Les fanfares, batteries et orchestres d’harmonie animent traditionnellement les communes, pour les commémorations, les fêtes, les marchés… Fruits d’initiatives locales et d’emblée auréolés d’un succès populaire et convivial, ces ensembles sont aussi (on ne le remarque pas toujours) l’occasion d’un éveil musical, voire de débuts musicaux qui peuvent aller très loin. Parfois unique offre culturelle d’un territoire, la fanfare fédère des personnes de tous âges et de tous horizons autour de projets musicaux communs qui animent des paysages entiers et conduisent les intervenants à des échanges locaux, parfois nationaux et internationaux.
Ces harmonies regardent la sensibilisation du jeune public et sa formation d’un œil tout à fait ouvert et accueillant, fondé sur le plaisir du « jouer ensemble », de la rencontre de l’autre et des autres à cette occasion, et sur le désir de s’améliorer toujours plus dans ce cadre-là. C’est pourquoi elles ont toutes leur manière à elle d’intégrer les jeunes musiciens apprentis ou confirmés, venant ou non d’écoles de musique, ou de conservatoires, ou tout simplement de chez eux, grâce à des initiatives souvent étonnantes.
Nous nous sommes intéressés à leurs méthodes : des stages de formation instrumentale enchâssés, pendant une semaine, dans des ateliers de pratique collective, eux-mêmes inscrits dans un festival muni d’une affiche professionnelle passionnante (Cuivres en Ardennes, à Sedan), un groupe « Kids » intégré et tutoré, l’année durant, par les musiciens confirmés d’une petite harmonie locale qui n’hésite pas à se produire à Paris et à l’international (Batuc Fanfar Brass-band de Casseneuil, Lot et Garonne), et enfin, comme une synthèse des deux premières, le travail formidable de la fédération Auvergne-Rhône Alpes autour de son président basé à Cournon-Auvergne : stages de pratique instrumentale, stages de formation des cadres, construction d’un programme de rencontres et de diffusion.
Trois exemples de projets réussis, grâce au soutien du Plan Fanfare du ministère de la culture (DG2TDC), co-financé par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT).
Grand Est : A Sedan, chaque été, les cuivres au centre de huit journées passionnantes
L’association Cuivres en Ardennes est issue de l’idée de cinq jeunes musiciens professionnels qui, il y a dix-sept ans, ont souhaité se retrouver chaque année autour d’un stage vivant et heureux, pour transmettre aux enfants et aux jeunes gens la flamme qui anime leur passion pour la musique. Depuis, le projet s’est étoffé. De 5 on est passé à 15 professeurs pour 86 stagiaires sur huit jours à Sedan.
« La fidélité de bon nombre de stagiaires nous fait sentir que nous avons réussi quelque chose, nous confie Lucie Potron, la présidente de l'association. Certains sont venus pour la première fois il y a quinze ans, dix ans, six ans et reviennent chaque année. C’était des pré-adolescents et à l’âge de 20 ans ils ont toujours le même plaisir de jouer ici. On se dit que si cette semaine estivale les ressource et les maintient toute l’année dans l’envie de partager la musique, c’est que le pari est gagné. »
Le projet pédagogique est ici de créer une rencontre de musiciens amateurs de tous les âges (cette année, de 8 à 74 ans !) et de tous les milieux (élèves d’écoles de musique, d’associations, de conservatoire, membres de petites sociétés musicales amateurs) avec des musiciens professionnels. Le matin, pratique instrumentale, puis différents ateliers (improvisation, direction, initiation au jazz, au théâtre musical, formations classiques comme le quintette, et, bien sûr, ensembles de cuivre de batucada et fanfare de rue…).
