Conservatrice générale du patrimoine, Laurence des Cars a été directrice scientifique de l'Agence France-Muséums. Depuis 2017, elle est présidente de l’établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie.
Votre talent et votre engagement font de vous une personnalité emblématique du monde de la culture. Quelles sont les principales étapes de votre parcours ?
Assez classiquement à l’issue de mes études d’histoire de l’art, j’ai passé le concours des conservateurs et intégré l’Institut national du patrimoine. En tant que spécialiste du 19e siècle, j’ai eu la chance de débuter ma carrière au musée d’Orsay comme conservatrice en peinture pendant treize ans. Ces premières années sont celles où j’ai construit intellectuellement et professionnellement une vision ouverte et complète de mon métier dans l’approfondissement d’un champ scientifique, le goût du travail en équipe et une première compréhension des enjeux internationaux du monde muséal.
C’est dans cette dynamique que j’ai été ensuite pendant six ans directrice scientifique de l’Agence France-Muséums au cœur de l’extraordinaire aventure que furent les années de création et de lancement du Louvre Abu Dhabi. Puis, j’ai eu le bonheur de diriger le musée de l‘Orangerie pendant trois ans, où je me suis efforcée d’ouvrir l’institution à des voix multiples pour mieux susciter sa découverte ou sa redécouverte. Et enfin depuis 2017, en tant que présidente d’Orsay et de l’Orangerie, c’est dans une vision plus complète de ces deux magnifiques musées qu’avec leurs équipes, je déploie une programmation, des projets et des travaux qui visent à donner des clés d’accès aux collections à l’histoire de l’art et des idées à tous les publics.
Dans le domaine culturel, l'égalité entre les femmes et les hommes connaît aujourd'hui encore une situation contrastée. Quelle place les femmes occupent-elles dans votre secteur ?
Fort heureusement, les choses bougent, et nous assistons à une féminisation croissante des postes de direction des musées, ce qui n’est que justice au regard du nombre de femmes engagées dans les métiers de la conservation. La tendance est aujourd’hui largement internationale, et quelques femmes dirigent aujourd’hui la Tate, à Londres la National Gallery de Washington ou les musées du Vatican, à Rome, mais nous ne sommes pas si nombreuses, et il faut encore et toujours encourager toutes celles qui hésitent à franchir le pas d’une candidature à un poste de responsabilité.
Votre engagement au service de l'égalité est connu. Comment se traduit-il dans l’exercice de votre métier et dans votre environnement professionnel ?
Cette question est l’objet d’une attention permanente de ma part, dans les processus de recrutement et dans la répartition des responsabilités. Grâce à l’engagement, à mes côtés de femmes talentueuses, j’ai eu l’opportunité de féminiser très sensiblement les postes de direction avec à la direction de l’Orangerie, Cécile Debray, à la direction de la conservation et des collections du musée d’Orsay, Sylvie Patry, ou par la nomination Virginie Donzeaud comme administratrice générale adjointe. Notre COMEX est ainsi majoritairement féminin, et plus largement, notre établissement public est engagé dans une politique proactive sur ce sujet. J’ai ainsi souhaité la définition d’une politique de responsabilité sociétale des organisations (RSO) ambitieuse pour l’établissement qui place en son centre cette problématique. La promotion de la diversité et de l’égalité sous toutes ses formes ainsi que la prévention et la lutte contre les discriminations font partie intégrante de la politique de l’établissement, elles sont au cœur de la politique de ressources humaines et sous-tendent toutes les activités scientifiques, artistiques et culturelles proposées par nos musées. Un travail scientifique sur la place des femmes dans l’art sera notamment initié dans le cadre du futur Centre de Ressources et de Recherche.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes femmes qui voudraient entreprendre une carrière dans le domaine culturel ?
Ce sont des métiers de passion et d’exigence, et pour ces raisons même, des milieux où les jeux d’egos et de pouvoir peuvent être particulièrement déstabilisants. Il faut donc se construire en apprenant à avoir confiance en soi et en ne doutant pas de sa légitimité face à la marche supérieure, car c’est souvent ce questionnement, qui n’a évidemment pas lieu d’être, qui fragilise encore la vie professionnelle des femmes dans le domaine culturel.
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