Cet ensemble remarquable constitue à la fois la toute première commande reçue par Edouard Vuillard - alors âgé de 23 ans - et son premier cycle de peintures décoratives. Peintes pour M. et Mme Desmarais, ces six peintures s’inscrivent au cœur des recherches novatrices de l’artiste au début des années 1890. Comme ses confrères nabis, Vuillard manifeste alors un intérêt marqué pour le décor, qu’il considère comme faisant partie intégrante du champ des beaux-arts – refusant la traditionnelle opposition entre décorations et tableaux de chevalet. Les panneaux Desmarais sont un des rares ensembles décoratifs de Vuillard à n’avoir jamais été dispersé.
Ayant déjà réalisé des décors pour le théâtre d’avant-garde, en 1892 Vuillard obtient par l’intermédiaire de l’architecte Stéphane Natanson la commande de six panneaux pour décorer le salon de la demeure parisienne du beau-frère de ce dernier, Paul Desmarais (1864-1947), industriel, et de son épouse Léonie, née Natanson. Leur hôtel particulier, construit sous le Second Empire, se situait au 43 rue de Lisbonne, à deux pas du parc Monceau.
Chefs-d’œuvre de Vuillard, les « panneaux Desmarais », restés en France jusqu’à ce jour, forment un ensemble d’un intérêt patrimonial majeur. Leur complémentarité est évidente avec les œuvres de Vuillard et de ses confrères Nabis conservées au musée d’Orsay, qui est désormais la collection de référence mondiale pour l’étude de ce mouvement à la charnière du XIXe et du XXe siècle, notamment pour Vuillard et Bonnard dont l’apport à la modernité est reconnu comme majeur.
Mme Rachida DATI, ministre de la Culture, salue le travail scientifique de la conservation du musée d’Orsay, qui a proposé l’interdiction de sortie du territoire pour cet exemple sans équivalent de l’art de Vuillard décorateur, ainsi que le rôle de la Commission consultative des trésors nationaux, dont les débats et l’avis favorable émis à l’unanimité ont orienté son choix de reconnaître le statut de trésor national à cet ensemble en refusant de lui accorder une autorisation d’exportation.
A partir de ces éclairages, confirmant l’importance de cette suite, la Ministre a en effet considéré que ce véritable manifeste nabi justifiait le recours à la procédure exceptionnelle du refus de certificat et marque ainsi son attention à la sauvegarde du patrimoine de notre pays. Elle forme le vœu que le délai de trente mois qui va s’ouvrir et le dispositif fiscal favorisant les acquisitions de trésors nationaux offrent l’opportunité prochaine d’enrichir les collections nationales conservées au musée d’Orsay d’un tel cycle décoratif de Vuillard demeuré complet et toujours en mains privées.