Tout cela conduit logiquement à un grand concert de restitution. « Or, il y a trois ans, nous avons eu l’idée de mettre notre stage au cœur d’un événement qui fasse mieux la promotion des cuivres auprès des publics, en créant un festival qui programme des ensembles professionnels et amateurs. Les artistes programmés peuvent donner une master class. Certains appartiennent à l’équipe pédagogique du stage. L’ensemble Octotrip va venir cette année, huit musiciens professionnels dont Nicolas Vasquez qui, quant à lui, fait partie du stage. Viendra aussi un merveilleux duo : Hélène Escriva (trompette basse) et Pierre Cussac (accordéon). Hélène, elle aussi, fera cours toute la semaine. »
Quant au concert de restitution, il n’est pas oublié. Il se donne en une grande matinale festive au jardin botanique puis en une soirée concert, avant le grand rendez-vous final du festival : la « Nuit cuivrée ». « L’année dernière, l’un des professeurs, programmé sur cet événement, a invité les stagiaires à jouer avec lui : un moment fort ! »
Nouvelle Aquitaine : Années de voyages et d’apprentissages d’une société de musique fort dynamique du Lot et Garonne
Implanté à Casseneuil, une commune magnifique de 2500 âmes, située au bord du Lot à deux pas de Villeneuve, le Batuc Fanfar Brass-Band est issu d’un groupe créé en 1948 par ses habitants. C’était à l’époque une clique. Celle-ci grandit et devint une fanfare. Il y a vingt ans, il était temps de renouveler le répertoire. La petite société musicale se mua petit à petit en batucada et, depuis encore, « on a rajouté notre propre style » nous explique Jean-Marie Bufferand, le président de l’association, en joignant à la batucada (percussions brésiliennes) la dimension du « brass band » (orchestre de cuivres, à l’anglaise, repris et transformé en mode « dixieland » à la Nouvelle-Orléans).
Ce joyeux carrefour de traditions musicales ne demandait qu’à s’hybrider au puissant esprit du Sud-Ouest. Ce n’était pas le fruit du hasard. Dès 2011, la petite formation s’offrait un séjour au Québec pour une dizaine de concerts et d’échanges, dont sa participation au festival international de percussions de Longueuil (Montréal). Depuis, le goût de ces musiciens pour l’échange et les découvertes ne s’est plus démenti : participation annuelle au festival international de samba de Coburg (Allemagne), invitation du Bayern de Munich pour l’animation d’un de ses matchs, ambassadeurs du Sud-Ouest pour l’animation des marchés flottants sur les quais de Seine à Paris, coupe mondiale des musiques universitaires à Indianapolis en 2019… rien ne fait peur au Batuc Fanfar Brass Band, où tout le monde est strictement bénévole, du moment qu’il découvre l’autre et se bonifie.
Mais il fallait aussi marcher sur une seconde jambe : donner le désir aux jeunes gens de Casseneuil et des environs de jouer de la musique, voire de venir jouer au Batuc, qui les accueille à bras ouverts. L’Institution Saint-Pierre, à Casseneuil, a voulu relever ce défi : créer une section « Orchestre à l’école » où tous les ans des CM1, CM2 et 6ème viennent découvrir la musique autrement. Mais on pouvait aller plus loin, avec l’aide du plan fanfare du ministère de la Culture, et pour marquer les 75 ans du groupe : proposer à un groupe volontaire de primaire CM1, CM2 et 6ème (« le groupe Kids ») une initiation et immersion dans le monde associatif, local et musical, grâce à des rencontres avec d’autres groupes juniors, pour découvrir tout type et style de musique. Donner aussi une dimension intergénérationnelle à ces moments de découverte en organisant des tutorats (un jeune musicien en découverte instrumentale/un musicien expérimenté de l’association).
« Pour la fête de la musique, nous signale Jean-Marie Bufferand, et pour clôturer cette saison du groupe Kids, on organise une rencontre musicale de trois groupes (orchestre à l’école, orchestres juniors), pour faire des ateliers en commun (et notamment un atelier de « multirythmie ») suivis d’un concert. » Une belle leçon de bon sens, de pédagogie, de culture du désir et de dynamisme qui mérite d’être saluée et imitée !
