Mesdames et Messieurs les Ministres,
Madame la Présidente, chère Fatiha Keloua Hachi,
Monsieur le Président, cher Laurent Lafon,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
En ce début d’année, je suis très heureuse de vous retrouver, et de vous retrouver ici, au Palais de la Porte Dorée.
Dans ce lieu chargé de République et de cohésion
Chère Constance Rivière, merci pour votre accueil.
Cette présentation des vœux, je la voulais ici, et pas ailleurs.
Pourquoi le Palais de la Porte Dorée ?
D’abord parce que c’est un palais populaire.
Ce lieu, construit pour l’Exposition coloniale internationale de 1931, porte la marque de notre histoire dans sa complexité.
Il abrite aujourd’hui une des plus belles institutions culturelles : celle qui souligne que la culture s’enrichit de tous les apports, de toutes les identités !
*
Nous nous retrouvons dans un moment important pour notre politique culturelle.
Ces dernières semaines, un funeste débat s’est ré-ouvert dans notre pays : l’investissement dans la culture est-il bien essentiel ?
Je vous le redis, je considère que la culture fait partie des missions régaliennes de l’État, car elle met en jeu une politique fondamentale pour l’émancipation des individus, la formation des citoyens, la cohésion de notre société et la place de la France dans le monde.
Depuis ma prise de fonctions, j’ai fait de la sauvegarde de notre modèle culturel et des emplois qui en dépendent un combat quotidien.
Ce combat, je le mène, à ma grande surprise, dans l’adversité ! la Culture, c’est un choix politique. Cela devrait être une évidence, comme l’Éducation.
Alors que des collectivités territoriales se désengagent, et que les discussions sur le PLF se poursuivent, je sais la situation très préoccupante de la création artistique.
Dans ce contexte, je me bats pour que les crédits alloués à la création et aux territoires soient sanctuarisés. Comme je l’ai fait en 2024 où pas 1 euro n’a manqué au spectacle vivant dans les territoires.
Je vais y revenir.
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Ce ministère de la culture est le ministère de tous les Français dans leur besoin de culture.
C’est ce que je me suis efforcée de faire, dès mes premiers jours en fonction.
Certains se sont amusés de me voir “franchir le périphérique”. Les mêmes qui ne s’étaient pas beaucoup préoccupés de nos 22 millions de concitoyens qui vivent dans la ruralité.
Notre modèle culturel s’offre-t-il de manière égale à tous nos concitoyens ? Nous savons tous que non.
De Nontron, dans le Périgord noir, à Champdivers, dans le Jura, de l’abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, au village de Meisenthal, j’ai fait un constat, que je veux vous partager : il n’y a aucun désert culturel dans notre pays.
Mais j’ai aussi constaté que notre effort culturel était insuffisamment réparti.
Qu’il y avait aussi de nombreuses formes de culture qui devaient être mieux reconnues.
Qu’il y avait, d’autre part, de nombreuses actions, concentrées dans les grandes villes, qui devaient pouvoir bénéficier à ceux qui n’y habitent pas.
Je veux à nouveau remercier tous ceux qui ont pris leur part, avec succès, au “Printemps de la Ruralité”, à commencer par nos DRAC.
De ce plan national, je tire trois leçons qui ne sont du reste pas propre à la ruralité.
1/ D’abord, un grand besoin de reconnaissance
Reconnaître la variété des formes culturelles est un enjeu politique majeur.
Si la culture veut rassembler, il faut qu’elle arrête de cliver elle-même, de tenir à distance certaines formes de culture.
C’est pour cela que je me suis attaché au monde rural, avec la reconnaissance de savoir-faire artisanaux, comme la ganterie de Millau, ou les pratiques festives avec le volet “Villages en fête” du plan Ruralité.
C’est le même objectif que j’ai poursuivi en créant un label “Club Culture” pour ceux des établissements nocturnes qui sont des acteurs culturels à part entière, ou en annonçant récemment un plan de soutien au cabaret.
Les acteurs culturels populaires et transgénérationnels ne sont pas des acteurs culturels de seconde zone !
