C’était le 11 février 2005. La loi pour « l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » – dite « Loi handicap » – entrait en vigueur. Elle intègre tous les handicaps, qu'ils soient d'ordre physique, visuel, auditif ou mental et fixe le principe d'une accessibilité généralisée pour les personnes concernées. C’est notamment cette loi qui prévoit la mise en accessibilité des espaces publics et des transports.
Depuis vingt ans, le secteur de la culture participe à cette accessibilité universelle aux personnes en situation de handicap, afin d’améliorer leur visibilité dans la société mais aussi, on le sait moins, pour favoriser une plus grande participation des artistes handicapés à la vie culturelle. A travers notamment la Commission Culture-Handicap qui donne un cap à son action, le ministère de la Culture se mobilise afin de favoriser les pratiques culturelles avec notamment des réglementations incitant à l’accessibilité des salles de cinéma ou des festivals, l’amélioration des conditions de visites dans les monuments ou encore l’accessibilité des œuvres écrites. Retour sur cinq actions emblématiques destinées à améliorer l’accessibilité de tous à la vie culturelle.
« Patrimoine pour tous », l’excellence de l’accessibilité récompensée
Créé en 2011 dans le cadre de la politique de démocratisation culturelle menée par le ministère de la Culture, le prix « Patrimoines pour tous » distingue une démarche remarquable en matière d'accessibilité généralisée pour les personnes en situation de handicap moteur, visuel, auditif ou mental. Ce prix annuel permet de récompenser des établissements patrimoniaux qui ont mis en place des mesures de qualité en faveur des personnes en situation de handicap et qui ont valeur d’exemple.
Depuis 2011, de nombreux établissements ont été récompensés pour leurs actions novatrices. Ce sont de grands établissements comme le Mucem à Marseille ou le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, pour la qualité du travail de ses équipes de médiation mais aussi de plus petits lieux comme le MuséoParc d’Alesia qui a intégré dès sa conception l’inclusion des visiteurs en situation de handicap, ou le musée départemental de l’Arles antique dans lequel les visiteurs dotés de handicaps moteurs, sensoriels ou mentaux peuvent circuler en toute autonomie.
Le livre numérique accessible à tous dès 2025
Quelque 820 000 personnes sont empêchées de lire du fait de troubles visuels sévères, de troubles cognitifs tels que la dyslexie, de troubles auditifs précoces, d’handicap mental ou d’handicap physique. Soit autant de personnes qui ne peuvent accéder aux œuvres écrites qu’au prix d’une adaptation personnalisée qui mobilise des établissements médico-sociaux, des associations ou des bibliothèques.
Ainsi, en 2018, prenant en compte les fonctionnalités d’accessibilité du livre numérique, le Comité de pilotage interministériel pour le développement d’une offre de livres numériques accessibles (dit « LINA25 ») a lancé un plan stratégique dont le suivi est assuré par le ministère de la culture, afin d’enrichir l’offre de livres et rendre les ouvrages accessibles dès leur parution. Une directive européenne, dite « Acte européen d’accessibilité », va obliger la production et la vente de livres numériques nativement accessibles. Des textes parus en 2023 ont fixé les obligations des éditeurs, distributeurs, diffuseurs et détaillants de livres numériques à respecter à partir du 28 juin prochain pour les livres numériques édités à partir de cette date tandis que ceux parus avant devront se conformer à cette exigence avant le 28 juin 2030. C’est l'Arcom qui sera chargée du contrôle de ces obligations.
Si le livre numérique ne pourra pas encore répondre à l’ensemble des besoins des personnes en situation de handicap, il va augmenter de manière très substantielle l’offre de livres pour une partie significative de ces besoins. En permettant d’accéder à l’offre éditoriale disponible dans le commerce, le livre numérique accessible participe ainsi à une société plus inclusive.
Cinéma et spectacle vivant inclusifs avec Culture Relax
Avec Culture Relax, les séances de cinéma et le spectacle vivant s’adaptent pour accueillir les personnes en situation de handicap. Créée en 2005 sous le nom de Ciné-ma différence, l’association veut créer une ambiance bienveillante et chaleureuse dans les lieux de culture pour les personnes autistes, polyhandicapées, avec un handicap intellectuel, cognitif, des troubles psychiques ou encore une maladie d’Alzheimer…
Lors des séances, les codes sont assouplis avec, au cinéma, un travail sur le son pour les personnes atteintes de troubles autistiques et sur la lumière avec une extinction progressive des éclairages. Pour le spectacle vivant, des outils de médiation sont à la disposition des spectateurs comme des documents rédigés selon le protocole FALC, « faciles à lire et à comprendre ». Une équipe est présente pour aider les personnes à s’installer et les rassurer et un espace détente permet de s’extraire du spectacle en cas de surcharge émotionnelle. Il y a enfin des aménagements techniques : pas de publicités ni bande-annonce au cinéma pour concentrer l’attention du spectateur mais un petit clip qui résume le principe de la séance.