Auvergne-Rhône-Alpes : Une fédération régionale à l’œuvre sur 12 départements autour de Cournon d’Auvergne
« Nous voulions fédérer les associations musicales qui avaient envie d’avancer, » nous explique Didier Martin. Ce dernier dirige le Conservatoire à rayonnement communal de Cournon d'Auvergne, situé à 10km de Clermont-Ferrand. Il dirige également la batterie fanfare de ce conservatoire, qu’il a créée en 1982. A cette même époque, il participe à la création de la fédération Auvergne des batteries et fanfares, devenue aujourd’hui fédération Auvergne-Rhône Alpes, regroupant les associations de 12 départements, membre de la Confédération française des batteries et fanfare (CFBF), elle-même créée en 1981.
« Ces associations se trouvent généralement en milieu rural ou dans de petites villes où la batterie fanfare reste l’unique forme de pratique musicale collective, ouverte à tous, intergénérationnelle, enracinée dans un territoire. Pour elles, se former plus et mieux, rayonner plus intensément, c’est un gage de vitalité.
« De ce fait, la formation est notre principale activité ! La formation des jeunes, bien sûr, mais dans un cadre intergénérationnel. Si ces formations se pérennisent, en effet, c’est grâce à ce mélange des âges. Ainsi, nous organisons des stages de perfectionnement musical, mais aussi des stages pour la formation des cadres, chefs de pupitre et directeurs d’orchestre.
« Ces formations s’adressent bien sûr à des amateurs pour lesquels il n’y a aucun prérequis. On prend les artistes là où ils sont et on essaie de les emmener plus loin, avec l’espoir qu’ils transmettent à leur tour. »
Côté diffusion, il est clair qu’une fanfare est naturellement sollicitée pour animer la vie de la cité. « C’est sympa, mais ce n’est pas suffisant ! Nous mettons tous nos efforts à proposer aux fanfares les occasions de varier leurs terrains de jeu. Nous les encourageons à approfondir leur projet associatif, artistique et collectif, afin de se rapprocher toujours plus des gens. Pour les soutenir de ce côté, nous avons fondé un festival d’automne, DiverSons, assorti d’un concours pour les petits ensembles de cuivre ou de percussions.
« De plus ces festivals permettent aux amateurs, notamment lorsqu’ils sont éloignés de l’offre culturelle, de rencontrer des professionnels. Grâce au soutien du ministère de la culture (DRAC Auvergne-Rhône Alpes), nous avons pu, par exemple, y inviter Alexandre Jous, ce qui a eu un effet extraordinaire : certains ensembles ont ensuite fait appel au plan fanfare pour acheter des cors des Alpes, et cela non pas pour jouer des mélodies suisses, mais dans l’idée de proposer de véritables créations. »
D’autres festivals renforcent la vitalité de tout le tissu associatif, et notamment, en mai, Europa Fanfare : « Plus de 700 musiciens de 5 pays, 8 régions et 16 départements pendant 3 jours au Zénith de Cournon d'Auvergne. Nous avons eu le plaisir de réunir, pour l’occasion une batterie fanfare éphémère : 120 musiciens. Et côté patrimonial, la reconstitution d’une batterie napoléonienne : 35 tambours, 70 musiciens d’harmonie. » Enfin, notons aussi la création, il y a trois ans, d’un orchestre national des jeunes, qui s’intègre aux concerts d’Europa Fanfare.
Le plan fanfare
Avec les quatre fédérations nationales (Fédération Sportive et Culturelle de France, Confédération Française des Batteries et Fanfares, Confédération Musicale de France, Union des Fanfares et Ensembles Musicaux - UFEM France) et grâce au co-financement de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) , le ministère de la Culture a lancé et mis en œuvre, sur 2021 et 2022, son « Plan Fanfare », reconduit en 2023, destiné à soutenir ces formations amateurs suivant trois axes principaux : l’accompagnement des artistes, le développement des échanges (partenariats, collaborations), enfin l’encouragement des initiatives structurantes et rayonnant sur un territoire élargi (voire sans limite !). 514 projets ont été soutenus sur 2021 et 2022.
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