« J’essaye de vous oublier, mais je n’y arrive pas ». En se retournant vers la salle ce jeudi 9 juillet, Mourad Merzouki n’a pas manqué, l’espace de quelques secondes, de saluer d’un clin d’œil malicieux la présence des spectateurs. Car si cette rencontre était hautement improbable il y a seulement quelques semaines, il est bien évident que le chorégraphe, l’un des principaux promoteurs en France des danses urbaines, actuel directeur du Centre chorégraphique national de Créteil, se réjouit de retrouver le public.
Ce « laboratoire spontané » – c’est le nom de cette initiative en collaboration avec Müller et Makaroff, fondateurs du groupe Gotan Project, dont il règle la mise en espace avec la précision d’un horloger – est « né de l’urgence de faire dans un contexte de lendemains incertains », celui de la crise sanitaire et du confinement. De fait, la musique, mêlant tango et électro, qui accompagne le travail des danseurs – un trio de danseuses et deux duos de danseurs – est immédiatement reconnaissable, entre intensité, électricité et élégance.
Performance in progress
Le public de tous âges qui a répondu présent à l’invitation – c’est ce qui frappe immédiatement quand on arrive dans la salle Charlie Parker de la Grande Halle de la Villette – est sous le charme. On comprend vite pourquoi. Dès qu’il commente le travail de ses danseurs, les talents de pédagogue du chorégraphe font merveille. « Pour le moment, commente-t-il, ce n’est pas scénarisé, c’est la gestuelle qui est mise en avant. Nous avons commencé à travailler il y a quelques heures seulement. C’est brut, c’est encore fragile, c’est un peu de la « danse au kilomètre ». Ensuite, j’organiserai ce travail en résonance avec celui des autres danseurs, de la scénographie et de la musique », dit-il.
Pour l’heure, je veux juste du geste brut, généreux, une danse née de l’urgence
Après un corps à corps très physique entre deux danseurs, il souligne, impressionné, qu’on a « l’impression qu’ils ne font plus qu’un ». Autre duo, autre appréciation : « C’est la première fois qu’ils travaillent ensemble. Il y a dans leurs gestuelles quelque chose d’intéressant qui donne envie de les rapprocher », observe-t-il, avant de trouver (provisoirement ?) une solution : « Je vais leur demander de s’essayer à une parodie de tango. Je connais mal les danses argentines mais je vois le tango comme une danse très affirmée, d’une grande tenue ».
Heureux public de « Plaine d’artistes » qui a la primeur, avant les danseurs, des intentions du chorégraphe ! Solen Goareguer, qui a pratiqué la danse par le passé, est venue avec sa fille, Maholy. Elle ne s’y trompe pas : « Je vais régulièrement voir des spectacles de danse, mais assister à un tel moment de travail et de création est très impressionnant, émouvant même. J’avais envie de partager cela avec ma fille. C’est formidable qu’il y ait autant de monde ». Maholy est du même avis : « Ce que j’ai préféré, c’est le trio de danseuses avec la musique », et elle ajoute aussitôt, « j’ai envie de faire pareil ! » Une vocation serait-elle née ?
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