Non seulement tous les arts, mais notre lien républicain lui-même se
nourrissent de mémoire, d’une mémoire commune et partagée. Les
célébrations nationales et les cérémonies qu’elles scandent tout au long de
l’année, en exaltant notre Histoire, alimentent notre vivre-ensemble et
renforcent notre cohésion. L’hommage national rendu il y a dix jours à
Philippe SEGUIN a été la démonstration éclatante de la capacité de la
République à se réunir autour de ses grands serviteurs comme de ses
grands accomplissements.
Or, cette année 2010 sera une année particulièrement riche pour les
célébrations nationales, dont le ministère de la Culture et de la
Communication a la charge et en quelque sorte, la charge d’âme.
Il est d’abord un anniversaire qui ne fait pas partie stricto sensu des
attributions de la Mission aux Célébrations nationales, tenue de main de
maître par Philippe-Georges RICHARD au sein de la nouvelle Direction
générale des Patrimoines, mais qui n’en est pas moins une mémoire
capitale : la France va, vous le savez, célébrer cette année le 70e
anniversaire de l’appel du 18 juin 1940, qui constitue l’acte fondateur du
pacte social de la France contemporaine.
Car le « NON » du général DE GAULLE ne fut pas uniquement une posture
de refus. Ce ne fut pas seulement un réflexe de résistance au choc, ce fut
un NON à la barbarie, un NON porteur de la libération de la France, de
l’égalité entre les hommes et les femmes avec le droit de vote acquis au
lendemain de la Guerre, sans oublier les lois sociales des années 1944-
1946 – et, bien sûr, déjà en germe alors, les institutions de notre
République. Ce NON fondateur et non pas négateur mérite d’être célébré
de manière à toucher toute la communauté nationale, en particulier les
jeunes.
L’appel du général DE GAULLE se retrouve, avec des effets d’écho, comme
une sorte de géniale paraphrase de son geste, dans les lignes d’Albert
CAMUS, dans L’Homme révolté, sur le NON porteur de liberté, que je vous
lirai tout à l’heure, un écrivain et un grand homme que nous célébrons aussi
cette année.
Cette année 2010 marque une nouvelle ère après les 50 ans de notre
ministère – et je viens, il y a quelques instants, de féliciter le Comité
d’Histoire pour sa remarquable orchestration de ce cinquantenaire qui nous
est cher. Elle sera riche en hommages qui, loin de toute tentation
nostalgique, font vivre l’esprit de la nation et sont, à ce titre, une partie
essentielle d’une identité nationale à la fois fidèle et réfléchie.
Nous honorerons ainsi, cette année, l’un de nos plus grands rois, HENRI IV,
assassiné par un fanatique il y a tout juste quatre siècles. Le « bon roi
HENRI », le Président de la République l’a rappelé dans un message
transmis à l’occasion du lancement de l’année Henri IV à la Villa Médicis,
est resté cher au coeur de nos concitoyens, non seulement par son oeuvre
de modernisation économique, par son souci des conditions de la vie
quotidienne des Français, mais aussi par sa capacité à tourner la page des
extrémismes religieux, en fondant la paix civile sur la tolérance. C’est dire
s’il est nécessaire de rendre toujours accessible à nos mémoires l’exemple
qu’il incarne.
C’est bien là, j’y insiste, le rôle d’intérêt général de ces « célébrations
nationales » dont nous portons ici l’exigence, de nous rappeler notre
mémoire collective, afin de nous rappeler à nos valeurs communes. Nombre
de manifestations viendront célébrer Henri IV, partout sur notre territoire,
témoignant d’une vision républicaine et réconciliée de l’histoire de France,
dont le grand Musée, la grande « Maison » en cours d’élaboration sera
d’ailleurs aussi l’un des emblèmes.
Notre mémoire apaisée est aussi, bien sûr, ouverte sur les autres et sur
l’avenir. Elle accueillera, cette année, les cinquante ans des indépendances
des pays d’Afrique francophone, qui seront célébrés comme il se doit,
notamment à l’occasion de notre Fête nationale. Je me réjouis que Jacques
TOUBON ait accepté d’être le maître d’oeuvre de cet hommage particulier
qui constitue un symbole éloquent de ce que nous sommes véritablement
en train d’écrire une nouvelle page de nos histoires partagées.
L’année sera illustrée par nombre de célébrations passionnantes. Je pense
à nos grands artistes, comme CHOPIN, MUSSET, ANOUILH, Julien
GRACQ, Jean-Louis BARRAULT, le DOUANIER-ROUSSEAU, NADAR et
tant d’autres, mais aussi à nos grands scientifiques, à leurs découvertes, à
leurs inventions. De nombreux anniversaires soigneusement sélectionnés
viendront enrichir notre présent en lui conférant toute sa profondeur et sa
teneur historiques. Je travaille assidûment avec mes collaborateurs afin
que, tout au long de l’année, chacun de ces anniversaires soit dignement
fêté, par des manifestations culturelles, des spectacles, des expositions,
des concerts, des lectures, des rediffusions à la télévision, et sur Internet
aussi, bien sûr – autant d’initiatives que nous prendrons nous-mêmes ou
dont nous assurerons la cohérence. J’ai fait une communication sur ce
thème la semaine dernière en conseil des ministres, qui a rencontré, je dois le dire, un certain écho auprès du Président de la République et de mes
collègues, et je peux donc vous qu’« on ne badinera pas avec les
célébrations » et que chaque département ministériel y travaille avec
attention…
Pour commencer, et pour lancer cette année 2010 si riche en souvenirs
fortifiants et vivifiants, j’ai décidé de réunir ici aujourd’hui tous ceux
contribuent à cette « oeuvre de mémoire » collective, notamment les auteurs
des notices du recueil des Célébrations nationales édité chaque année,
avec une acribie remarquable, au ministère. Chacun remarquera que ces
auteurs sont les meilleurs spécialistes des oeuvres ou des événements
recueillis dans cet ouvrage, et leur engagement généreux est bien le signe
de leur conscience professionnelle et de leur conscience civique.
Pour lancer les Célébrations nationales de cette année, j’ai pensé qu’il fallait
nous donner tout de suite, en quelque sorte, un acompte des réjouissances
qui viendront émailler l’année nouvelle. C’est pourquoi j’ai souhaité vous lire
moi-même quelques textes liés à ces anniversaires, et surtout inviter ici le
jeune et brillantissime compositeur Karol BEFFA – nominé d’ailleurs cette
année aux Victoires de la Musique classique, autre forme de célébration
nationale en perspective, du moins je l’espère – , afin que lui aussi, par ses
improvisations au piano, nous aide à évoquer ces grandes figures et ces
grands anniversaires et nous fasse méditer et rêver sur ce passé toujours
vivant.
Après lecture de ces quelques textes, qui seront comme des thèmes sur
lesquels Karol BEFFA pourra laisser libre cours à son inspiration musicale,
nous nous tournerons vers le public afin qu’il propose lui-même, des idées
de noms, d’événements empruntés au recueil des Célébrations qui vous a
été remis, et à partir desquelles le musicien saura improviser de petits
impromptus fugitifs et profonds dont il a le secret.
Il le fera devant un public choisi et qui fait vivre d’ailleurs aujourd’hui, dans
ces salons, une atmosphère très particulière : car nombre d’entre vous sont
comme les représentants des grandes figures qui sont à l’honneur cette
année, et c’est un peu à ce parlement et presque ces Etats-Généraux de
notre mémoire auxquels ce spectacle amical entend aussi rendre
hommage, pour nous donner comme un avant-goût de cette année de
festivités et de partage qui s’ouvre à nous.
Je vous remercie.