Célébré dans son pays comme un "trésor national", le Japonais Tadao Ando, l'homme aux 300 réalisations architecturales, dont l'oeuvre a reçu les plus hautes distinctions internationales, notamment le prix Pritzker, l'équivalent du Nobel de l'architecture, en 1995, bénéficie-t-il de la même reconnaissance en France ?
Sa triple actualité dans l'Hexagone - parrainage de la Saison Japonismes 2018, première grande rétrospective au Centre Pompidou, chantier de la fondation Pinault à la Bourse de Commerce, à Paris - apporte, alors que se tiennent à partir du 19 octobre les Journées nationales de l'architecture, un éclairage éclatant au sens de son oeuvre.
Une triple actualité
"La culture est une énergie nécessaire à la vie, assure Tadao Ando. Elle seule donne la force de créer de nouvelles idées et apporte une plénitude profonde". On peut entendre cette formule - qui s'appliquait au cent-soixantième anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises qui sont célébrées toute l'année dans Japonismes 2018 - comme une véritable profession de foi, innervant le travail et la pensée de l'architecte.
Est-ce un hasard si tant de ses réalisations ont porté, tout au long de sa carrière, sur des lieux de culture, depuis la Punta della Dogana et le Palazzo Grassi, réhabilités par Tadao Ando à Venise pour la fondation d'art contemporain de François Pinault, dont il est l'architecte fétiche, jusqu'à la réhabilitation emblématique de la Bourse de Commerce, à Paris, qui abritera la collection du mécène français début 2019, en passant par un projet muséal hors-norme, qu'il poursuit depuis trente ans, sur l'ïle de Naoshima ?
Architecture et nature
Destinée à abriter les œuvres de Monet, Turrell, Ufan ou Sugimoto, issues de la collection d'art contemporain du mécène japonais Soichiro Fukutake, l'île de Naoshima, redessinée par les soins de Tadao Ando, est très symptomatique de son travail épuré, jouant sur des formes géométriques simples et son goût du béton lissé, où l’architecture et la nature ne font plus qu’un."J’ai essayé d’incarner ce concept d’ "architecture invisible" par une méthode qui permet aux espaces dessinés par la géométrie de se déployer en épousant la topographie naturelle", déclare-t-il.
"On peut donner une forme à une idée, mais tout ce qui est physique est voué à disparaître […]. Dans deux cent ans, il ne restera pas grand-chose du Musée de Naoshima. Mais l’idée un peu folle de l’homme d’affaires qui a voulu faire de ces îles désespérément désertes un musée d’art contemporain d’envergure mondiale subsistera dans ses ruines", observe-t-il dans une interview accordée au journal Le Monde, ajoutant qu'il" réalise [ses] architectures en [se] demandant comment [il] pourrait concevoir des choses qui restent gravées dans l’âme des hommes pour l’éternité".
L'impermanence des choses
L'impermanence des choses, leur fragilité, très présente dans la tradition shintoïste, est l'un des éléments-clés pour comprendre le travail de Tadao Ando. Une dimension que Frédéric Migayrou, commissaire de l'exposition "Tadao Ando, le défi" au Centre Pompidou, n'a pas manqué de relever : "C'est un architecte qui invente son propre langage. Il va réinventer le langage du Corbusier dans une relation à la tradition japonaise".
Ancien boxeur professionnel - il a raccroché les gants en 1962 -, Tadao Ando a une conception bien à lui de l'espace architectural, qui sollicite aussi bien les sens que l'esprit, l'âme que le corps. "Toutes ces expériences que l’on fait dans l’espace [l’entrée de la lumière, la pluie qui tombe] sont pour moi quelque chose de grandiose. Il faut que l’architecture accueille la joie de vivre des hommes", dit-il. "Sinon, notre corps n’est pas attiré vers elle".
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