Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Cher David Sinapian, cher Pierre Hermé,
C’est pour moi un grand privilège de mettre à l’honneur deux personnalités qui partagent une vision exigeante et ambitieuse de leur métier.
Une vision qui élève résolument la pâtisserie et la restauration au rang d’arts.
Une vision portée par des créateurs dont les noms ont su s’imposer comme des marques symbolisant l’excellence.
La Maison Pic, Pierre Hermé : ces noms incarnent des savoir-faire exceptionnels.
Sur toutes les boutiques et les restaurants où ils sont apposés de par le monde, ces noms signalent la présence d’espaces consacrés au plaisir. Des lieux qui, pour celles et ceux qui en poussent les portes, comportent la promesse d’une expérience esthétique totale.
Cher David Sinapian, cher Pierre Hermé, le plaisir que vous offrez repose en premier lieu, bien entendu, sur la découverte de goûts extraordinaires.
Mais ce plaisir, il s’enrichit aussi de tout l’univers qui entoure l’expérience de la dégustation. Pour composer les univers dont vous êtes les créateurs, vous mobilisez de multiples inspirations empruntées à tous les arts. Ainsi se construit votre singularité qui fait votre renommée internationale.
L’exigence d’excellence que vous portez vous vaut aujourd’hui la reconnaissance de la France. Cette reconnaissance, je suis heureux d’en faire part devant une assemblée qui réunit autant de grands ambassadeurs de notre gastronomie. Je tiens à l’affirmer aujourd’hui : en tant que créateurs, les portes de ce ministère vous sont toujours ouvertes.
Cher David Sinapian,
L’univers de la haute cuisine, vous ne sembliez pas y être destiné.
Le jeune Valentinois que vous étiez connaissait, bien entendu, l’incontournable restaurant Pic, qui occupe une place de choix sur la carte gastronomique de la France.
Mais rien ne pouvait alors vous laisser imaginer que cette Maison allait avoir une telle importance dans votre parcours.
Votre rencontre avec Anne-Sophie Pic a été une révélation.
Une révélation amoureuse qui a ouvert la voie à d’autres révélations, sur les plans professionnel et artistique.
C’est en couple que vous relevez le défi de reprendre les rênes de la Maison Pic, qui traverse alors une période difficile. Par la complémentarité de votre travail, vous parvenez à lui donner un nouveau souffle.
Votre épouse endosse le rôle de chef de cuisine et, avec le talent qui est le sien, imprime sa marque sur l’univers culinaire de la maison.
De votre côté, vous prenez en charge la direction de l’établissement et imaginez une ambitieuse stratégie de développement. Vous placez au cœur de votre attention l’expérience que doit offrir le restaurant à ses clients. Pour cela, vous remobilisez ses équipes et modernisez son cadre, pour en faire un écrin à la mesure de la modernité et de l’audace des créations d’Anne-Sophie Pic.
Grâce à vos énergies conjuguées, le restaurant de Valence retrouve ses 3 étoiles en 10 ans. C’est la consécration ultime pour vous et votre épouse, chère Anne-Sophie, immense cheffe reconnue de tous.
La consécration à Valence ouvre la voie à la diversification et à l’expansion internationale du groupe Pic, dont vous êtes le grand architecte.
Votre grande curiosité et votre goût du voyage vous mènent à saisir des opportunités de plus en plus lointaines pour faire rayonner l’univers créatif de la Maison Pic.
Des restaurants sont créés à Paris, Lausanne, puis Londres et Singapour. A Valence, une école de cuisine et une épicerie s’ouvrent à un large public.
Vous ne négligez pas pour autant votre vie de famille, qui s’élargit avec la naissance de votre fils Nathan que je suis heureux de voir à vos côtés aujourd’hui.
Le bâtisseur que vous êtes est pleinement engagé dans le développement artistique de ces projets. En grand amateur d’art contemporain, vous supervisez personnellement l’intégralité du design des lieux investis par la maison Pic.
Vous vous emparez de tous les arts, dans un esprit de large ouverture, pour composer un récit qui incarne les valeurs de la maison que vous dirigez. Avec les artistes que vous sollicitez, vous créez un univers à la croisée de la tradition et la modernité.
Ainsi, l’ancien fourneau de la cuisine de Valence est devenu l’élément central d’une imposante œuvre verticale, emblématique du nouveau regard que vous portez sur l’expérience gastronomique.
Votre engagement en faveur des arts de la table a trouvé un prolongement au-delà de la Maison Pic.
Depuis cinq ans, vous présidez le « Cercle des grandes tables du monde », association qui rassemble des personnalités éminentes du monde de la gastronomie autour de la valorisation de la haute cuisine d’excellence.
Votre ambition, c’est de défendre le rôle du restaurateur, qui ne se confond pas avec celui d’un chef.
Dans un restaurant, le plaisir des clients est le fruit d’une œuvre collective impliquant de nombreux métiers, en cuisine comme en salle.
Le chef d’orchestre de cette œuvre, c’est le restaurateur : il donne la tonalité, impose la cadence et veille à l’harmonie de l’ensemble.
Porté par cette conviction, vous redynamisez cette institution désormais âgée de plus de 60 ans, en permettant aux restaurants d’exception du monde entier d’y trouver toute leur place.
Ainsi, vous faites rayonner le modèle gastronomique français dans le monde entier. Le coq dessiné par Jean Cocteau qui est l’emblème de cette association symbolise son enracinement dans la tradition gastronomique de notre pays.
