Monsieur le Président du Palais de Tokyo, Cher Jean de Loisy,
Monsieur le Président de l'Institut Français, cher Pierre Bulher,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je veux commencer par remercier l’Institut français pour l’organisation de ces Ateliers, qui sacralisent un temps précieux de réflexion, et un temps non moins précieux de retrouvailles chaque été, pour vous qui êtes engagés aux quatre coins du monde toute l’année. Je suis vraiment ravie d’ouvrir ces Ateliers avec vous ce matin.
Permettez-moi de remercier aussi Jean de Loisy et Christopher Miles pour cet accueil au Palais de Tokyo, qui incarne l’engagement dans le rayonnement de notre culture à l’étranger, autant que l’ouverture aux cultures étrangères en France.
Parce que les ponts doivent être toujours à double sens.
C’est l’esprit que je porte depuis toujours, vous le savez. Avant mon arrivée au ministère, dans ma vie professionnelle passée, j’ai toujours eu à cœur de promouvoir en France les artistes et notamment les écrivains venus d’ailleurs. Et depuis un peu plus d’un an, désormais, je multiplie les déplacements et les échanges avec mes homologues étrangers. J’ai largement voyagé en Europe, et au-delà : je me suis notamment rendue au Mexique, à l’occasion du Festival Cervantino ; au Liban, à l’occasion du Salon du livre francophone ; en Russie, tout récemment, pour accompagner le Président de la République. J’ai reçu à Paris des homologues du monde entier, de la Colombie à la Corée.
Chacune de ces rencontres m’a confortée dans la conviction que j’ai portée devant vous, il y a un an, à la Ferme du Buisson : la conviction du rôle et de la place tenue par les liens culturels dans nos relations diplomatiques.
Aujourd’hui, je voudrais rappeler l’ambition qui guide l’action culturelle internationale que je défends, et les grandes priorités qui doivent nous mobiliser collectivement dans les prochains mois.
L’ambition, d’abord.
Dans la situation géopolitique actuelle, dans la période de grande instabilité que nous connaissons, je sais que votre travail est difficile.
Mais il est aussi plus capital que jamais …
Nous devons aujourd’hui tenir bon, face aux pressions nationalistes, face aux mouvements de rejet et de repli amorcés par d’autres pays.
Les liens culturels sont les plus profonds et les plus résilients, à l’épreuve des tensions, à l’épreuve du temps.
Nous devons les entretenir, les développer … a fortiori quand les liens se distendent sur les autres terrains – économique, sécuritaire, politique…
C’est chaque jour un défi, je le sais. Mais vous avez un rôle majeur à jouer.
Nous devons développer des coopérations partout, avec une double boussole : chercher toujours la réciprocité ; et chercher des partenariats dans la durée. Tisser des liens qui nous permettent de porter nos artistes et notre culture à l’international, mais aussi, en retour, de bénéficier de l’ouverture à d’autres pays, d’autres histoires, d’autres façons d’être et de penser.
Je sais que c’est le sens de votre action au quotidien.
Je sais que c’est le sens des échanges que vous avez eus à Avignon, il y a quelques jours, lors des « Rendez-vous de l’Institut français » : être davantage dans une dynamique de coopération que de simple diffusion ; développer des relations structurantes avec les acteurs locaux ; tisser des liens durables.
C’est aussi l’esprit des actions que je porte ici en France.
C’est le sens, notamment, de mon combat pour la participation des migrants à la vie culturelle. Car « mieux » accueillir, ce n’est pas seulement partager davantage ce que l’on a, ce que l’on est ; c’est aussi « mieux » accepter l’altérité, et grandir à partir de ce que l’Autre peut nous apporter.
C’est le sens de tous les projets que vous avez menés ces derniers mois, avec le soutien de mon ministère :
Je pense à la création du fonds pour la protection du patrimoine en péril dans les zones de conflit : un enjeu majeur ; Je pense aux accords de coopération développés avec plusieurs pays : Canada, Maroc, Chine, Mexique ou encore Russie notamment ; Je pense au travail entrepris autour de la tapisserie de Bayeux, qui est aujourd’hui un emblème de l’amitié et de la volonté de coopération partagées par la France et le Royaume-Uni. Je pense aux saisons et aux années culturelles.
