Madame la Ministre, chère Roselyne Bachelot,
Monsieur le président du CNC, cher Eric Garandeau,
Monsieur le président du comité national consultatif des personnes handicapées, cher Patrick Gohet,
Monsieur le président du groupe de travail accessibilité du Conseil supérieur de l’audiovisuel, cher Nicolas About,
Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents d’associations,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir avec Madame Roselyne Bachelot, rue de Valois, pour cette réunion. Nous avons souhaité, lors de la dernière réunion plénière de la commission nationale Culture-Handicap en septembre 2010, faire un point intermédiaire, sous la forme d’une séance de travail que je suis heureux d’ouvrir aujourd’hui. Pour être au plus près de vos préoccupations et de vos attentes, nous avons choisi de la consacrer à la prise en compte des besoins et des attentes des personnes handicapées dans les domaines de l’accès au cinéma et à l'audiovisuel.
Pour autant, ceci ne doit pas faire oublier les autres champs sur lesquels je porte mes efforts dans le cadre de la politique nationale du handicap, pour favoriser l’accès de tous à la culture - qu’il s’agisse par exemple de l’accessibilité au patrimoine, aux musées notamment, ou au spectacle vivant. Et je voudrais rappeler l’hommage rendu aux grandes figures du handicap, je pense à Louis Braille, dont la maison à Coupvray a reçu il y a quelques semaines le label de Maison des Illustres, ou à l’abbé de l’Epée, inscrit au recueil des Commémorations nationales 2012, créateur de l’Institut des sourds et malentendants.
Vous aurez noté la présence - et je les en remercie – du président du CNC, du groupe France Télévisions, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, des différents services concernés, ainsi que de la Fédération des exploitants de salle de cinéma ; ceci nous permettra d’aborder tout un ensemble de sujets importants, y compris sous leur angle technique. Les nouvelles technologies nous offrent des possibilités nouvelles en termes d’accessibilité, elles nécessitent aussi que nous ayons la préoccupation constante de veiller à leur adéquation aux besoins des personnes en situation de handicap, et ceci est particulièrement sensible dans les deux domaines qui nous occupent ce matin.
Nous ne pourrons avec Roselyne Bachelot participer à la totalité de cette réunion de travail, mais nous prendrons le temps, après ces propos introductifs, d’un échange approfondi avec vous, avant la partie plus technique de cette séance.
Je voudrais pour ma part évoquer devant vous les points qui me tiennent le plus à cœur pour que l’accès à l’audiovisuel et au cinéma, horizon quotidien pour la plupart de nos concitoyens, soit une réalité pour les personnes en situation de handicap. Beaucoup d’avancées ont été réalisées ; certaines sont encore en gestation ou trop lentes pour ceux que vous représentez, mais certaines aussi, parmi celles que j’évoquerai aujourd’hui, apporteront de nouvelles perspectives pour que l’accessibilité soit chaque jour davantage inscrite dans le quotidien de tous. Nous progressons, et nous avons besoin de ces échanges pour poursuivre dans la bonne voie.
Pour ce qui concerne l’accès aux œuvres cinématographiques, la généralisation du numérique illustre ce que je disais à l’instant : c’est une chance et un formidable tremplin pour l’accès à la création et au patrimoine. C’est aussi l’une des conditions nécessaires à la réussite d’une véritable politique d’accessibilité aux films pour les personnes atteintes d’un handicap sensoriel. A ce titre, je puis vous confirmer que j’ai veillé à ce que les dépenses liées au sous-titrage des films de patrimoine soient bien éligibles au soutien que l’Etat apporte à la numérisation des œuvres de patrimoine dans le cadre du grand emprunt. Sur la base de l’accord cadre signé à Cannes en mai 2011, nous sommes en discussion avec notamment deux détenteurs importants de catalogues de films - Gaumont et Pathé, négociation qui devrait aboutir, je le souhaite, dans les toutes prochaines semaines.
Au delà des œuvres du patrimoine, il est essentiel que chacun puisse également avoir accès aux films qui font l’actualité. C'est pourquoi vous avez légitimement émis le souhait que les films soient systématiquement accessibles dès leur sortie en salle. Nous avons travaillé avec le CNC sur cette demande, et je suis heureux de vous annoncer qu’afin que l’accessibilité, à la fois en sous-titrage et en audio-description, s’impose progressivement dès la post-production, de la manière la plus large, le CNC va mettre en place une aide spécifique pendant trois ans. Eric Garandeau vous présentera ce dispositif dans un instant, qui sera mis en œuvre dès cette année et représente un soutien d’environ 1M€ par an. Il s’agit là d’inciter fortement les acteurs, les producteurs et les distributeurs à intégrer la question de l’accessibilité en amont de la sortie en salle des films.