C’est un effort que je poursuivrai en 2025, avec notamment la concrétisation du projet de la Maison du hip hop, qui s’appellera la Maison des cultures urbaines, et trouvera sa place à La Villette, dans un lieu magnifique qui sera dévoilé au mois de mars.
2/ Ensuite : notre politique culturelle doit s’adresser à tous nos concitoyens, en particulier à ceux les plus éloignés de la culture.
Il est par exemple indispensable que nos établissements “nationaux” aient une action réellement “nationale”, selon des formes adaptées, bien sûr. Quand une institution culturelle est financée par l’ensemble des Français, pouvoir sortir de son horizon local est une obligation morale.
Comme pour l’audiovisuel public. Il doit rester un référent commun de culture et d’information pour tous les Français et sur tous les territoires.
Et c’est parce que j’y suis très attachée que j’ai souhaité m’assurer qu’il dispose d’un financement pérenne. Grâce à la proposition de loi du sénateur Vial, que j’ai activement soutenue, c’est désormais chose faite. Sans cela, ce financement aurait disparu au 1er janvier 2025. C’est une conviction que nous avons réussi à faire partager.
C’est aussi parce que j’y suis profondément attachée que je crois que la gouvernance de notre audiovisuel public doit évoluer, dans un écosystème profondément renouvelé, avec des concurrences exacerbées.
Avec le président Lafon, à travers sa proposition de loi, nous portons cette conviction avec force.
Je mènerai ce projet à son terme d’ici l’été.
Le contexte budgétaire a conduit à revoir les moyens de l’audiovisuel public, avec une trajectoire exigeante j’en ai pleinement conscience. Dans ce contexte, cette réforme est d’autant plus nécessaire. Il est indispensable d'avoir un cadre qui permette de mieux mutualiser les moyens sur les investissements qui peuvent être menés en commun, et conserver un haut degré d'exigence sur les missions prioritaires : la qualité de l’information, le soutien à la création et l’accès à la culture pour tous.
Les salariés de l’audiovisuel public, que je salue, sont légitimement dans une attente de visibilité et de clarté. Cette réforme d’ampleur vise à leur en donner, et devra se faire avec eux.
Nous constatons chaque jour les risques que font courir les manipulations de l’information, l’affaissement de la vérité comme valeur.
C’est au cœur du pacte démocratique.
En 2024, les États généraux de l’information ont donné lieu à une série de recommandations.
Je vous annonce que le Gouvernement leur donnera une traduction législative au cours de ce semestre.
Il s’agira de faire de l’information un bien public, de mieux protéger les journalistes, d’aboutir à des solutions équilibrées sur la gouvernance de nos médias, sans oublier l’enjeu économique.
L’enjeu démocratique que portent nos médias d’informations est aussi conditionné à la capacité qu’ils ont à investir dans les rédactions. Qu’il s’agisse de la transparence des investissements publicitaires, ou de l’enjeu des droits voisins dont il faut renforcer l’effectivité, ce prisme ne sera pas oublié.
Sur la filière de distribution de la presse imprimée, qui contribue profondément à l’enjeu démocratique sur tous nos territoires, j’ai confié une mission à Sébastien Soriano. J’appelle les acteurs à aboutir à des concessions réciproques pour renforcer le modèle économique de la filière.
3/ Enfin, troisième leçon tirée de mes premiers mois au ministère : l’enjeu de nos politiques culturelles, c’est moins d’inventer à partir de rien, que de compléter, ajuster, rénover.
C’est toute la démarche du plan “Culture et ruralité” et de ses 23 mesures : si elles sont structurantes, c’est parce qu’elles ne sont pas un ajout hors sol à des actions existantes, mais qu’elles constituent une rénovation et un élargissement global de l’action de ce ministère en faveur de la culture dans le monde rural.
Je suis heureuse que 2025 constitue la première année de la pleine application de ce plan, dont on pourra faire rapidement une première évaluation.
Cette préoccupation pour le besoin de culture de tous les Français m’a aussi conduite à reprendre un dialogue et des actions interrompus depuis trop longtemps (près de 40 ans) avec les acteurs de l’éducation populaire, notamment les MJC.