Je salue le travail mené autour de l’Année France-Israël, et je sais que la saison France-Roumanie est en très bonne voie pour 2019.
Je veux dire tout mon enthousiasme pour la Saison Afrique 2020 qui se prépare, et qui sera un événement d’une dimension inédite. Je salue chaleureusement N’Goné Fall, nommée Commissaire générale.
Je pense aux festivals internationaux, aux salons, aux expositions, aux spectacles et les rétrospectives cinématographiques : toutes les initiatives prises pour entretenir le dialogue culturel avec le monde entier.
Construire des ponts à double sens : c’est votre ambition quotidienne, et c’est le cœur du modèle culturel français.
Je voudrais évoquer les axes de développement qui sont prioritaires.
Il y a trois espaces de dialogue culturel privilégiés pour la France, qu’il faut investir un peu plus chaque jour :
- L’Europe, évidemment;
- La langue française, ensuite;
- Et le partage des savoir-faire, enfin.
Un mot de l’action menée sur chaque front et de nos perspectives pour la rentrée.
L’Europe.
Son avenir est entre nos mains. Elle est notre responsabilité.
Depuis mon arrivée, vous le savez, c’est pour moi un terrain d’engagement privilégié. C’est à cette échelle que la France doit défendre les principes et les valeurs qui fondent notre modèle de diversité culturelle, face aux géants du numérique et face au risque d’uniformisation charrié par la mondialisation.
Nous avons fait du chemin, ces derniers mois. L’Europe a remporté des victoires.
Je pense à la directive « Services des médias audiovisuels », qui est en passe d’être adoptée. Nous avons obtenu des avancées majeures, qui étaient inespérées – dont la mise en place d’un quota minimum de 30% d’œuvres européennes dans les catalogues de plateformes de vidéo à la demande. C’est un texte historique, qui doit largement à l’engagement de la France tout au long de la dernière année. Je veux remercier toutes celles et ceux d’entre vous qui se sont mobilisés autour de ce texte.
Sur la réforme du droit d’auteur : elle a connu un contretemps mais le combat continue. D’ici septembre, nous devons concentrer toute notre énergie sur ce texte. Le vote au Parlement européen le 5 juillet a été perturbé par des contrevérités, agitées par les opposants les plus virulents au texte. Nous devons reprendre notre travail de conviction. La mobilisation se poursuit, plus que jamais.
Nous devons par ailleurs continuer de construire l’Europe de la culture : c’est-à-dire l’Europe non seulement comme espace de protection et de régulation, mais de partage et de création. Je sais que c’est une ambition que vous partagez. Vous avez toutes et tous – à l’Institut français et en postes – un rôle essentiel dans la constitution de réseaux de partenariat européens.
J’avais pris l’initiative d’un sommet informel avec mes homologues, en octobre dernier, en marge de la Foire de Francfort. Cette rencontre a permis d’engager les travaux, de partager des premières pistes de projets concrets.
Dans son prolongement, j’ai proposé à mes homologues de signer une déclaration d’ambitions communes.
Nous avons notamment amorcé les réflexions sur l’Erasmus de la culture. En réponse à notre mobilisation, la Commission européenne a proposé de lancer dès cette année un « projet pilote » sous forme d’appel d’offre permettant de préfigurer l’action de soutien à la mobilité des artistes et des professionnels de la culture. Elle prévoit de soutenir cette circulation dans le cadre du futur programme Europe Créative pour les années 2021-2027.
Je compte sur vous pour accompagner les acteurs culturels français auprès de leurs homologues étrangers : ils sont prêts à s’engager.
Ces ambitions doivent se fonder sur des moyens confortés. La déclaration signée avec mes homologues européens appelait par ailleurs à un renforcement du budget européen en matière culturelle. Je me félicite que les récentes annonces de la Commission européenne aillent dans ce sens.
Dès cette année, nous devons dessiner des coopérations dans le champ du patrimoine : plus de 700 projets ont été labélisés en France dans le cadre de l’Année européenne du patrimoine culturel. Ce projet a pour vocation de célébrer la diversité des patrimoines et de promouvoir l'échange de bonnes pratiques en matière de sauvegarde et de sensibilisation des publics. Le réseau des services culturels à l'étranger se trouve naturellement à l'avant-poste dans l'animation de cet évènement, et je vous remercie pour votre implication.
