sur le pan de bois, sur l’architecture civile médiévale, sur l’architecture de la reconstruction, les grands ensembles, les équipements sportifs, etc.
- Le patrimoine fluvial et maritime : enquêtes sur les estuaires et les vallées, sur les canaux et réseaux de navigation, sur les ouvrages du génie civil, les équipements hydrauliques, les ports et aménagements à l’interface terre et mer, etc.
- Le patrimoine de la villégiature et des loisirs : enquêtes sur les stations balnéaires, thermales et de ski, sur les réseaux et chemins de fer touristiques, sur les salles de spectacles, sur les équipements sportifs, etc.
- Le patrimoine militaire : enquêtes sur les fortifications médiévales, sur les ensembles défensifs d’Ancien Régime, sur les ouvrages en réseau de la Première et de la Seconde Guerres mondiales, etc.
- Le patrimoine hospitalier : enquêtes sur les hôtel-Dieu, les hôpitaux sur les routes de pèlerinage, les établissements de soins et de convalescence, sur le mobilier et l’ameublement des apothicaireries, etc.
- Le patrimoine de l’éducation : enquêtes sur les établissements scolaires, les lycées et équipements d’éducation physique, sur les collections pédagogiques et l’instrumentation scientifique et technique, etc.
Des groupes de travail interrégionaux, des séminaires ainsi que des formations, organisés conjointement avec la mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel et les services régionaux de l’Inventaire, favorisent les échanges entre chercheurs, la confrontation des pratiques et garantissent le maintien d’une dimension nationale pour chacun de ces grands chantiers de recherche sur le patrimoine culturel français.
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