L'acte II de l'exception culturelle. Le gouvernement a confiée en août 2012 à Pierre Lescure, ancien président-directeur-général du groupe Canal+, une mission sur « l'acte II de l'exception culturelle », officiellement intitulée « mission de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'ère du numérique ».
La notion d’exception culturelle, promue par la France dès les années 80, repose sur l’idée que la culture n’est pas une marchandise comme une autre. Sa dimension économique doit évidemment être prise en compte. Cependant, le rôle qu’elle joue dans le développement personnel de chacun comme dans celui de la cité est trop important pour laisser les productions culturelles intégralement soumises à la loi du marché. L’intervention de la puissance publique apparaît nécessaire pour assurer la pérennité d’une offre culturelle riche, variée et accessible au plus grand nombre.
« Il faut que l'accès soit facile, possible, pour tous. Mais la gratuité absolue est contre-nature » avait rappelé Pierre Lescure, quelques jours avant la remise de son rapport. Il faut ajoutait-il dans les colonnes du Républicain Lorrain « préserver les principes de création de la culture sous toutes ses formes, les principes d'équilibre entre l'usage et les moyens de la création ».
Prenant en compte les rapports entre créateurs, industries culturelles et internautes, les travaux de la mission ont touché à tous les secteurs artistiques concernés par les innovations numériques : le livre, la musique, le cinéma, l’audiovisuel, la presse, la photo…
La mission « culture-acte2 », lancée officiellement par Aurélie Filippetti le 25 septembre 2012, a procédé à une centaine d’auditions .
Les trois objectifs de la mission :
- Dans le souci de défendre les créateurs, la mission devait produire des conclusions sur les termes d’une lutte efficace contre les pratiques illégales, mise en place avec nos partenaires européens et qui tienne compte des attentes et des pratiques sociales.
- La régulation des flux financiers associés à la création impliquait aussi de définir les mécanismes qui garantiront un équilibre meilleur et éviteront la concentration progressive de la valeur créée par les échanges, du côté des opérateurs les plus puissants.
- La prise en compte des attentes des publics et la volonté d’offrir un accès du numérique au plus grand nombre supposaient de faire des propositions sur le financement de la numérisation, sur l’adaptation de l’offre à la demande, sur les mécanismes de financement de la création, sur les modalités de gestion des droits.
Les grandes lignes du rapport Lescure :
A. ACCES DES PUBLICS AUX ŒUVRES ET OFFRE CULTURELLE EN LIGNE
1. Dynamiser l’offre en améliorant la disponibilité numérique des oeuvres
2. Favoriser le développement d’un tissu de services culturels numériques innovants et porteurs de diversité culturelle
3. Proposer aux publics une offre abordable, ergonomique et respectueuse de leurs droits
B. REMUNERATION DES CREATEURS ET FINANCEMENT DE LA CREATION
1. Garantir la rémunération des créateurs au titre de l’exploitation numérique de leurs oeuvres
2. Renforcer la contribution des acteurs numériques au financement de la création
3. Soutenir les nouvelles formes créatives et les nouveaux modes de financement
C. PROTECTION ET ADAPTATION DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
1. Réorienter la lutte contre le piratage en direction de la contrefaçon lucrative et alléger le dispositif de réponse graduée
2. Adapter le droit de la propriété intellectuelle aux usages numériques
3. Faciliter l’accès aux métadonnées
Pour financer la transition numérique des industries culturelles, la mission Lescure propose notamment de taxer les smartphones et les tablettes (à hauteur, par exemple de 1%). Elle n’est en revanche pas favorable à la création d'une « taxe Google » (droit à rémunération au titre du référencement des œuvres), souhaitée par les éditeurs de presse et la filière musicale. La faisabilité juridique d’une telle taxe paraît « douteuse ».
Pour lutter contre le piratage, il convient de maintenir la réponse graduée, mais aussi d’en alléger le dispositif. La mission propose d'abroger la peine de suspension de l'abonnement internet et de diminuer significativement le montant des amendes en le ramenant à une « somme forfaitaire de 60 euros, éventuellement majorée en cas de récidive », contre un maximum de 1500 euros actuellement.
La mission propose de supprimer la Hadopi en tant qu'autorité administrative indépendante et de confier la lutte contre le téléchargement illégal au CSA, qui deviendrait le nouveau régulateur de l'offre numérique culturelle.
Pour renforcer l'offre légale et décourager le piratage, la vidéo à la demande devrait être disponible plus rapidement après la sortie des films en salle.
Partager la page