1.Présentation du monument et de l’opération
Dans la colonie romaine d’Orange, la Colonia Firma Iulia Secundani Arausio, fondée aux environs de 30 av J.-C., le centre monumental comprenant un théâtre et un sanctuaire fut mis en chantier au tournant de l’ère.
Les deux édifices adossés à la colline Saint-Eutrope qui domine la ville d’Orange sont séparés par une rue dont la construction et la décoration sont unitaires. Dès 1856, Auguste Caristie consacra au théâtre et à l’arc une double monographie d’architecture, la première étude de ce genre sur des monuments antiques publiée en France.
Du théâtre, seule la partie centrale des gradins fut adossée à la colline et profita de la pente du rocher naturel. Le reste fut établi sur d’imposantes substructions constituées de murs circulaires ou rayonnants, en grand et petit appareils, supportant des voûtes en opus caementicium .
Aujourd’hui, seuls quelques blocs des trois premiers gradins sont encore antiques. Les autres ont été rebâtis en calcaire de Baume de Transit, entre 1892 et 1904, par Jean-Camille Formigé conformément à la restitution proposée en 1856 par Augustin Caristie.
En effet, les gradins étaient moins bien conservés lors de leur dégagement que ne l’était le bâtiment de scène. En ce sens le théâtre d’Orange se distingue de la plupart des autres théâtres antiques qui présentent, le plus souvent, des bâtiments de scène très ruinés au pied de gradins plus ou moins bien conservés. Tel n’est pas le cas à Orange. L’état de conservation du bâtiment de scène n’a pas d’équivalent dans tout l’Occident romain ; en Orient seuls ceux des théâtres de Bosra en Syrie et d’Aspendos en Turquie s’en approchent. L’établissement d’un quartier d’habitat à l’intérieur du théâtre et la construction sur le bâtiment de scène d’un poste avancé du château des Princes d’Orange établi au sommet de la colline Saint-Eutrope favorisèrent la conservation du monument.
C’est ce bâtiment de scène, long de 104 mètres et haut de 35 mètres, qui fait l’objet de travaux de mise en sécurité et de conservation douce depuis 2015. Les échafaudages constituent une opportunité exceptionnelle pour étudier les parties inaccessibles de l’édifice, pour les relever précisément et mener une étude archéologique et architecturale des élévations.
Depuis novembre 2016, l’IRAA (Institut de recherche sur l’architecture antique) a assuré, à la demande et avec le soutien des services de la Mairie d’Orange, de la direction régionale des affaires culturelles (Service régional de l’archéologie et conservation régionale des monuments historiques), cinq missions de suivi archéologique, une pour chaque tranche de travaux de restauration du théâtre antique. Depuis 2019, ce travail bénéficie d’une aide de la Fondation A*Midex de l’Université d’Aix-Marseille, issue des fonds partenariaux, confortant celle de la ville et du service des monuments historiques.
Le suivi archéologique des travaux de restauration a porté :
- en novembre et décembre 2016, sur les flancs sud, est et nord de la basilique est,
- de janvier à avril 2017, sur les flancs sud, ouest et nord de la basilique ouest,
- d’octobre 2017 à avril 2018, sur la grande façade septentrionale du bâtiment de scène,
- d’octobre 2018 jusqu’au 15 avril 2019, sur le front de scène (mur méridional du bâtiment de scène) et ses retours occidental et oriental.
- Actuellement et jusqu’en avril 2020, les travaux de restauration se poursuivent à l’intérieur du bâtiment de scène ainsi que sur les murs orientaux qui soutiennent les gradins de la cavea. Les différentes salles du bâtiment de scène, qui n’ont jamais bénéficié d’études détaillées, vont être étudiées pour la première fois. Dans le secteur oriental de la cavea, c’est à la fois la construction et la décoration de la façade courbe du monument, la mise en place des structures porteuses des gradins ainsi que les circulations internes qui vont pouvoir être analysées.
Les échafaudages ont déjà permis de réaliser des relevés généraux au 1/20ème et au 1/50ème de l’état actuel des élévations concernées, ainsi que des relevés de détails du décor et des aménagements particuliers.
Les informations enregistrées sont principalement : le calepin des murs et les décrochements des assises, la distinction des matériaux de construction (pierre, mortier, métal et bois), l’identification des blocs changés lors des restaurations, le repérage et la typologie des cavités d'encastrement, les traces d'outils, les traces de rubéfaction… Ce relevé permet de distinguer les différents remaniements et interventions subis par le théâtre de l'Antiquité à nos jours. Parallèlement, ont été entreprises des études concernant les matériaux mis en œuvre : le bois, le métal, les mortiers et la pierre. Ph. Bromblet, ingénieur de recherche, dans le cadre des missions d'assistance scientifique et techniques du CICRP (Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du patrimoine, a effectué les prélèvements des pierres calcaires et des marbres. Ph. Rochette, professeur et membre du laboratoire Cerege, a identifié les granites. L. Shindo, dendro-chronologue, a effectué les prélèvements et les analyses des éléments en bois. La société Analyse Géophysique Conseil a effectué une détection GPR sur les élévations du front de scène afin de repérer les éléments métalliques non visibles. Chr. Loiseau, archéologue (Eveha, AOROC), collabore à l’étude des éléments métalliques.
L’équipe est composée d’A. Badie et S. Dubourg (ingénieurs de recherche, IRAA, CNRS), C. Castres (2016-2018), A. Papadopoulou (depuis 2018), toutes deux architectes, J.-Ch. Moretti et D. Tardy (directeurs de recherche, IRAA, CNRS). M. Seguin (Drac Corse) et Ph. Galant (DRAC Occitanie, SRA) ont complété les travaux de topographie et de photogrammétrie générale. En 2019, T. Bartette et N. Leys de l’équipe d’E. Rosso (Sorbonne Université/ISCD) et P. Disdier (CNRS Strasbourg) ont assuré la prise de clichés photographiques des détails du décor en marbre encore en place en vue d'obtenir des facs similés et des ortho-images en utilisant la photogrammétrie par corrélation dense. En juillet de cette même année, M. Panneau de la direction de l’Archéologie et Museum de la ville d’Aix en Provence a effectué un lever lasergrammétrique du monument.
L’ensemble de ces missions n’aurait pu avoir lieu sans le soutien permanent et efficace de l’équipe du Musée d’art et d’histoire d’Orange, dirigée par C. Varéon et le service Bâtiment de la ville dirigé par C. Mathieu.
Tout au long des campagnes d’étude, l’équipe a travaillé en étroite concertation avec la maitrise d’œuvre, l’agence « Architecture et héritage » dirigée par R. Wieder, et les ouvriers de l’entreprise Mariani. Il convient de souligner la qualité de l’échange permanent aussi bien pour la coordination de chantier des différentes partenaires que pour la prise en compte des observations archéologiques par les équipes de restauration et réciproquement.
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