1.0937 - La Rouvière ou Super-Marseille - 0938 - Super-Rouvière
La Panouse, un site escarpé à l'est de Marseille, 9e arrondissement
références documentaires : Patrimoine XXe, architecture domestique
n° répertoire édition X : 0937, 0938, p 20. 2005
Conception & rédaction T. Durousseau arch., 2007
désignation : Résidence La Rouvière ou Super-Marseille - Résidence Super-Rouvière
83 à 211 boulevard du Redon, quartier de La Panouse 13009
Lambert 3 : latitude 3.08774 ; longitude 43.2527
Accès : métro 2 : Bougainville - Sainte-Marguerite Dromel
bus n° 24 : métro Sainte-Marguerite - Luminy, bus n° 48 : métro Sainte-Marguerite - Clairval, Redon
propriétaire : Copropriété, Syndic Cogefim-Fouques 04 91 17 20 50
programme : 2 200 logements, stationnement collectif, groupe scolaire, centre commercial, jardins et aménagements paysagers.
Maître d'ouvrage : Cravero Frères
Financement primes à 1 000 F et Logéco, prêt bancaire.
Ensemble de 7 immeubles : tour, barres et barres pliées.
dates, auteurs : Accord Préalable : 1960. Permis de Construire : 1961, 62, 63 et 1964.
Réalisation en quatre tranches successives. Achèvement des travaux : 1971.
Raoul Guyot, architecte. Bureau d'étude, SEREAT.
Entreprise, Les Grands Travaux de l'Est.
site : À l'est du canal de Marseille, au pied du Rouvière (219m), au nord des anciennes carrières du Vallon Redon. Altitude entre 80,00 et 160,00 m, pente forte (50%) vers le nord-ouest. Terrain de 13 ha urbanisés sur 29. Habitation en ordre discontinu, Secteur campagne du Plan d'Urbanisme Directeur de 1949.
plan de masse : Plan centré sur la tour (R+30) et le centre commercial, avec une montée jusqu'au Super-Rouvière, 80 m au dessus, en étageant 4 immeubles de R+15 à R+21. Grands espaces paysagés.bâtiStructure en refends, façades non porteuses préfabriquées sur place. Revêtement en travertin pour les façades ouest. Bon état général.
sources : AD : 2071 W 22 (65.069), 23 (67.652), 165 W 908-911, 536
La Provence, 27 Janvier 2004
Marseille Hebdo, 2004
Contexte :
C'est sur le site d'un véritable château que La Rouvière va être construite au cours des années soixante, on y imagine une cité de 4 000 logements sous l'appellation de Super-Marseille. Pour la seule Rouvière, les terrains sont très importants, pas moins de 29 hectares, et en zone naturelle, on déclassera pour faire une opération disjointe. La densité générale sur le site collinaire escarpé va être condensée en pied du relief sur 13 ha, doublant la densité moyenne mais laissant une partie dela colline intacte. L'importance du projet nécessitera de franchir toutes les commissions possibles : autorisation préalable, permis de construire et même Commission Supérieure de l'Architecture après l'obtention du permis de construire. Au départ, c'est André Devin qui avait été pressenti par les frères Cravero. Suite à un désaccord, il est remplacé par Raoul Guyot. Cependant Xavier Arsène-Henry va très fortement influer sur le plan de masse et il assiste aux réunions de chantier. Naturellement l'architecte conseil du ministère sera enthousiaste sur le projet. L'inspecteur de l'Urbanisme Georges Meyer Heine arguant que les 80 m de dénivelée ne sont pas si facilement franchissables et que le site sera très marqué par un tel projet. Les promoteurs s'engagent auprès de la Commission Supérieure de l'Architecture à installer un ascenseur et à habiller les façades de travertin. Les comptes-rendus rapportent que X. Arsène-Henry signale que l'opération a fait l'objet d'un suivi attentif. Il dit continuer personnellement, au-delà de sa mission d'architecte conseil, à suivre l'évolution de l'opération qui promet d'être une belle réussite !
L'histoire ne s'arrêtera pas là, puisqu'une fois les premières tranches engagées, un détachement parcellaire permettra la construction du Super-Rouvière, bâtiment de plus de 400 logements. Les Comités d'Intérêt de Quartier s'en émurent, et le futur secrétaire d'Etat Raoul Rudeau, en poste à Marseille poussera l'idée d'un impôt foncier qui prenne en compte la valeur bâtie des propriétés. Succès certain, les appartements se vendront sur plan à Alger, pour finir avec la mise en liquidation judiciaire de la Société Cravero qui rendra difficile l'achèvement des travaux. Aujourd'hui La Rouvière est la plus grande copropriété d'Europe, et des artistes comme le peintre Adrian Dura ou le photographe japonais Naoya Hatakeyama l'ont prise comme motif.
