On l’appelait volontiers « le pape des lettres », certains voyaient
d’abord en lui le Président de l’Académie Goncourt ; le critique estimé,
l’homme d’influence qui reconnaît et valorise les talents. L’auteur d’Un
petit bourgeois, d’une Histoire française, du Maître de maison, du
Musée de l’homme était d’abord un écrivain remarquable et un
observateur particulièrement lucide de l’âme humaine, à commencer
par la sienne.
Le grand pouvoir qui, de fait, était le sien dans le monde littéraire
n’avait pourtant pas fait de lui un conformiste ou un homme qui veut
d’abord être imité. Il savait aller à contre-courant, oser le contre-pied,
et, déjouant toutes les stratégies que les grands prix littéraires peuvent
susciter, défendre tout simplement un talent inattendu et le défendre
parce qu’il l’aimait.
François Nourissier souffrait depuis longtemps d’une grave maladie
dont il avait su faire un personnage de roman. Belle manière,
courageuse, d’affronter l’adversité. Il aura pour ainsi dire passé sa vie
plume à la main, pour écrire ses livres ou annoter ceux des autres.
Une vie d’homme de lettres qui s’arrête au milieu d’une phrase.