Je souhaite ici saluer Lionel Laval et Christophe Pinguet de l’agence Shortcut qui ont travaillé avec vous. Je sais qu’ils ont porté haut votre candidature auprès de moi et de mon cabinet afin que votre engagement soit honoré.
Cher David Sinapian,
Pour votre sens de l’esthétique, que vous mettez avec talent au service de l’expérience gastronomique,
Pour votre contribution au rayonnement de la gastronomie française au-delà de nos frontières,
Nous vous faisons Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres.
Cher Pierre Hermé,
Il n’est nullement galvaudé d’affirmer que vous êtes la figure tutélaire de la pâtisserie mondiale.
Ce statut, il s’est imposé à tous du fait de l’extraordinaire sens de la composition des goûts qu’expriment vos créations.
Ce statut, vous l’avez aussi acquis en initiant une véritable révolution du métier de pâtissier.
Votre approche visionnaire a fait de vous un nouveau modèle pour toute une profession et une référence aux yeux du grand public.
L’insatiable quête du goût qui vous anime s’est imposée dès l’enfance.
Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de boulangers-pâtissiers, le temps passé dès votre plus jeune âge dans l’atelier de votre père Georges vous éveille à la gourmandise, au sens de la composition et à la précision que requiert la pâtisserie.
Très vite, une vocation s’affirme en vous : l’art de la pâtisserie, vous l’exercerez à votre tour. Mais à votre manière.
Après avoir assouvi votre soif d’apprendre auprès de Gaston Lenôtre, vous cherchez à tracer votre propre voie.
Vous le savez : seule la possession d’une boutique à votre nom garantira la liberté de création à laquelle vous aspirez.
D’abord à Tokyo, puis enfin à Paris, vous ouvrez vos premiers points de vente. Ils se multiplieront vite.
Par leur finesse, leur subtilité et leur audace, vos créations subjuguent.
Armé d’une curiosité sans limite, vous enrichissez sans cesse la palette des saveurs que vous intégrez à vos pâtisseries. Cette quête trouve un prolongement naturel dans votre passion pour le vin et les parfums, par laquelle vos sens s’affinent encore davantage.
Ainsi, vous parvenez à incorporer des notes gustatives inédites à votre univers pâtissier. Je pense notamment à la lie de saké, à la livèche ou à la fleur d’immortelle corse, intégrée au macaron « Le jardin de Valérie » conçu pour votre épouse, que je salue et dont je connais l’implication quotidienne à vos côtés.
A partir d’un tel répertoire de goûts, vous faites preuve d’un talent de composition sans égal.
Fruits de longues et minutieuses recherches, les assemblages que vous mettez au point présentent une richesse et une profondeur inégalées.
L’ « Ispahan » – qui associe la rose, le litchi et la framboise – s’est imposé comme un nouveau classique de la pâtisserie. Mais il est bien rare que les copies qui en sont faites parviennent à s’approcher du subtil équilibre du chef-d’œuvre que vous avez imaginé.
Ce sens de la composition, il se nourrit également de la proximité que vous entretenez avec tous les arts.
Grand amateur de design et de peinture, vous y trouvez une source d’inspiration qui enrichit vos créations.
Vos œufs en chocolat « Tagli » inspirés des œuvres de Lucio Fontana ou votre bûche « Perpétua » empruntant à l’univers de Giuseppe Penone en témoignent.
Je veux d’ailleurs vous remercier solennellement pour votre engagement constant auprès des artistes et des métiers d’art, si importants pour notre pays. Un grand nombre de personnes qui sont parmi nous peuvent en témoigner à travers leurs éminentes fonctions.
Dans ce dialogue que vous avez ouvert entre la pâtisserie et les arts, l’univers de la haute couture constitue une référence majeure qui vous a permis de redéfinir les contours du métier de pâtissier.
On vous désigne souvent comme l’inventeur de la « haute pâtisserie ». Cette notion résume bien votre vision de la création.
Parce qu’elle correspond à votre façon personnelle d’exercer votre métier, tout d’abord.
Les créations que vous signez de votre nom, vous en êtes le concepteur mais non l’exécutant. Dans votre atelier de création, vous dessinez vos pâtisseries avec une précision remarquable, puis vous confiez à vos équipes le soin de les confectionner.
Parce que vous avez transformé l’expérience offerte à vos clients en y intégrant tous les codes du luxe.
En organisant la sortie de vos créations dans le cadre de collections. En accordant une attention toute particulière aux boutiques qui en assurent la vente, et à présent aux cafés et autres lieux de dégustation que vous inventez.
Par l’exigence qu’incarne votre marque, vous avez changé l’image de la pâtisserie aux yeux du grand public.
Pleinement impliqué dans la transmission de votre métier, vous êtes devenu un modèle pour toute votre profession. Ce rôle de modèle, vous l’endossez avec toute la bienveillance et la loyauté qui vous caractérise.
Vous avez donc ouvert une voie nouvelle dans l’univers de la pâtisserie. Nombre de jeunes pâtissiers du monde entier savent aujourd’hui ce qu’ils vous doivent.
Cher Pierre Hermé,
Pour la sensibilité qu’exprime votre exceptionnel sens du goût,
Pour l’engagement en faveur des arts qui est le vôtre,
Pour le renouvellement de la pâtisserie française qui est le fruit de votre remarquable curiosité,
Pour tout ce que vous avez fait, et tout ce qu’il vous reste à accomplir,
Nous vous faisons Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres.