« Participative et démocratique » d'un côté, « conviviale et festive », de l'autre... les adjectifs ne manquent pas pour qualifier cette manifestation atypique, dont la troisième édition, qui va se déployer pour la première fois à l'échelle nationale, aura lieu cette année en deux temps : à Pantin et Sète, le 25 mai, à Château-Thierry et La Rochelle, le 1er juin.
Et en effet, « 1 km de danse » est une initiative profondément originale. Conçue en 2022 par le Centre national de la danse pour « ancrer » la pratique de la danse auprès des habitants de Pantin, cette proposition, qui a su allier une qualité artistique indéniable et une ouverture réelle en direction des amateurs, a très vite rencontré un succès mérité. Pour cette raison, le ministère de la Culture a souhaité encourager son extension à l'échelle nationale. « L’enjeu, c’est bien de rendre la danse accessible à un large public, de tous âges et de tous horizons, en faisant « danser ensemble », souligne Rachida Dati, ministre de la Culture. Entretien croisé entre Christopher Miles, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture, et Catherine Tsekenis, directrice générale du Centre national de la danse
Depuis son lancement, en 2022, « 1 km de danse », une proposition originale du Centre national de la danse le long du canal de l’Ourcq, s’est imposée, pour les habitants de Pantin et de Seine-Saint-Denis, comme un temps fort de l’agenda culturel. Comment expliquez-vous ce succès ?
Catherine Tsekenis : Le succès de l’événement n’est pas dû seulement à son caractère festif, mais aussi et peut-être surtout à sa dimension participative, démocratique. Chacun assiste gratuitement, dans l’après-midi, aux spectacles donnés par les groupes amateurs et professionnels sur les cinq plateaux installés sur les rives du canal de l’Ourcq et, s’il le souhaite, le soir, peut entrer dans le jeu quand tout le monde se retrouve dans le plaisir de danser sous les étoiles. C’est très familial et amical. De plus, cet événement, vraiment pensé pour les habitants de Pantin, transforme tout à coup leur espace quotidien. Rien n’est plus pareil pour personne après une telle expérience, aussi joyeuse, et enrichie de toutes ces danses diverses.
Christopher Miles : J’ai eu la chance d’assister au « 1km de danse » en 2023 le long du Canal de l’Ourcq à Pantin, et je confirme qu’au-delà de sa qualité artistique et de son ouverture à tous les habitants, ce projet, convivial et festif, véhicule beaucoup de joie et de simplicité. A travers la rencontre qu’il propose avec toutes les danses, cet événement ouvre des horizons.
CT : Dès la deuxième année, la manifestation a fait de nouveaux émules. L’enthousiasme du public s’est encore développé, et c’est désormais un rendez-vous attendu à Pantin !
Participation des habitants et pratique amateur sont les mots-clés de « 1 km de danse ». En quoi cette dimension est-elle essentielle pour « faire danser ensemble le plus grand nombre » ?
CM : « 1km de danse » n’est pas seulement un ensemble de spectacles qui s’inscrivent dans l’espace public, c’est avant tout un temps de partage entre artistes professionnels, amateurs de danse et habitants d’un territoire. Ouverte, inclusive, entièrement gratuite, cette manifestation est construite à partir des pratiques dansées de chacun. C’est ce qui en fait sa vitalité et son hospitalité.
CT : Ce jour-là, tout le monde danse. Cette communauté spontanée révèle une profonde entente entre des danseurs occasionnels, des amateurs, des professionnels, mais aussi entre des genres : du folklorique au plus contemporain… Elle est enthousiasmante. Les professionnels qui se sont produits lors des deux premières éditions, en ont témoigné, ne serait-ce que par leur émotion, lorsqu’ils ont dansé pour un public qui, en grande majorité, n’est pas celui des salles.
Il est ainsi tout naturel que « 1km de danse » reflète l’enracinement de la danse amateur en France : nous accueillons des écoles, des associations locales, des groupes informels. La dimension intergénérationnelle de l’événement s’en trouve renforcée. Les pratiques sont « dé-hiérarchisées » : chacun danse avec une même recherche d’exigence et un profond engagement du corps. Amateurs et professionnels se respectent mutuellement.
« 1 km de danse » est un événement fédérateur, qui mise notamment sur la valorisation des identités des habitants. Quel rôle la danse, et plus généralement la culture, peuvent-elles jouer pour favoriser la cohésion sociale et le vivre-ensemble ?
CM : Par nature, la danse est un vecteur essentiel de cohésion et de vivre-ensemble. Elle a le pouvoir de rassembler des communautés artistiques aux esthétiques diverses et une grande mixité de publics qui se rejoignent dans la danse. Comme la culture, elle est ce qui nous lie, ce qui crée un langage corporel commun, au-delà des âges et des origines.
CT : Pour le Centre national de la danse, il s’agissait, au départ, d’abattre symboliquement les murs de notre bâtiment dont l’architecture est imposante. Bon nombre de pantinois ignoraient sa destination ! Avoir à investir l’espace public s’imposait à nous comme une évidence.
Puis est venue la dimension sociétale et même militante. La Ville de Pantin est habitée par de nombreuses communautés d’origines diverses avec de fortes disparités socio-culturelles. Elles se côtoient plus qu’elles ne vivent ensemble. La vocation de 1 km de danse est de donner sa place à tous et toutes par l’expression artistique du corps. C’est là un moyen magnifique de se découvrir les uns les autres.
Chaque personne, chaque groupe, chaque communauté a son identité culturelle et corporelle, celle dont il hérite, celle qu’il se construit. 1 km de danse crée l’occasion de les partager, permet que chacun et chacune pose un regard sur l’autre, accueille sa danse avec respect et réciprocité, créant ainsi de la fraternité.
Au fond, il s’agit de se rassembler en fêtant nos différences. Pour l’équipe du CND et moi-même, organiser 1 km de la danse répond à une volonté de lutter contre les discriminations, de créer du lien en mettant à l’honneur un « commun » qui est la danse.
En plus de Pantin où elle aura lieu le 25 mai, la manifestation s’installe cette année, dans trois nouvelles villes : Sète (le 25 mai), Château-Thierry et La Rochelle (1er juin). Qu’attendez-vous de ce déploiement ?
CM : Le ministère de la Culture souhaite encourager le déploiement du « 1km de danse » à l’échelle nationale pour en faire profiter d’autres régions, qui chacune s’approprie les codes de la manifestation. Le choix s’est porté, dans un premier temps, vers des villes de taille de moyenne, respectant un équilibre territorial au niveau national, et vers des structures culturelles labellisées qui ont manifesté leur intérêt à rejoindre cette aventure collective en 2024.
Fort de son succès auprès des habitants de Pantin en 2022 et 2023, le CND a mis son ingénierie culturelle au service des territoires pour transmettre les lignes de force de cette manifestation. Chaque partenaire a décliné l’identité du « 1km de danse » à l’aune de ses propres singularités, comme un projet de territoire construit avec ses habitants.
Ce déploiement est un moyen de co-construire et d’ancrer nos politiques culturelles dans les territoires. Nous sommes très fiers, à la DGCA, d’accompagner cet essaimage qui se transformera, espérons-le, en « 1000 km de danse » !
Partager la page