A vouloir que s’implantent des librairies en pied d’immeuble, dans les quartiers prioritaires de la ville - les premières librairies verront le jour dans les prochains mois, et pas systématiquement en centre-ville.
A engager une réforme du Pass Culture, en assumant d’avoir un regard critique sur ce qui ne marche pas, et constructif pour en améliorer le fonctionnement.
2025 doit être à cet égard l’année d’un Pass Culture rénové, pour qu’il puisse répondre pleinement à l’ambition d’être un instrument d’accès à la culture, en particulier pour les jeunes qui en sont le plus éloignés. C’est en bonne voie, le dernier bilan indique +30% pour le spectacle vivant sur le Pass Culture !
Dans un contexte où certains font mine de s’interroger sur le bien-fondé de la dépense culturelle, nous devons ajouter à l’obsession de satisfaire nos publics, l’obsession de gagner ceux qui ne sont pas encore nos publics.
C’est en tout cas, depuis un an, mon engagement de tous les instants.
Je dois dire que j’ai découvert, au fil de cette année, la grande responsabilité, et le vrai bonheur, d’être aussi la ministre des acteurs culturels.
Pas de culture sans acteurs culturels – sans créateurs, sans interprètes, sans enseignants, sans techniciens, sans administrateurs, sans entrepreneurs…
Et si les étrangers ont encore admiré cet automne une saison culturelle exceptionnelle partout en France, c’est parce que nous avons, sans doute, le meilleur modèle culturel au monde.
Ce modèle a ses singularités. Il faut du temps pour toutes les découvrir !
Ces singularités, il faut surtout les défendre, et c’est ce à quoi j’ai mis toute mon énergie depuis un an.
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, il fallait réparer une faute : celle d’avoir oublié Beaumarchais.
D’avoir perdu de vue que deux cents ans d’histoire nous précèdent, et que cette histoire particulière de la France avec le droit d’auteur, c’est notre meilleur atout dans le monde, notre meilleure carte pour l’avenir.
Il faut dans le même temps ne pas perdre l’esprit d’innovation qui a toujours inspiré notre modèle culturel.
Innovation et régulation non seulement vont de pair, mais sont à l’origine, ensemble, des plus belles réussites culturelles françaises.
Si nous renonçons à l’une des deux, à la régulation ou à l’esprit d’innovation, nous serons relégués dans une ligue qui n’est pas la nôtre.
C’est dans cet esprit que la culture sera au centre du Sommet sur l’intelligence artificielle, qui se tiendra du 8 au 11 février.
C’est dans cette même dynamique que nous avons décidé de lancer, après le Sommet, une concertation sur la mise en œuvre du règlement européen relatif à l’IA.
Notre ambition est claire : promouvoir la transparence, favoriser l’innovation, et construire un cadre solide qui protège, valorise et soutient nos créateurs.
Nos créateurs qui sont notamment des auteurs.
Je veux ici saluer le travail engagé avec la filière du livre pour renégocier le contrat d’auteur. Je souhaite que nous puissions aboutir dans les prochaines semaines sur ce sujet.
Un autre combat, qui a été au cœur de 2024, c’est la défense du modèle de financement du cinéma français.
Tous les débats sont légitimes. Celui-là revient périodiquement, non sans un peu de mauvaise foi. Certains même préconisaient sa suppression !
Les spectateurs, qui ont été 180 millions dans les salles en 2024 (chiffre exceptionnel), ont été les arbitres de ce débat.
Sans parler des reconnaissances internationales pour nos films : avec ceux de Jacques Audiard et Coralie Fargeat, nous avons la plus belle moisson française de nominations de toute l’histoire.
Ne pas reconnaître une telle réussite, qui permet à la culture de notre pays de briller à l’échelle mondiale, cela sans que cela ne coûte un euro au contribuable, c’est pour moi une forme de haine de soi
Le combat pour la culture est avant tout un combat pour la liberté, la liberté de création, la liberté d’expression.
