Qu'il soit projeté en salles, diffusé à la télévision, hébergé par les plateformes, le documentaire est aujourd'hui partout. Un plébiscite qu'est venu adouber, en janvier dernier, le lancement de l'Année du documentaire 2023 à l'occasion du Festival international du film documentaire (FIPADOC), en présence de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Cet événement, placé sous l'égide du ministère de la Culture, est piloté par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) en partenariat avec la Cinémathèque du documentaire et la Société civile des auteurs multimedia (SCAM).
L'un des objectifs de l’Année du documentaire est, bien entendu, de célébrer dans toutes ses dimensions un genre particulièrement riche, qui porte un regard sans fard sur notre société, ses écarts, ses élans, ses glissements, ses marginalités. Illustré depuis toujours par les plus grands réalisateurs – de Marcel Ophüls à Claude Lanzmann, en passant par Rithy Panh, Raymond Depardon ou Nicolas Philibert, récemment primé à la Berlinale –, le documentaire met aussi à l’honneur une résurgence de la pratique amateur, l’un des phénomènes les plus marquants de ces dernières années. Une pratique qui sera au cœur des débats lors de la table ronde « Du Super 8 à YouTube : filmer sa vie » organisée le 18 avril par le ministère de la Culture, en partenariat avec YouTube France et la SCAM.
Le documentaire mobilise de nouvelles pratiques amateurs
Le documentaire n'est pas seulement le fait de professionnels, loin s'en faut. Il inclut aussi la pratique amateur et notamment celle, ancienne, qui consiste à filmer sa vie. L’idée de faire un pont entre le Super-8 et YouTube est née des Années Super-8, le film réalisé par Annie Ernaux. Au moment où le prix Nobel consacrait son œuvre, ce film, où l’écrivaine raconte sa vie à partir d’archives en Super-8, sortait en salles. C’était la preuve de la valeur de ces archives et de la pertinence à les mettre en regard avec la pratique actuelle où les images sont diffusées largement.
La grande différence, en effet, est bien celle de la diffusion. Hier, on diffusait dans un cercle fermé – la famille, les amis, les voisins – tandis qu’aujourd’hui, ces films, mis en ligne sur les plateformes, peuvent potentiellement être vus par le monde entier. Avec à la clé une question : savoir que l’image que l’on filme est susceptible d’être vue par des millions de personnes modifie-t-il en amont la manière dont on filme ? On écoutera avec intérêt les réponses des deux créateurs invités : Julien Aubrée et Louanne Carmona, respectivement cofondateur et fondatrice de chaînes YouTube.
Le documentaire renouvelle notre intérêt pour les archives et la mémoire
Dans le sillage de ce constat, arrive tout naturellement une autre interrogation : comment une pratique amateur – et les outils qu’elle emprunte – vont transmettre une histoire, raconter une époque et s’inscrire dans le récit commun ? Pour répondre à ces interrogations, le ministère de la Culture a souhaité qu’un archiviste, en l’occurrence Aurélien Durr, responsable du secteur des archives audiovisuelles des Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, échange avec les créateurs. La table ronde sera complétée par une sociologue, Réjane Hamus-Vallée, par la directrice générale de YouTube France, Justine Ryst, où l’essentiel des vidéos, qu’elles soient professionnelle ou amateur, sont mises en lignes, et enfin, par un jeune ambassadeur du pass Culture, Gilles Konan, qui plébiscite ces vidéos et dira pourquoi.
Autre question, celle de la conservation. Que deviendront ces images demain ? Qu’en est-il de leur protection ? Mais aussi des droits ? Dans un contexte où, qui plus est, les supports évoluent à un rythme effréné. Prenons l’exemple des archives cinématographiques qui font apparaître un paradoxe : aujourd’hui, alors que nous parvenons toujours à voir les films des frères Lumière, il arrive que ce ne soit plus le cas pour des films mis en boîte dans les années 80, tout simplement parce qu’on ne sait déjà plus lire ces supports numériques. On en arrive à perdre des archives d’un point de vue purement mécanique. Sur ces enjeux aussi, l’échange promet d’être passionnant.
Le documentaire amateur, une pratique qui favorise la voie de la professionnalisation
La pratique amateur, enfin, est aujourd’hui devenue un tremplin pour ceux que la voie professionnelle tenterait. On ne peut s’empêcher ici de faire le parallèle avec la musique : on ne compte plus en effet le nombre de musiciens repérés par des maisons de disque après avoir mis leur musique en ligne.
YouTube France a bien compris cette problématique, puisque la plateforme va aujourd’hui bien au-delà du simple hébergement des vidéos : création de bourses de résidence, d'accompagnements spécifiques... Elle aide au sens large les créateurs. C’est le sens du témoignage de Julien Aubrée, qui est désormais à la tête d’une société de production audiovisuelle où il propose des contenus professionnels à des chaînes de télévision.
Du Super-8 à YouTube, filmer sa vie : le programme
La table ronde intitulée « Du Super-8 à YouTube : filmer sa vie » organisée le 18 avril par le ministère de la Culture en partenariat avec YouTube France et la SCAM dans le cadre de l'Année du documentaire, illustrera l'évolution des pratiques amateurs utilisées pour raconter sa propre histoire : comment une pratique amateur transmet une histoire, une époque et s'inscrit dans le récit commun ? Que révèle-t-elle du regard qu'on porte sur soi et sur les autres ?
Pour en débattre seront réunis : Justine Ryst, directrice générale de YouTube France ; Réjane Hamus-Vallée, sociologue, professeure des universités à Évry Paris-Saclay en sociologie visuelle et filmique, membre du Centre Pierre Navile ; Aurélien Durr, responsable du secteur des archives audiovisuelles de Seine-Saint-Denis; Julien Aubrée, cofondateur de la chaîne YouTube @Mamytwink ; Louanne Carmona, fondatrice de la chaîne YouTube @LouanneManShow et Gilles Konan, ambassadeur du pass Culture.
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