La présentation de près de 70 tableaux du XVIIIe siècle italien des musées et églises de Picardie ne pouvait trouver lieu plus légitime que le palais de Compiègne, reconstruit par Jacques-Ange Gabriel pour Louis XV à partir de 1750, agrandi sous Louis XVI, puis occupé et embelli par les deux empereurs Napoléon Bonaparte et Napoléon III. Les œuvres réunies, la plupart restaurées pour l’exposition, révèlent, au travers de l’histoire des collections privées et publiques de Picardie, un goût dominant pour l’art vénitien et napolitain du Settecento.
Les Grands décors rococo
L’exposition s’ouvre sur de grands décors rococo dont les palais de la péninsule se couvrent et dont les musées picards possèdent des éléments : un plafond entier évoquant L’Aurore (Beauvais) du vénitien Gaspare Diziani (1689-1767) ; deux dessus-de-porte en grisaille encore anonymes d’une série de quatre Saisons de Chaalis, dont l’Été et l’Hiver sont restaurés pour l’exposition; des esquisses florentines de Ranieri del Pace (Amiens) ou napolitaines de Giacomo Del Po (Amiens) préparent d’ambitieux décors.
Peindre l’histoire
Un ensemble de magistrales peintures d’histoire illustrent les récits profanes ou sacrés. Au XVIIIe siècle, les liens entre Venise et la France étaient très féconds : en témoignent les séjours d’artistes vénitiens à Paris comme les plus importants d’entre eux, Sebastiano Ricci (1659-1734), auteur d’un Hercule aux pieds d’Omphale (Amiens) ou Giovanni Antonio Pellegrini (1675- 1741) dont deux pendants, qui proviennent de l’ancien Collège de Soissons avant la Révolution, illustrent avec brio des épisodes de l’Histoire d’Alexandre le Grand. Si les noms les plus fameux de la peinture italienne du Settecento appartiennent à l’école vénitienne, l’école napolitaine va également rayonner sur toute l’Europe grâce à Francesco Solimena (1657-1747), représenté par un spectaculaire Combat des Centaures et des Lapithes (Senlis), ou par son élève Nicola Maria Rossi (vers 1690-1758) qui possède l’élégance apaisée du maître dans une originale Libération d’Andromède (Beauvais). La peinture dévotionnelle de moyen ou petit format atteint une certaine liberté picturale avec Corrado Giaquinto (1703-1765) dans une Naissance de saint Jean-Baptiste (Beauvais) ou Giuseppe Bazzani (1690-1769) avec la Mort de saint Joseph (Beauvais). Elle démontre également une profonde intensité dramatique dans l’émouvant Christ tombé sous la croix (Amiens) du bolonais Giuseppe Maria Crespi (1665-1747). Une section est aussi consacrée à la diffusion des modèles italiens dans les églises picardes avec des œuvres du peintre Luigi Domenico Soldini (vers 1715 - vers 1780) d’origine italienne et deux copies avec variantes d’après un prototype de Giambattista Pittoni (1687-1767).
Dans l’atelier du peintre : le goût de l’esquisse
Le fonctionnement des ateliers et les productions du maître et des élèves sont évoqués grâce à une belle série d’esquisses préparatoires de Giambattista Tiepolo (1696-1770), Immaculée Conception (Amiens), des répliques autographes de Solimena, Adam et Eve épiés par Satan (Laon), ou des répétitions d’élèves (Sebastiano Conca (1680-1764), Six saints présentés par la Vierge à la Trinité (Rue).
Gens du peuple et Portraits du Grand Tour
Le XVIIIe siècle a également vu triompher des genres différents tels que la scène de genre paysanne et burlesque dont Giacomo Francesco Cipper dit Todeschini (1664-1736) est l’un des chantres : La Fileuse endormie (Laon). La nature morte, dans la grande tradition napolitaine du siècle passé, privilégie l’aspect décoratif avec Giovanni Paolo Spadino (1659-vers 1730), Nature morte à la grenade éclatée (Beauvais). Le portrait du Cardinal de Gesvres (Beauvais) d’après Pompeo Batoni (1708-1787) et celui de la comtesse polonaise Ursula Mniszchowa, traité avec monumentalité par Marcello Bacciarelli (1731-1818), évoquent quant à eux la Rome du Grand Tour, passage obligé de tout visiteur étranger en Italie.
Paysages, caprices et vedute
À Naples, avec Leonardo Coccorante (1680-1750), le paysage prend des formes tourmentées, Naufrage dans la tempête (Soissons), ou mélancoliques, deux Caprices dans des ruines (Beauvais). Figure de proue du genre à Venise, Francesco Guardi (1712-1792) est bien représenté dans la collection Lavalard à Amiens (Caprice avec pont et Porte gothique). D’autres maîtres comme Michele Marieschi (1710-1744), Ruines antiques (Laon) et Francesco Albotto (1721-1757), son principal collaborateur, auteur de deux Caprices architecturaux (La Fère), témoignent de la vogue européenne pour la veduta vénitienne. Le paysage romain, inspiré par les ruines antiques et la campagne arcadienne, a trouvé son inventeur dès le milieu du XVIIe siècle avec Codazzi, initiateur de la veduta realistica. Elle est interprétée par Giovanni Paolo Pannini (1691-1765) et par Paolo Anesi (1697-1773), avec deux idylliques Paysages du Latium (Compiègne). Une invitation à voyager dans l’Italie du Settecento grâce à ce patrimoine méconnu de Picardie, riche d’œuvres à découvrir.
Musées et domaine nationaux du Palais de Compiègne Place du Général de Gaulle 60200 Compiègne Tel : 03 44 38 47 00 |
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