Et je voudrais à cet instant avoir une pensée avec vous pour notre compatriote Boualem Sansal.
La liberté de création est, comme la liberté d’expression, un droit fondamental, consacré par la loi. Dans un contexte où les censeurs se multiplient, de tous côtés, ce droit est pourtant de plus en plus menacé.
Empêchement d’accès des publics aux œuvres, déprogrammations, actes de vandalisme, menaces et cyber harcèlement contre des artistes…
Ces menaces, inacceptables, m’ont conduit à présenter en décembre un plan pour la liberté de création.
Pour combattre toutes les formes de censure - et d’auto-censure.
Ce combat sera au cœur de l’année 2025.
Combat pour la liberté, la culture est ensuite un puissant combat pour l’égalité.
Il faut sans cesse se préoccuper davantage de ceux qui pensent que "la culture, ce n’est pas pour eux".
C’est ce que ressentent malheureusement des millions de Français. Et souvent, cela se termine mal pour ceux que nous tenons à l’écart de la culture. D’autres peuvent tomber sous l’emprise de ceux qui leur disent que la culture, c’est un danger pour eux !
Aussi brillant soit-il, notre modèle culturel reste inégalitaire.
De nombreuses initiatives sont prises, qui vont dans le bon sens, mais il reste encore beaucoup à faire.
Si je fais moi-même un peu d’auto-critique, j’aurais aimé aller plus loin et agir plus fort en 2024 sur ce sujet. La ruralité, l’éducation populaire, le Pass Culture : des jalons ont été posés. Je ressens profondément l’urgence de ce chantier. Nous allons maintenant l’accélérer.
Je veux que la culture et les lieux de culture soient des lieux accueillants et accessibles à tous, notamment aux personnes en situation de handicap. 2025 sera l’année d’un Pass Culture enfin 100% accessible.
Ce sera aussi, grâce au travail mené avec les éditeurs, l’année où tous les ouvrages seront, dès leur parution, accessibles et adaptés au public aujourd’hui empêché de lire, sur un portail de l’édition accessible et adaptée.
Je suis par ailleurs ravie du partenariat que j’ai amplifié avec l’Institut national des jeunes aveugles.
Ce n’est pas tout : je crois aussi au besoin de réinterroger ce que nous appelons les lieux de culture.
Tout peut devenir un lieu de culture. Une école, un collège, un lycée, avec l’EAC. Un hôpital, un EHPAD, avec le protocole Culture/Santé. De cette façon, on contribue à changer et sauver des vies !
Avec ce souci d’aller à la rencontre des publics qui ne viennent pas forcément dans nos lieux, notamment parce qu’ils en sont éloignés, je souhaite que nous ayons cet été toute une saison d’actions exceptionnelles dans les campings.
Les campings sont plébiscités par une majorité de Français. Présents sur l’ensemble du territoire, ils sont leur hébergement de vacances préféré.
Le ministère de la Culture, avec les DRAC et les acteurs professionnels, organisera cet été culturel dans les campings, et j’appelle chacun d’entre vous à se mobiliser.
Liberté ; égalité ; combat enfin pour la fraternité.
Là encore, cela ne va plus de soi. Il est tellement plus facile de diviser, de se replier sur une vision étriquée de la nation française quand notre pays est grand d’être un pays de fraternité, d’ouverture au monde.
Ces mots ont pour moi et je le sais pour nous tous un sens profond, à la fois dans ce lieu - musée national d’histoire de l’immigration - et dans chacune des institutions que vous représentez ici
Dans une société qui va mal dans bien des aspects, le monde culturel peut incarner un espoir. Aussi s’il n’oublie pas son devoir d’exemplarité.
Ces derniers mois encore, des situations de violence, notamment de violences sexistes et sexuelles, ont été dénoncées dans nos secteurs.
Si ces situations sont intolérables, qu’elles aient lieu dans la culture ou ailleurs dans notre société, je veux dire qu’il y a une contradiction particulière, qui doit tous nous interroger, à voir que des souffrances inacceptables sont perpétuées sous couvert de culture.