Deuxième terrain de coopération privilégié : la langue française.
Vous avez été largement associés à la construction du plan pour la francophonie présenté par le Président de la République le 20 mars dernier.
Il s’agit maintenant de mettre en œuvre et de concrétiser les ambitions posées.
Mon ministère de la Culture est en première ligne pour les accompagner.
Il s’agit à la fois de resserrer les liens avec les autres pays de l’espace francophone, mais aussi de faire vivre la langue française dans le reste du monde, en développant son apprentissage et le rayonnement de nos artistes, qui en sont les meilleurs ambassadeurs. Vous êtes donc toutes et tous concernés par cette priorité, sur tous les continents.
Le Président avait insisté sur l’importance d’étendre, notamment sur Internet, la diffusion des médias français. L’audiovisuel public joue un rôle majeur, France Médias Monde touche 135 millions de personnes chaque semaine et l’objectif d’atteindre les 150 millions en 2020. C’est l’un des axes stratégiques que nous développons dans le cadre de la transformation de l’audiovisuel public.
De mon côté, je souhaite réciproquement améliorer la visibilité et la diffusion des artistes issus d’autres pays francophones ici en France, dans les lieux culturels que nous soutenons. J’ai confié une mission à Xavier North et à Paul de Sinety sur le sujet. Encore une fois : c’est une logique de ponts à double sens.
Nous allons par ailleurs offrir à la francophonie un lieu de référence, en France, en restaurant le château de Villers-Cotterêts. Le chantier est porté par notre opérateur patrimonial, le CMN. Il s’agit de faire du château un espace de création, de recherche, de résidence d'artistes, de spectacles, d'écriture et d'expositions.
Troisième terrain de coopération prioritaire, enfin : le partage des savoir-faire.
Notre expertise en matière de politiques culturelles est reconnue dans le monde entier. La réussite du Louvre Abu Dhabi en est emblématique, évidemment. Je voudrais saluer plus largement tous les projets de transferts d’expertise auxquels répondent quotidiennement nos conservateurs, nos architectes, nos musiciens, nos danseurs, le CNC pour le cinéma, l’INA pour l’audiovisuel, la BnF pour les bibliothèques, Universcience pour la culture scientifique, nos musées évidemment – le Centre Pompidou notamment, nos théâtres nationaux, nos établissements d’enseignement supérieur …
Nous recevons de plus en plus de sollicitations.
La liste est longue des compétences et savoir-faire qui sont la force de notre réseau, et que nos partenaires étrangers souhaitent développer à nos côtés.
C’est pourquoi mon ministère travaille actuellement à définir une politique d'expertise internationale structurée sur l’ensemble du champ de la culture, avec ses partenaires – le ministère des Affaires étrangères, l'Institut français, Expertise France, bientôt l'AFD. Il s’agit de mieux faire connaître nos savoir-faire, d’organiser la réponse aux appels d’offre à l’international, de fédérer les efforts lorsque c’est pertinent.
Je présenterai notre stratégie l’an prochain.
Je voulais dire un mot enfin de nos écoles d'enseignement supérieur. La France bénéficie d'un réseau d’établissements d’exception mais qui sont encore trop peu ouverts à l’international. Je souhaite que nos écoles puissent accueillir davantage d’étudiants étrangers et développer des coopérations avec d’autres établissements, à l’échelle européenne en priorité. Avec l’appui de l'opérateur « Campus France » et de mon ministère, qui peuvent faciliter les mises en relation professionnelles, vous avez sur ce dossier aussi un rôle primordial.
Voilà, mesdames et messieurs, les quelques messages que je tenais à partager ce matin. Nous avons plus que jamais besoin de votre mobilisation, pour incarner et défendre l’ouverture, dans un monde tenté à certains endroits de se refermer. La France a un rang à tenir, un modèle à porter. J’y travaille chaque jour ici, en défendant la diversité. Je compte sur vous à l’étranger.
Merci pour votre engagement.