Par ailleurs, dans la perspective de l’extension du sous-titrage et de l’audio-description, comme souvent en matière de handicap, il nous faut agir sur la circulation et la disponibilité de l’information. On observe en effet qu’un certain nombre de titres ont pu faire l’objet de travaux de sous titrage ou d’audio-description redondants, à l’initiative d'associations représentatives de personnes handicapées, d'ayants droit, d'organisateurs de manifestations cinématographiques ou encore de laboratoires, par méconnaissance des travaux déjà réalisés. Je viens par conséquent de saisir l’inspection générale des affaires culturelles pour qu’elle me fasse rapidement des propositions sur la manière d’assurer la meilleure information de l’ensemble des parties concernées et de faire par conséquent en sorte qu’une forme de registre puisse rassembler la liste des œuvres accessibles, par type de handicap, préciser les supports sur lesquels ces films sont disponibles, et les droits afférents. Cette mission identifiera les modalités de recueil de ces informations, de leur actualisation, de leur diffusion, ainsi que les porteurs éventuels de ce registre.
La question particulière du développement de l’audio-description rejoint par ailleurs l’un des chantiers engagés au niveau interministériel, consistant à identifier et reconnaître les métiers du handicap et de la conception universelle. Tant pour le cinéma que la télévision, il m’apparaît nécessaire de progresser dans l’identification et la reconnaissance des métiers liés à l’audio-description. Il m’apparaît important de commencer par clarifier le statut juridique des personnes qui réalisent ces adaptations. Une experte du code de la propriété intellectuelle, Mme Hélène de Montluc, mènera une mission exploratoire sur ces questions dans les prochaines semaines, afin de clarifier le cadre et les droits des personnes travaillant dans ce secteur.
Afin de respecter le calendrier que nous nous sommes donnés avec la loi du 11 février 2005, l’accès aux salles de cinéma est un chantier mené en parallèle à l’accessibilité aux œuvres. Le CNC a d'ores et déjà soutenu les salles qui sont éligibles aux aides sélectives et automatiques, en finançant des diagnostics de mise en conformité et des équipements permettant une accessibilité aux œuvres. Eric Garandeau et ses équipes vous présenteront un état du suivi de cette mise en accessibilité des établissements cinématographiques.
Je tiens à souligner à cette occasion l’engagement des exploitants pour la mise en conformité de leurs établissements recevant du public. C’est le cas pour les multiplexes, qui sont largement accessibles aux personnes en situation de handicap moteur.
Cependant, j’ai conscience de la variété du parc et de la nécessité de mettre en œuvre les modalités d’une véritable concertation afin d’accompagner les exploitants de petits cinémas, notamment cinémas d’art et essai. Ainsi, à l’image de ce qui a été développé, par mes services, pour le secteur des monuments anciens protégés, je propose donc aujourd’hui tant aux représentants associatifs ici présents qu’aux représentants de la Fédération nationale des cinémas français, représentée aujourd'hui par Monsieur Erwan Escoubet, et au CNC, la mise en place d’un groupe de travail afin d’imaginer ensemble des solutions pour progresser dans cette accessibilité. Sur l'ensemble de ces points nous aurons le plaisir aujourd'hui d'entendre les réflexions et les expériences pratiques menées par La Fédération nationale des cinémas français pour améliorer l’offre de services proposée aux personnes handicapées.
Enfin je voudrais vous confirmer que le ministère de la Culture et de la Communication s’est engagé, en lien avec le CNC, à produire un nouvel ouvrage de la collection Culture et Handicap consacré précisément à l’accessibilité au cinéma. Ces guides pratiques connaissent une forte diffusion ; ils sont un vecteur important de sensibilisation et d’information. Ce guide devrait paraître d’ici la fin de l’année ou tout début 2013, e ttraitera à la fois de l’accessibilité aux salles de cinémas - accessibilité au cadre bâti et médiation - et aux œuvres.