En 2025, nous renforcerons donc notre action, dans tous les secteurs, pour prévenir ces violences, et accompagner celles et ceux qui en sont les victimes. Dans un esprit de tolérance zéro pour ceux qui n’auraient pas encore compris le message.
Vous l’avez compris, les combats de 2024 seront ceux de 2025.
Mais cette nouvelle année nous expose aussi à un nouveau contexte, qu’il faut prendre très au sérieux.
Je pense d’abord au contexte international.
Ce contexte nous invite à retrouver le sens des conquêtes, des partenariats stratégiques. A mesurer le poids croissant que la culture prend dans les relations entre États.
En 2024, j’ai entrepris une relance de nos partenariats stratégiques avec les grands pays émergents qui cherchent à devenir des acteurs culturels globaux. Je pense en particulier aux pays du Golfe, mais aussi à l’Inde et à plusieurs pays africains. Des engagements concrets se réalisent enfin sur la base du travail engagé en 2024.
En 2025, je poursuivrai l'œuvre du président de la République de renouveler nos relations avec le continent africain, y compris avec l’Afrique non francophone.
Mais au-delà de partenariats stratégiques bilatéraux, je mènerai en 2025, en lien avec le Quai d’Orsay, la refonte de notre dispositif de promotion de l’expertise culturelle, qui est attendue depuis plusieurs années.
Chaque année qui passe nous fait perdre des positions précieuses dans une compétition mondiale où nous devrions être favoris, mais où nous ne sommes souvent même pas sur la ligne de départ.
Plus largement, je souhaite renforcer notre capacité collective à « penser international », ce que nous faisons encore insuffisamment.
Je pense également, bien évidemment et je voudrais y revenir ici, au contexte national.
Depuis plusieurs semaines, nous sommes alertés par un recul sans précédent des engagements des collectivités locales en faveur des dispositifs culturels.
Certains de ces désengagements sont contraints, dans un contexte de tensions sur les finances locales, notamment des départements.
Beaucoup ont justifié leur désengagement par la baisse des dotations de l’État.
Ce Gouvernement l’a entendu et a pris la décision d’alléger significativement l’effort qui était demandé aux collectivités.
Il semble maintenant important que ces collectivités ajustent leurs décisions en tenant compte de cet effort qui leur est épargné.
La réalité est que d’autres de ces désengagements sont volontaires, et parfois revendiqués haut et fort, avec des discours contre la culture qui sont, il faut le dire, une insulte à l’intelligence et au bon sens.
Ces prises de parole - heureusement minoritaires - oublient que la culture, c’est la pierre angulaire de l’attractivité de nos territoires.
C’est de l’emploi.
C’est la qualité de notre cadre de vie.
C’est un horizon pour nos jeunes. Une respiration pour tous les âges de la vie.
Dans d’autres cas, des collectivités ont fait le choix de renforcer leurs engagements en faveur de la Culture.
S’engager pour la culture, c’est toujours un choix.
Je ne montre personne du doigt, car je crois au besoin impérieux de maintenir ou de rétablir le dialogue.
De convaincre que d’autres choix sont possibles et pertinents.
Si l’État n’a cessé de renforcer les moyens qu’il consacre à la culture (avec + 1,4 milliards d’euros depuis 2017), il n’en reste pas moins que les collectivités portent, globalement, 2/3 de la dépense culturelle dans notre pays.
Dans ce contexte, le plus grand enjeu de 2025 sera de travailler à une nouvelle entente entre l’État, les collectivités et les acteurs culturels.
Aujourd’hui, nous sommes proches d’un point de bascule. Je ne veux pas le minimiser.
Ce qui m’inquiète notamment, c’est ce qui se passe à bas bruit.
Des archives départementales qui ferment plusieurs jours par semaine.
Des musées de France menacés de perdre ce label, et donc la qualité de service associé, parce que le seul conservateur n’est pas remplacé.
Des orchestres qui réduisent brutalement le nombre de musiciens.
Des compagnies et des lieux qui multiplient les innovations et les économies de bout de chandelle, mais qui n’y arrivent plus
Cette situation nous interpelle collectivement.
