Le plomb dans les monuments historiques
Le plomb est très présent dans le patrimoine culturel, immobilier comme mobilier, et son usage multiséculaire fait appel à des techniques spécifiques, souvent rares, qui concernent de nombreux corps de métiers et d’entreprises, notamment celles qui interviennent sur les monuments historiques. Largement employé dans la construction, le plomb reste présent de façon permanente et sous de multiples formes dans les immeubles antérieurs à la seconde moitié du XXᵉ siècle. Il convient de rappeler que de nombreux biens culturels présents dans les monuments historiques, les musées de France, les archives ou les bibliothèques sont composés, de manière constitutive, de plomb.
Les usages
Dans le domaine des monuments historiques, le plomb n’est pas toujours employé sous forme laminée, mais peut aussi de manière traditionnelle être utilisé en tables coulées sur sable (la différence concerne le processus de fabrication).
Ouvrages en plomb métallique :
- Couverture, ornements de toiture, épis de faîtage, terrasses, ouvrages d’étanchéité, chéneaux, gouttières, descentes d’eau : de nombreux monuments en Europe, et parmi eux les plus grandes cathédrales, ont été, dès l’origine, couverts en plomb : la Sainte-Chapelle, le Val de Grâce, les Invalides, le Panthéon et Notre-Dame à Paris, les cathédrales de Reims, Rouen, Clermont-Ferrand ou Beauvais, le château de Versailles… Aujourd’hui, le plomb occupe une place importante dans les toits patrimoniaux et contribue à l’identité visuelle des centres urbains anciens.
- Réseaux de plomb des vitraux du XIIe au XXe siècle : la France a le privilège et la charge de conserver plus de vitraux antérieurs à la Révolution que tous les autres pays du monde réunis et le corpus des vitraux posés au XIXe siècle puis au XXe siècle forme également un patrimoine immense. En France, plus de 50 000 m² de vitraux antérieurs à la Révolution ont été déposés à la veille de la Seconde Guerre mondiale et les verrières des XIXe et XXe siècles se comptent par dizaines de milliers. Trésors du patrimoine national mais aussi mondial, plusieurs monuments célèbres pour leurs vitraux sont inscrits sur la liste du Patrimoine mondial (UNESCO), tels Amiens ou Chartres.
- Tuyaux et éléments constitutifs des orgues (alliage plomb – étain) : plus de 1600 orgues sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques sur plus de 8000 orgues recensés en France.
- Réseaux hydrauliques des fontaines et statues des jardins : c’est l’exemple des bassins et fontaines conservées et présentées au public dans le parc du château de Versailles et Saint-Cloud.
- Scellements et joints dans la maçonnerie : ils assurent une interface à la fois protectrice et absorbante entre des éléments en pierre et des éléments en métal, et ce depuis le Moyen Âge.
- Sceaux conservés dans les archives, bibliothèques et musées
- Objets mobiliers relevant du patrimoine technique, etc.
Composés du plomb, oxydes et sels
- Peintures (céruse, minium) : elles sont utilisées tant pour les peintures décoratives que les tableaux.
- Terre cuite vernissée, céramique émaillée : la technique de glaçure plombifère est utilisée pour les tuiles, les crêtes et les épis de faîtage dès le Moyen Âge (tuiles vernissées de Bourgogne : couverture des hospices de Beaune).
Les qualités du plomb
Le recours au plomb est justifié par les qualités uniques de ce métal très lourd : sa malléabilité, son aspect esthétique, sa durabilité, très supérieures à celle du zinc et du cuivre, mais aussi à celle d’autres matériaux de couverture, permettent à ce matériau de se prêter à la réalisation d’ornements délicats, comme les lanternons du château de Chambord ou des flèches de la Sainte-Chapelle et de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou encore de la flèche de la cathédrale d’Amiens.
Il faut souligner également sa grande résistance aux eaux pluviales, du fait de ses qualités d’imperméabilité et de résistance à la corrosion, et son faible point de fusion (327 °C) facilitant sa mise en œuvre.
L’utilisation de ce matériau dans la restauration des bâtiments anciens permet de perpétuer un procédé de fabrication millénaire, employé dès la construction des édifices et reconduit à chaque restauration.
La préservation de ce mode de fabrication, dans la lignée des bâtisseurs médiévaux et modernes, puis des restaurateurs des XIXe et XXe siècles, est garante de la sauvegarde et de la transmission d’un savoir‐faire, de techniques, tant de fabrication que de mise en œuvre, et de métiers rares.
Les ouvrages et les œuvres concernés par le plomb comme matériau constitutif, présentent un haut intérêt patrimonial. Au regard des règles de conservation-restauration des monuments historiques et du patrimoine culturel en général, qui intègrent le respect des matériaux constitutifs du bien, en accord avec les chartes internationales du domaine du patrimoine culturel, ni l'élimination du plomb, ni sa substitution ne sont recherchées.
Le recours à un matériau de substitution risquerait de mettre en cause l’identité architecturale de nombreux bâtiments à l’occasion des restaurations et, de ce fait, l’intérêt d’art ou d’histoire qui a justifié la protection au titre des monuments historiques. Le choix d’un matériau de substitution dans le domaine du vitrail ou des orgues n’est techniquement pas envisageable. Les œuvres d’art constituées de plomb, tels que les statues, les sceaux ou les céramiques plombifères, ne peuvent pas davantage faire l’objet de substitution.
Par ailleurs, la substitution aurait des répercussions désastreuses sur l’activité des artisans et restaurateurs qui portent en France ce savoir-faire ancestral, qui fait partie du patrimoine immatériel sensible. On dénombre une trentaine d’entreprises de couvreurs ornemanistes spécialisés dans la restauration des couvertures en plomb, 450 ateliers de maîtres-verriers et 80 entreprises de facture d’orgue.
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