On se souvient de Hors-Piste, le seul-en-scène du champion olympique Martin Fourcade à la MC2 Grenoble, de la prestation ébouriffante de Paul Molina, un jeune prodige du freestyle football, présentée à la Scène nationale de Châteauroux, ou de l’exposition « Les Elles des Jeux » au musée national du sport à Nice, une exposition qui faisait la part belle aux sportives.
Placées, comme tant d’autres, sous la bannière de l’Olympiade Culturelle, ces manifestations, qui ont marqué les esprits, ont fait rayonner partout en France les valeurs communes à la culture et au sport. Dans leur sillage, d’autres acteurs profitent de cet élan olympique pour abolir la frontière entre ces deux mondes. C’est le cas de la ville de L’Île-Saint-Denis, de la scène jeune public et du breaking, une discipline qui va faire une entrée remarquée aux Jeux de Paris 2024. Compte-rendu de la table ronde organisée par le ministère de la Culture à l’occasion du lancement d’un hors-série, « La Culture à l’heure des Jeux », coédité avec Connaissance des Arts.
Olympiade Culturelle, un dialogue XXL entre culture et sport
Une occasion unique de « faire dialoguer les mondes du sport et de la culture ». C’est ainsi que Noël Corbin, délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle au ministère de la Culture, en charge, avec le Comité d’organisation de Paris 2024, de cette programmation XXL, présente l’Olympiade Culturelle. Avec une ambition : profiter de l’exposition sans équivalent procurée par les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 pour faire en sorte que nul ne se dise « ce n’est pas pour moi ». « Ce dialogue inédit entre l’art et le sport présente un immense avantage, celui de brouiller les cartes entre un domaine présenté comme « populaire » (le sport) et un domaine présenté comme « élitiste » (la culture). Avec le succès que rencontrent les manifestations de l’Olympiade Culturelle, on s’aperçoit que ces préjugés n’ont plus lieu d’être. Notamment chez ceux de nos concitoyens qui pensent que la culture n’est pas pour eux », assure Noël Corbin.
Citons la dernière édition des Journées européennes du patrimoine, qui ont, selon Noël Corbin, « mis en lumière des lieux patrimoniaux de sport et permis aux acrobates de la compagnie L’Oublié(e) de Raphaëlle Boitel d’enflammer le Palais-Royal pendant plusieurs jours avec le spectacle Horizon », ou les Archi-Folies, nom donné aux pavillons des fédérations sportives qui seront installés dans le parc de la Villette à partir de juin et pendant les Jeux de Paris 2024, dont la conception a été confiée aux étudiants des écoles nationales supérieures d’architecture. Noël Corbin note également, au sein de cette programmation, la présence de nombreux projets en provenance des territoires ultra-marins ainsi que la place faite à la question du handicap.
Le ministère de la Culture n’a pas attendu l’Olympiade Culturelle pour faire fructifier le lien entre sport et culture. En revanche, il a trouvé grâce à celle-ci, « les bons outils ». Aujourd’hui, l’objectif est de continuer sur cette lancée, notamment à travers les appels à projets associant sport et culture lancés par les directions régionales des affaires culturelles. « Nous voulons susciter des projets et des vocations, conclut Noël Corbin, en particulier dans le champ du jeune public si fécond pour faire dialoguer ces deux axes ».
Le jeune public, cible prioritaire
Le jeune public est précisément celui auquel s’adresse Scènes d’enfance. L’association, née en 2015 au lendemain de la Belle saison avec l’enfance et la jeunesse conçue par le ministère de la Culture, accompagne et représente tous les acteurs artistiques et culturels qui font le choix de la jeunesse. « L’enjeu du développement personnel et du corps a toujours été pris en compte par la création jeune public », relève Estelle Picot-Derquenne, sa directrice. En témoigne « L’Enfance des arts », la grande fête des arts vivants avec et pour la jeunesse que pilote l’association dont la deuxième édition, qui s’est déroulée du 20 mars au 8 avril, a eu l’honneur d’être la manifestation d’ouverture de l’Olympiade des enfants et de la jeunesse.
Parmi les spectacles emblématiques de cette hybridation, Estelle Picot-Derquenne cite Like me, spectacle immersif en piscine de « La compagnie dans l’arbre » récemment présenté par le théâtre Dunois à la piscine éponyme. Mettant en scène « un jeune homme qui devient une star à son insu », le spectacle s’adresse à des adolescents et questionne nos arrangements inconscients avec le voyeurisme et l'exhibitionnisme quotidiens. Ou encore le spectacle Ces filles-là de la compagnie Ariadne sur la question du harcèlement. Des spectacles particulièrement sensibles aux enjeux citoyens, à l’issue desquels sont organisés « débats et discussions » qui suscitent de nombreuses réactions, précise Estelle Picot-Derquenne.