Je veux bien qu’on mette en cause l’État, qui n’en fait jamais assez !
Mais si on veut s’en sortir, il faut accepter de laisser les postures de côté, car personne n’a de solution magique.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’alternative : le dialogue doit nous permettre une compréhension de nos contraintes et de nos enjeux respectifs
Dans cette situation, je m’attacherai à ce que l’État continue d’être exemplaire, et à jouer le rôle qui doit être le sien.
Cette posture de responsabilité ne saurait nous conduire à effacer d’un revers de main la situation périlleuse de nos finances publiques.
J’assume donc un budget d’équilibre, y compris la part d’efforts qui nous est demandée. Et je l’assume d’autant mieux que j’ai veillé à ce que cet effort reste proportionné, qu’il nous donne en 2025 tous les moyens dont nous avons besoin.
Avec un budget maintenu par rapport à 2024, les diminutions sont très limitées et mieux réparties, j’insiste, car les rabots initiaux n’étaient pas supportables.
Avec en plus une enveloppe exceptionnelle pour répondre à nos besoins d’investissement, notamment dans le patrimoine - 250 millions d’euros, dont 150 mobilisables immédiatement.
Avec par ailleurs un premier fonds exceptionnel de 40 millions d’euros, au profit de la création dans les territoires, qui doit permettre à la fois de sauvegarder des joyaux du paysage culturel qui seraient menacés, et de redonner un peu de marge artistique à travers une aide à la production.
Ce fonds est une première pierre de notre réponse à la crise, d’autres doivent exister. C’est encore un combat à mener pour les obtenir
Sans attendre, ce budget va donc donner à l’État les moyens d’agir dans des circonstances exceptionnelles. D’agir pour ne pas subir.
Alors, qu’alors-nous faire ensemble dans les prochains mois ?
J’ai déjà donné quelques indications : sur la mise en œuvre du plan Ruralité, sur la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public, le projet de loi pour donner suite aux États généraux de l’information, le chantier international, la concrétisation de la maison des cultures urbaines, l’été culturel dans d’autres lieux inédits comme les campings, le renouvellement du pacte avec les collectivités que je viens d’évoquer…
Je voudrais, sans prétendre à l’exhaustivité, évoquer pour finir cinq grands chantiers que je souhaite faire aboutir à l’occasion de cette année.
1/ Premier chantier : concrétiser le projet de National Trust à la française.
J’ai évoqué ces derniers mois le modèle anglais du National Trust.
Ce modèle permet à la fois de recueillir des monuments emblématiques que des propriétaires privés ne peuvent plus assumer, et d’organiser une mobilisation de toute la société pour leur entretien et leur valorisation.
Le modèle français est différent.
Il repose sur des fondations et des associations particulièrement dynamiques, mais aussi sur un opérateur public national, le Centre des monuments nationaux, qui gère un ensemble de 120 monuments historiques bénéficiant d’un accompagnement à 360 degrés. Accompagnement qui est, il faut bien le dire, d’une qualité exceptionnelle.
Mon ambition est simple :
Le CMN gère 120 monuments ;
Il y a 45 000 monuments historiques en France ;
Je pense que nous pouvons inventer un modèle où le CMN, par exemple dans le cadre d’une filiale pour ne pas perturber son organisation actuelle, invente d’autres modes d’intervention et de partage plus large de son expertise, en partenariat avec les différents acteurs du patrimoine.
Je confierai à la présidente du CMN une mission de réflexion, visant à adosser au Centre des monuments nationaux, par exemple sous la forme d’une filiale, le National Trust à la française que j’ai appelé de mes voeux ces derniers mois.
2/ Deuxième chantier : relancer une grande politique en faveur de l’architecture.
Notre pays a un besoin vital d’architectes. Pour rénover le bâti existant, pour réparer le tissu urbain. Pour imaginer de nouvelles façons d’habiter et de vivre. Pour concilier le grand défi écologique avec nos autres aspirations.
C’est avec cette conviction que j’annoncerai dans les prochains jours une stratégie nationale pour l’architecture.
