L’ouverture d’un nouveau musée est toujours un moment rare, un instant
privilégié. Ce sentiment plonge ses racines dans l’invention même de l’idée
de musée, à la Révolution, autour d’hommes comme Vivant Denon et
Alexandre Lenoir. Je suis convaincu, en effet, que le 21e siècle sera un
« siècle des musées ». De grands projets internationaux ont attiré l’attention
des médias, mais d’autres projets, plus discrets mais tout aussi exigeants,
voient le jour en Ile de France et en région. C’est le cas de ce séduisant musée
consacré à l’oeuvre du sculpteur Paul Belmondo, porté par la mairie de
Boulogne-Billancourt avec le soutien du Conseil général des Hauts-de-Seine,
du Conseil régional d’Ile de France et d’entreprises mécènes. Il s’inscrit
pleinement dans la volonté d’une offre culturelle riche et diversifiée à l’échelle
du Grand Paris. C’est aussi la traduction de la redécouverte et de la
réappropriation par Boulogne-Billancourt de son riche patrimoine des années
30, notamment les bâtiments construits par Tony Garnier, Auguste Perret, Le
Corbusier ou Jean Prouvé. Boulogne-Billancourt fut un laboratoire
d’innovations, un lieu de résidence artistique de premier plan. Son patrimoine
traduit aujourd’hui ce legs de la modernité : il a été reconnu par le ministère de
la Culture et de la Communication en 2004 avec l’attribution du label de Ville
d’art et d’histoire. Réalisation municipale, je ne doute pas que cet
établissement bénéficiera d’un rayonnement international, en bénéficiant du
label « Musée de France », traduction de l’exigence scientifique et culturelle
qui a nourri le projet.
Je sais aussi ce que ce musée riche de sculptures, mais aussi de moules, de
dessins et de croquis doit à la volonté et à l’engagement des enfants de Paul
Belmondo – Murielle, Alain et bien sûr, Jean-Paul - qui ont fait don à la ville de
Boulogne-Billancourt de l’ensemble de son oeuvre. Je tenais à leur rendre
hommage tant il est vrai que le dialogue entre donateurs et pouvoirs publics
doit être poursuivi avec constance, écoute et sérénité. Ossip Zadkine a
affirmé : « Le langage de la sculpture est un néant prétentieux s’il n’est pas
composé de mots d’amour et de poésie ». Toute l’oeuvre de l’enfant d’Alger,
exemple de la méritocratie, dit cette sensibilité à l’humain et à l’élégance
formelle.
Ce projet s’est également nourri de « l’esprit des lieux » : le château Beuchillot,
acquis par la ville de Boulogne-Billancourt en 1982, est en effet un écrin
majestueux, qui permet de mettre en valeur les oeuvres du sculpteur. Il
s’appuie sur trois fondements de la politique des musées, que j’ai évoquée il y
a quelques jours dans la présentation du « Plan Musées » : le geste
architectural, le développement de l’accessibilité pour chacun, mais aussi
l’appui apporté par les collectivités et le mécénat. Je tiens à saluer le soutien
de la Fondation Aéroports de Paris (ADP). Ce dernier a permis
l’aménagement d’une galerie tactile de 7 moulages permettant aux déficients
visuels mais aussi à tous les publics d’appréhender la technique de la
sculpture, et l’installation de cartels en braille pour l’interprétation des oeuvres.
Il permet d’entrer dans l’oeuvre de l’un des maîtres de la sculpture figurative,
formé dans l’atelier de Jean Boucher, disciple de Charles Despiau, dont il fut
aussi l’ami. Paul Belmondo fut aussi reconnu et sollicité pour d’importantes
commandes publiques, notamment pour le Palais de Chaillot, la maison des
Cheminots de Nanterre mais aussi l’Opéra de Paris, où il réalisa une copie
admirable de la danse de Carpeaux. Amoureux du dessin et de la matière,
Paul Belmondo fut aussi un « passeur » exigeant dans la transmission des
savoirs : à l’école des Beaux-Arts d’Alger, puis à celle de Paris à partir de
1956 enfin à l’Institut de France. Le musée consacre la carrière d’un sculpteur
qui fut un portraitiste exigeant et un chercheur insatiable de la monumentalité.
Artiste complet, doué d’une technique sans failles, il réalisa également des
médailles et des illustrations pour les livres d’art, notamment ceux de
Courteline. Ce lieu rend hommage à sa « sculpture sereine », pour reprendre
le titre de l’exposition rétrospective qui fut organisée entre 1997 et 2000, à
l’initiative de mon Ministère.
Il complète l’offre muséographique cohérente de la ville de Boulogne-
Billancourt, dans cette « vallée de la culture » dont la Seine est le fil
conducteur et la création du XXe siècle le ciment..
Avec cette inauguration, la longue liste des musées consacrées à un sculpteur
– Rodin, Bourdelle, Brancusi, Zadkine – s’enrichit d’un nouveau nom,
constituant un véritable réseau dont je ne doute pas qu’il saura attirer les
Franciliens mais aussi les visiteurs internationaux. Le 150e anniversaire de la
naissance de Bourdelle et de Maillol en 2011, inscrits dans les Célébrations
nationales , pourrait donner matière à une réflexion sur ces maisons des
« grands hommes » d’un type particulier. Elles permettent de rencontrer une
oeuvre artistique et souvent le lieu de sa création – ici l’atelier de l’avenue
Denfert-Rochereau reconstitué. En effet « perpétuer la mémoire de ce qui
n’est plus, c’est rendre hommage à ce qui existe » : ce qui est devant nos yeux
aujourd’hui, c’est l’élégance, la force visuelle et le sens monumental de l’oeuvre
de Paul Belmondo.
Je vous remercie.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de l'inauguration du musée Paul Belmondo
Monsieur le Ministre, Patrick Devedjian,Monsieur le Député-Maire, Pierre-Christophe Baguet,Mesdames et Messieurs les Parlementaires,Mesdames et Messieurs les Elus,Monsieur le Préfet,Mesdames, Messieurs les Présidents, Directeurs généraux et mécènes,Monsieur le Directeur, Frédéric Chappey, directeur des Muséesmunicipaux,Cher Jean-Paul Belmondo,Mesdames et Messieurs,
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