L’Île-Saint-Denis stimulée par Paris 2024
« Sans les Jeux olympiques et paralympiques, nous n’aurions jamais pu mettre sur pied un tel programme de réalisations d’équipements, ni proposer une programmation aussi ambitieuse ». Mohamed Gnabaly, maire de L’Ile-Saint-Denis et vice-président de l'association des Maires de France, est un édile heureux. On le comprend. Voyez plutôt la façon dont il présente sa ville : L’Île-Saint-Denis, 177 hectares dont 40 d’espaces verts, 8500 habitants, 85 nationalités, une ville à « la réalité complexe » – elle compte 30% de familles monoparentales, 35 % de chômeurs et son parc immobilier est constitué à 60% de logements sociaux – mais « dans laquelle on vit bien ».
Élu maire en 2014, alors que les Jeux Olympiques et Paralympiques étaient déjà dans tous les esprits en terre dyonisienne – pour mémoire, Saint-Denis accueille plusieurs épreuves ainsi que le nouveau Centre aquatique olympique et le Village des athlètes – le maire porte la stratégie olympique de sa ville avec une promesse, « qu’il y ait un héritage des jeux pour notre population » et une série de vœux, dont « la construction d’une cité des arts et de la culture, une base nautique, un mur anti-bruit… » « C’était une véritable liste au père Noël », se souvient-il. Des vœux qui sont tous devenus réalité, si bien qu’aujourd’hui, Mohamed Gnabaly savoure la « période de la récolte ». Au matin de ce 4 avril, il était au côté du président de la République pour inaugurer la piscine olympique.
« Les Jeux Olympiques et Paralympiques ont impulsé une dynamique. Nous sommes en train de refaire toutes les routes, l’intégralité du parc social sera rénovée à l’horizon 2027, les habitants pourront tous assister au moins à une épreuve et, sous l’égide de l’Olympiade Culturelle, une chorale a été créée dans chaque école, initiative qui a abouti à la composition de l’hymne de la ville », détaille Mohamed Gnabaly.
Cerise sur le gâteau, pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, L'Île-Saint-Denis se transformera en « Africa Station », une fan zone dédiée à la culture et au sport africains. Le site accueillera des retransmissions mais aussi des animations, des concerts, des spectacles, des expositions et des rencontres avec les athlètes. « La ville abrite une partie du village des athlètes. Avec Africa Station, nous serons ainsi une maison de célébration pour tous les athlètes africains. Au-delà, je souhaite permettre à ma population de découvrir la diversité de la culture africaine. Africa Station sera une formidable occasion de faire rayonner L’Île-Saint-Denis à l’international ».
« Tolérance, ouverture à l’autre, apprentissage : le sport et la culture sont l’un comme l’autre des outils de transmission des valeurs et de cohésion sociale », résume Mohamed Gnabaly.
Le breaking, nouvelle discipline olympique
Dernière illustration des liens fructueux qu’entretiennent culture et sport, le breaking devient, avec le surf, l’escalade et le skateboard, une discipline olympique en 2024. « C’est historique, se réjouit Charles Ferreira, président de la fédération française de danse. C’est la reconnaissance d’une culture urbaine qui part de loin. Il y a eu une réelle volonté du Comité international olympique de rajeunir les disciplines olympiques et de donner une dimension artistique aux Jeux ». Pointant la dimension écologique des prochains Jeux olympiques et paralympiques – « il y aura, dans ce domaine, un avant et un après Paris 2024 », prophétise-t-il – il se félicite que le breaking, « peu couteux en termes d’infrastructures », est en parfaite adéquation avec ces « valeurs ».
Alors, le breaking reste-t-il un art, malgré tout ? « Absolument, assure Charles Ferreira, ce qui ne nous empêche pas de revendiquer aussi notre identité dans le milieu du sport. En réalité, la discipline se situe quelque part entre la culture et le sport. Les valeurs sont les mêmes. J’œuvre pour que les deux mondes se rapprochent. Aujourd’hui, la reconnaissance apportée par le Comité olympique donne une visibilité internationale sans précédent à notre passion ».
« Paris 1924 », une restauration d’archives cinématographiques de toute beauté
Saviez-vous qu’en 1924, lors des précédents Jeux Olympiques à Paris, la piste d’athlétisme, avant chaque course, était soumise à un rude labourage de la part des coureurs en l’absence de starting-blocks ? En marge de cette compétition, l’héroïne de l’aviation Adrienne Bolland a battu le record du monde du nombre de loopings ? Ou que les moyens techniques dont disposaient les médias de l’époque permettaient déjà de rendre compte avec une rare virtuosité des épreuves sur mer ? C’est tout cela, et bien plus encore, que l’on découvre dans Paris 1924, le film réalisé par le Centre national du cinéma et de l’image animée sous la supervision inspirée de Béatrice De Pastre, sa directrice adjointe du patrimoine et directrice des collections, à partir d'archives restaurées pour l'occasion par Gaumont Pathé Archives. Somptueux.
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