Description :
Si la notion de plan de masse a un sens c'est ici, où la manière de composer les volumes bâtis se traduit par une véritable prise de site. Qui n'a pas vu, au retour de Cassis, le pignon sud du Super Rouvière surpasser la ligne de crête des collines de Vaufrège ! En réalité, le plan, sa densité, est largement commandé par la voirie qui monte à l'assaut des fortes pentes de la colline et dessert un à un les sept bâtiments. La succession de lacets se termine par une boucle et construit un parcours, une vision en mouvement de l'ensemble.
Passé le portail sous contrôle, on laisse à main droite une barre de 7 à 10 étages à acrotère constant, et une petite tour de 11 étages. À main gauche, les restes du jardin avec le bassin axé sur le château, dont le lien a été rompu par un ensemble résidentiel incongru (on a encore densifié la Rouvière !).
On contourne ensuite le centre commercial avec son bureau de poste, ses trois banques, son supermarché et ses trente commerces, surmonté par la grande tour de plus de 100 m, pivot de la composition et posée au point bas de la résidence. Face au centre commercial et au delà des nappes de parkings, un jardin en hémicycle tout en plan forestier est redivisé par une allée en diagonale qui indique l'accès piéton aux immeubles 30 m plus haut. La voie contourne, par le nord, ces immeubles, une barre droite et perpendiculaire à la pente et deux barres pliées. La barre, au nord du dispositif, est en face de 22 rangées de garages, elle reprend le principe de continuité de l'acrotère, maintenant une ligne de ciel constante, amplifiant l'échelle du bâtiment par rapport au site.
Les barres pliées d'une vingtaine d'étages créent une large ouverture sur le bas de la résidence, dans un mouvement de plis et de contre-plis un peu à la manière d'un mouvement de vague. La voie est entre les immeubles et la pente, l'impression d'encaissement se renforce avec la confrontation avec le Super-Rouvière 50 m encore plus haut. C'est un peu comme des falaises qui montrent aussi le divorce entre les façades avant et arrière : les premières, face à la mer, largement vitrées, revêtues de travertin, toutes dans les horizontales des balcons, et les façades arrière d'une grande sécheresse en simple enduit et percées par des centaines de fenêtres identiques. Le Super-Rouvière domine l'ensemble de façon vertigineuse, assis sur un socle de quatre étages de parking construit, qu'il convient de traverser si on vient à pied. Là encore on reconnaît les dispositifs que X. Arsène-Henry a utilisés à Nîmes Valdegour.
Contre toute attente le système constructif est sans grande invention : trames de moins de 4,00 m, planchers et façades en nervure béton et corps creux en céramique, préfabrication sur place pour ces dernières, distribution très répétitive de trois logements par étages, avec un 2P mono-orienté. Les immeubles ont une épaisseur relativement faible de 11,30 m pour vingt étages, leur donnant un aspect à la fois fragile et tranchant qui leur vaudront d'être baptisé de paravents.
Avec 8 000 habitants, La Rouvière est une unité de voisinage réussie malgré une architecture en rapport violent avec un site puissant. Les échelles monumentales de l'une comme de l'autre donnent l'étrange impression d'une texture minérale unique entre rocher et construction, certains soirs à la tombée du jour, les façades semblent s'enflammer des derniers rayons du soleil, la nuit c'est une cité dans le ciel : ce qu'il reste du Super-Marseillle fait partie du grand paysage de la ville.
Auteur :
Raoul Guyot,
né en 1904 à Tonnerre, Yonne, est diplômé en 1930, première inscription à l'ordre en 1941. On lui connaît peu d'autres réalisations que La Rouvière, à Marseille, Valmante et Valmante-Michelet auxquelles son fils Bernard Guyot participera.
On notera également à Marseille, en 1957, un immeuble de logement à La Blancarde, un ensemble à Saint-Tronc en 1959 et plusieurs immeubles sur le boulevard Perier en 1960. Dans le même temps où il réalise La Rouvière et Super-Rouvière, il construit Valmante (1 382 logements au Cabot) et Valmante-Michelet (607 logements à Mazargues). C'est l'ensemble de ses 4 000 logements qui correspond au Super-Marseille.
Fichiers associés :
- Carte du 9e arrondissement de Marseille
- Notice monographique documentée
© Thierry Durousseau, 2004-2005
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