Enfin, pour terminer sur ce point, je mentionnerai que l’engagement commun de Roselyne Bachelot et de moi-même sur ce thème de l’accessibilité au cinéma se traduit également par l’impulsion et le fort soutien que nous avons tenu ensemble à donner à l’organisation d’un festival de cinéma consacré au thème « cinéma et handicap ». Ce festival, « un autre regard », qui comportera une journée professionnelle sur les thèmes de l’accessibilité, se tiendra du 29 au 31 mars prochain à Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Mme Bachelot vous en dira plus dans son intervention sur ce point.
Notre politique en faveur du handicap concerne tout autant l'accessibilité à l'audiovisuel. Vous traiterez aujourd'hui de la mobilisation des chaînes aussi bien pour l’accessibilité des programmes télévisuels que des œuvres cinématographiques à la télévision. La mobilisation des chaînes constitue une avancée remarquable : c'est la prise en compte d'une exigence d'équité au coeur même du processus de création.
Les sociétés de l’audiovisuel public ont une mission d’exemplarité dans la recherche de l'égal accès de tous à leurs programmes et à leurs antennes. Il leur incombe de mobiliser tous les moyens nécessaires et d'explorer toutes les possibilités, pour faire avancer ces questions et faire évoluer dans leur sillage l'ensemble du paysage audiovisuel français. Il en va de la responsabilité et de l'identité du service public. Aussi, lorsqu'il s'est agi au cours de cette année 2011, de concevoir la feuille de route de France Télévisions et d’Arte France, à travers les contrat d'objectifs et de moyens, portant respectivement sur les période 2011-2015 pour France Télévisions et 2012-2016 pour ARTE France, j’ai été particulièrement attentif à ce que l'une comme l'autre prennent en la matière des engagements ambitieux et fermes, dont le contenu sera explicité au cours de la réunion, pour répondre au mieux aux attentes et aux besoins des personnes handicapées.
À l'objectif d'accessibilité des programmes, j'ai tenu à ce que France Télévisions et ARTE France associent un second engagement : la représentation des personnes handicapées à l'antenne. J'en suis convaincu, il s'agit d'un instrument puissant pour combattre l'ignorance et les préjugés, mais surtout un formidable moteur pour donner aux personnes handicapées la confiance et l'ambition de jouer pleinement leur rôle dans notre société. Les engagements, inscrits aux COM des deux sociétés, portent tant sur le choix des sujets traités que sur celui des personnes visibles à l'antenne, qu'ils soient animateurs, journalistes ou encore personnages de fiction.
Par ailleurs, au-delà des seules antennes, les chaînes veilleront à élargir la place accordée au thème du handicap sur leurs plateformes Internet et à intégrer, autant que possible, cette problématique à leurs développements numériques.
Vous l'aurez donc compris, les COM de France Télévisions et d'ARTE France contiennent des engagements forts qui traduisent la volonté partagée par l’État et les entreprises de placer le handicap au cœur des priorités de l'audiovisuel public. Madame Marie-Anne Bernard, représentant le groupe France Télévisions, pourra faire état de cette forte mobilisation
Par ailleurs, je voudrais saluer l’engagement du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans ces domaines. En application de la loi de 2005, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pour mission de favoriser l’accessibilité des programmes aux personnes souffrant d'un handicap auditif ou visuel et la représentation de la diversité de notre société dans les médias audiovisuels. Je remercie Monsieur le conseiller About d'être présent parmi nous afin de nous présenter les modalités de suivi et l'état d'avancement de cette obligation et de ce que l’on appelle couramment « le décodeur vocal ».
J'ai été heureux de signer la charte du sous-titrage élaborée par le groupe de travail accessibilité du Conseil, en étroite collaboration avec l'UNISDA. Je saisis l'occasion pour proposer à Nicolas About qu'un travail de même ambition soit conduit prochainement dans le domaine de l’audio-description.
En conclusion, je souhaiterais remercier chaleureusement les associations représentatives des personnes handicapées pour la confiance qu'elles nous accordent. Grâce à votre mobilisation et à la qualité de nos échanges, nous parvenons à construire ensemble une politique concertée qui favorise l'accès de tous à la culture. Sur les thèmes traités ce matin et qui, grâce aux mesures que je vous ai annoncées, pourront connaître rapidement des progrès significatifs, je pense que vous sentez notre mobilisation collective à vos côtés.
Je vous remercie.