Là, on découvre un bestiaire en folie : un ours jouant au rugby, un bouc boxeur ou un dauphin sprinteur. Ailleurs, surgissent des architectures végétales et des oblitérations minérales. Plus loin, c'est un escrimeur, un joueur de handball, un cavalier, qui apparaissent de profil, comme emportés vers un ultime dépassement de soi. Enfin, de séduisants graphismes évoquent des personnages de BD ou de mangas fendant l’air à la vitesse de l’éclair.
Ces décors, ce sont ceux imaginés par six étudiants-artistes des Beaux-Arts de Paris pour orner soixante vases trophées conçus par la Manufacture de Sèvres pour les futurs médaillés olympiques de Paris 2024. Des pièces uniques, qui scellent l’alliance d’un savoir-faire plusieurs fois centenaires et de l’originalité d’une nouvelle génération d’artistes. « L’art et le sport, c’est du mental, de la concentration, de la performance, de l’endurance, de l’imagination… et du résultat », s’est réjouie le 24 avril Rachida Dati, ministre de la Culture, en brandissant l’un de ces précieux trophées.
Une opération délicate
Mais, avant d’en arriver là, il faut revenir du côté des ateliers de la Manufacture de Sèvres, où a eu lieu le 29 mars, en présence de la ministre de la Culture, du président du Mobilier national, du directeur général de Sèvres et de la directrice des Beaux-Arts de Paris, une cérémonie un peu particulière : l’allumage de l’un des trois fours à bois ouvert spécialement pour la cuisson des soixante prototypes dessinés par les étudiants. C’est une opération délicate, d’une durée de trente heures. « C’est très long, commente Domitille Siergé, diplômée des Beaux-Arts de Paris, l’une des artistes lauréates du projet. Et, ensuite, pendant environ trois semaines, on n’ouvre pas le four car la cuisson continue avec une diminution progressive de la température ».
Pourtant, on ne sent aucune impatience dans les propos de la jeune artiste. Au contraire : ce serait plutôt une certaine fierté devant un procédé utilisé depuis plusieurs siècles par plusieurs générations de céramistes. « C’est une très belle aventure, qui marquera assurément l’année 2024, confirme de son côté Michel Roué, chef du service décoration à la Manufacture de Sèvres. A Sèvres, grâce ce procédé, on peut faire des essais jusqu’à l’obtention d’un résultat cohérent à partir duquel on peut se lancer. Pour certains artistes, ça a été un vrai travail évolutif ».
Une belle aventure
Mercredi 24 avril, une certaine effervescence règne dans les ateliers de la Manufacture de Sèvres. Dans quelques minutes, artisans et techniciens vont procéder à l’opération dite du « défournement » (on retire les briques qui l’obstruaient), puis révéler le résultat (les vases trophées vont apparaître au grand jour). « C’est un moment chargé d’émotion, car il révèle le risque inhérent à la création, notamment avec cette matière difficilement contrôlable sans le savoir-faire précieux des artisans de Sèvres », souligne Alexia Fabre, la directrice des Beaux-Arts de Paris.
« Les premiers résultats sont plutôt satisfaisants, se réjouit Romain Poiré, artisan à l’atelier des fours, à Sèvres. Des décors bien posés sur une porcelaine blanche, c’est précisément ce que l’on cherche avec ce type de cuisson ». Comme ceux des vases réalisés par Sacha Floch Poliakoff, artiste et étudiante aux Beaux-Arts de Paris. « Pour rappeler les Jeux de l’Antiquité, dit-elle, je me suis inspirée des vases grecs avec leurs silhouettes en mouvement, qui regardent dans une même direction, comme emportées sur une vague ». C’est tout le sens de « ce partenariat exemplaire entre nos deux institutions culturelles, dont l’excellence se met au service des valeurs de l’Olympisme », assure René-Jacques Mayer, directeur général de Sèvres. La preuve, selon la ministre de la Culture, que « la création est, plus que jamais, au cœur des Jeux de Paris ».
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