Émile Bernard peint Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie, alors qu’il a tout juste vingt ans, dans une période d’émulation artistique intense marquée par son amitié avec Paul Gauguin.
À l’été 1888, les deux peintres se retrouvent dans le village breton de Pont-Aven. Leur esprit novateur les pousse à s’intéresser à toutes les formes d’art : ils puisent un vocabulaire nouveau dans les émaux, tapisseries et vitraux du Moyen-Âge, l’imagerie d’Épinal ou encore les estampes japonaises. Leur collaboration aboutit bientôt à l’élaboration du synthétisme dont cette toile est l’un des manifestes les plus radicaux. Ce nouveau style se caractérise par la simplification des formes, l’utilisation de couleurs pures posées en aplats et l’emploi d’un cerne foncé pour délimiter les masses.
Émile Bernard fait preuve dans cette toile d’une audace sans précédent : la surface peinte est délibérément ramenée à la plus stricte planéité. La ligne tend à simplifier et séparer les zones colorées du tableau : le trait se met au service de la couleur. Ni ligne d’horizon, ni ciel, ni perspective. Le fond vert sur lequel se superposent les figures en aplat produit un effet de dépouillement accentué par le cadrage resserré qui coupe certains éléments de la composition comme le parapluie rouge ou les deux femmes du premier plan.
Le jeune artiste exécute Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie, après avoir assisté le 16 septembre 1888 à la grande fête religieuse du Pardon à Pont-Aven. Quelques jours auparavant, Gauguin avait commencé à peindre un autre chef d’œuvre du synthétisme, La Vision du Sermon. La proximité stylistique entre les deux toiles n'a rien de fortuit puisque les deux peintres y ont travaillé côte à côte.
Quand Gauguin quitte Bernard, le 21 octobre, il emporte Le Pardon, dit aussi Les Bretonnes dans la prairie avec lui pour la montrer à Van Gogh, à Arles. Vivement impressionné, le peintre hollandais en réalise une copie.
L’acquisition de cette œuvre reconnue d’intérêt patrimonial majeur par la commission consultative des trésors nationaux lors de sa séance du 24 janvier 2018 a été rendue possible par le recours au dispositif fiscal de l’article 238 bis-0 A du code général des impôts, qui a permis un financement par un mécénat exclusif du groupe AXA.
« Je renouvelle mes remerciements à AXA pour son engagement de long terme en faveur de l’enrichissement des collections publiques françaises, comme l’illustre à nouveau l’action décisive du groupe dans la réalisation de l’acquisition de ce tableau très important qui, grâce à sa contribution, peut rejoindre aujourd’hui les cimaises du musée d’Orsay. » a déclaré Franck Riester, ministre de la Culture.