Culture Relax travaille directement avec les lieux culturels afin de les aider dans l’accueil des personnes en situation de handicap et la mise en accessibilité de leurs spectacles. Des formations sont ainsi mises en place pour les équipes sur la relation à ce type de publics. Depuis sa création, près de 4 840 séances ont déjà été organisées dans les 163 salles du réseau, accueillant plus de 300 000 participants.
Des ateliers de médiation lors du spectacle Horizon
C’était en septembre 2023, lors de la 40e édition des Journées européennes du patrimoine. La compagnie L'Oublié(e) investissait avec souplesse et adresse les toits du Domaine national du Palais-Royal pour cinq représentations. En amont de ce spectacle, une quarantaine d’élèves atteints de troubles du spectre autistique ou de déficience modérée psychique ou mentale ont été conviés à assister aux répétitions. Ils étaient encadrés par une quinzaine d’accompagnateurs, issus de trois établissements : l’Externat médico-pédagogique Nollet, l’Institut médico-pédagogique Belleville et l’hôpital de jour André Boulloche.
Pour eux, le ministère de la Culture avait concocté un dispositif sur-mesure, avec une médiation spécifique et un accès privilégié aux équipes artistiques. Pour les accompagner, une trentaine d’élèves du lycée Beaugrenelle (Paris) en bac pro Métiers de l’accueil et Métiers du commerce et de la vente. Après cette rencontre, le groupe s’est vu proposer quelques exercices de mise en jeu du corps à mettre en place dans les établissements pour explorer les valeurs du spectacle : la confiance en soi, en l’autre, le risque et la concentration.
Une Olympiade culturelle sous le signe de l’inclusion
En 2024, l’Olympiade culturelle a embarqué tout le monde à son bord, avec notamment un objectif : changer les regards sur le handicap par le prisme de projets mêlant art et sport. La programmation a fait la part belle à des projets artistiques inédits ayant pour objet – mais aussi comme sujet – le handicap. Un an avant l’ouverture des Jeux de Paris 2024, quinze propositions artistiques avaient été retenues par le ministère de la Culture, en partenariat avec le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympique Paris 2024 (COJO) dans le cadre de l’appel à projets « Inspiration, création et handicap ». Destiné à tisser les liens entre art, sport et handicap, cet appel à projets a suscité l’intérêt, avec plus de 500 propositions déposées. Parmi les lauréats, le projet pArc, créé en 2022 par le chorégraphe Eric Minh-Cuong Castaing, un spectacle dans lequel collaborent des enfants neuro-atypiques ou atteints de troubles moteurs et des danseurs professionnels.
En avril dernier, la DRAC Île-de-France s’est elle aussi prise au jeu avec la rencontre « Créer pour, créer avec : sport, culture, handicap et inclusion » pour tisser des liens entre acteurs du monde culturel, sportif et du handicap. L’occasion de mettre en lumière quelques-uns des plus de 2 000 projets labellisés Olympiade Culturelle, dont la plupart intégraient la question du handicap. C’est le cas par exemple de Handesign qui fait se rencontrer dans le territoire francilien le monde du design et celui de l’handisport à travers un programme de résidences. C’est aussi l’exposition « Colis suspect » conçue par l’association Futur Composé qui œuvre à la rencontre entre jeunes gens autistes et artistes. C’est enfin le spectacle Lumière invisible conçu spécifiquement avec et pour un public non-voyant par la chorégraphe Orianne Vilmer aux côtés de Timothée Bouloy, Cécile Lassonde et Emmanuelle Simon.
Des guides Culture et handicap à l'avant-garde de l'inclusion
Depuis 2007, le ministère de la Culture publie une collection de guides pratiques de l’accessibilité à destination des professionnels de la culture afin d’informer le public des situations de handicap, identifier et comprendre les difficultés de ces personnes et les confronter aux adaptations et aux initiatives des services et établissements du ministère de la Culture. Ces guides sont conçus et rédigés en collaboration avec les professionnels pour l’élaboration de stratégies d’accessibilité adaptées.
Près de six guides sont déjà sortis, couvrant de nombreux secteurs : un premier sur des sujets généraux, un autre consacré au spectacle vivant, un troisième dédié à l’accueil des personnes handicapées mentales dans les lieux de culture, un quatrième guide intitulé Expositions et parcours de visite accessibles, l’accessibilité du cinéma et enfin un sixième sur l’accessibilité dans l’enseignement artistique. Les guides sont tous téléchargeables.
Partager la page