Cette stratégie intègrera un volet important en faveur des écoles. Je veux dire ici que la création d’une nouvelle direction générale dédiée à l’enseignement supérieur ne remet en rien en cause la qualité et l’excellence de ces école, au contraire.
L’enjeu est de leur apporter un meilleur accompagnement : avec une tutelle “métier” au niveau de la DGPA, et une tutelle “enseignement supérieur” qui sera enfin à la hauteur des besoins rencontrés par nos écoles, leurs enseignants et leurs étudiants.
3/ Troisième chantier : je veux décloisonner la culture scientifique et la remettre au centre de nos politiques culturelles.
Dans le même temps que notre opérateur national, Universcience, doit toujours plus penser son action à l’échelle nationale, les autres grands acteurs de la culture - les sociétés de l’audiovisuel public, les grands musées… - ont un rôle à jouer pour démocratiser la culture scientifique et développer l’esprit critique.
Ces enjeux sont aussi ceux du ministère de la Culture, pour toucher le plus grand nombre.
4/ Quatrième chantier, dans le domaine des arts visuels : fédérer les énergies pour mieux défendre la scène française.
Cette scène française connaît un nouvel âge d’or mais nous l’accompagnons encore insuffisamment, notamment à l’international.
Au fil des années, nous avons reconstitué un écosystème du marché de l’art contemporain à Paris et dans toute la France : foires internationales, ouverture ou extension de fondations privées, grand dynamisme des galeries, prix récompensant nos jeunes artistes, rôle actif de nos institutions publiques…
Pour aller plus loin, je souhaite donc proposer la création d’une grande fondation pour l’art contemporain français, basée sur un modèle juridique public-privé comparable à la Fondation du patrimoine. Pour donner un élan sans précédent à la scène française.
5/ Cinquième chantier : mener un grand projet autour de la transmission du patrimoine et de la culture cinématographiques.
Nous célébrons cette année les 130 ans du cinéma.
Ne boudons pas notre plaisir : c’est d’abord une histoire française.
C’est à Paris, en 1895, que les frères Lumière ont inventé le cinéma sous la forme que nous lui préférons toujours aujourd’hui.
Cette longue histoire d’amour entre les Français et le cinéma, qui a eu des répercussions mondiales, n’a, aujourd’hui, qu’une seule ombre au tableau : nous connaissons peu et valorisons mal notre patrimoine, qui est pourtant unique au monde.
Avec des collections fabuleuses, qui racontent l’histoire du cinéma comme personne d’autre ne peut le faire au monde.
Comment valoriser, exposer ce patrimoine, qui est pour l’instant caché, occulté ?
Pourquoi pas un musée du cinéma ? Je pose juste la question.
*
Mesdames et Messieurs,
Comme vous le voyez, j’ai quelques idées pour cette année. D’autres sont à venir.
J’ai surtout une détermination totale, et un grand enthousiasme, pour vous accompagner dans cette année pleine de défis.
2024 restera comme l’année des Jeux Olympiques et Paralympiques, comme l’année de la réouverture de Notre-Dame - deux événements d’une ampleur planétaire, qui ont vu notre culture rayonner partout dans le monde.
Nous aurons d’autres temps forts au cours de cette année - je pense au Sommet de l’IA dans les prochains jours, je pense à la Music Week à la fin du mois de juin - mais en 2025, l’enjeu sera moins de retrouver des visages spectaculaires pour notre culture, que de conforter sa place dans le quotidien et le cœur des Français.
Ce sera une année assurément complexe, mais je suis confiante dans notre capacité à ne pas la subir, mais au contraire à agir, tous ensemble, aux côtés des acteurs culturels et dans l’intérêt de tous nos concitoyens.
Avant de conclure, je voudrais bien sûr vous adresser des vœux de santé et de bonheur personnel, pour vous et pour vous proches, mais aussi des vœux de réussite collective, pour nous tous.
Depuis un an, je suis heureuse et fière d’être votre Ministre, et je dois dire que vous me le rendez bien. En 2025, j’espère que je ne vous décevrai pas. Et pour cela, poursuivons notre travail, tous ensemble !