Avant la conquête romaine, ce lieu implanté à l’extrémité du plateau de Beaumont, situé à quelques kilomètres de la mer, est occupé par un petit peuple gaulois client des Bellovaques. Les indices matériels reconnus permettent d’identifier un sanctuaire en matériaux périssables dès La Tène moyenne (vers 250 avant J.-C.). C’est à ce même emplacement que se développa un complexe monumental localisé à l’ouest de la ville romaine. Après trois siècles de prospérité, elle va décliner brutalement avant d’être abandonnée massivement aux alentours des années 270-290. Les causes de cet abandon sont multiples : déclin économique, instabilité politique dans l’Empire romain, pillages et menaces de populations extérieures et, plus localement, dérèglement climatique provoquant des glissements de terrain (forte pluviométrie).
À partir du IVe siècle, un petit noyau d’occupation persiste autour du Bâtiment Est (tour carré d’une vingtaine de mètres de hauteur à l’extrémité de la basilique), surtout en lien avec les récupérations de matériaux et une un contrôle du secteur, persistera peut-être jusqu’à l’aube du VIe siècle. Parallèlement, la nature et la forêt reprendront leurs droits. Le site sera redécouvert lors du percement de la route forestière peu avant la Révolution française. De premiers sondages y seront pratiqués en 1820-1821 par Louis Estancelin sur les deux principaux alors reconnus, le Grand Temple et le théâtre. Ils seront suivis 50 ans plus tard par une campagne d’exploration menée par l’abbé Cochet et Paul-Henri Cahingt. À cette occasion, de premiers documents iconographiques seront réalisés. Il faudra attendre près d’un siècle pour que les premières fouilles au sens scientifique du terme soient menées au Bois-l’Abbé entre 1965 et 1980. Après un classement des zones reconnues au titre des Monuments historiques en 1987 (23 hectares), un poste permanent d’archéologue municipal occupé par Laurent Cholet sera créé conjointement par l’État et la Mairie d’Eu en 1994. Depuis, les recherches n’ont quasiment pas cessées. Considéré comme un lieu de culte isolé jusqu’au début des années 2000, il est désormais définitivement admis, après plus de 50 années de recherche, que les vestiges identifiés au Bois l’Abbé sont intégrés dans une ville romaine d’au moins 65 ha, qui trouve son origine à coup sûr à La Tène moyenne (vers 250 avant J.-C.).
Les recherches menées depuis 2002 ont permis de mettre en lumière que le temple central connu depuis le XIXe siècle est intégré dans un complexe monumental qui évolue entre les premières décennies du Ier siècle de notre ère jusqu’au milieu du IIIe siècle de notre ère. En 2006, la découverte d’une inscription gravée sur une plaque en calcaire mentionnant une basilique et son attestation en plan ont été des premiers éléments à venir étayer l’existence d’une ville. La démonstration archéologique a été effectuée à partir de 2010 avec l’identification de zones d’habitat. En parallèle, de secteurs présentant un intérêt archéologique particulier (extraction de matériaux, zones artisanales, espaces monumentaux…) ont été caractérisés par différentes méthodes de prospection, et ce dès la fin des années 2000 (prospections pédestres, relevés microtopographiques, prospections géophysiques et, depuis 2019, acquisition LiDAR).
Pendant la durée d’occupation de la ville romaine ont ainsi été construits, outre le temple qui va évoluer pendant plus de deux siècles, 5 petits temples (des fana) dédiés à différentes divinités du Panthéon, diverses galeries ornées de peintures murales, une basilique de 69 m de long dévolue à de multiples activités (civiques, commerciales, judiciaires, religieuses, économiques) et un bâtiment en partie propice aux réunions. Une grande place d’environ 3 ha, en lien avec la basilique et bordée de boutiques, permettait toutes sortes de rassemblements. À une centaine de mètres à l’est du complexe public, un théâtre alliant murs maçonnés et matériaux périssables pouvait lui aussi accueillir des cérémonies et des festivités. Un ou plusieurs établissements thermaux, dont l’un deux est en cours de fouille dans le Quartier Central, complète l’équipement urbain. Briga disposait bien de toutes installations constitutives d’une ville romaine, nécessaires à la vie de ses quelques milliers habitants !
Quelques belles découvertes majeures ont été faites à Briga. Parmi elles, une statuette en tôle d’argent du dieu Mercure d’une quarantaine de centimètres de hauteur avec son socle. Des témoignages épigraphiques exceptionnels ont aussi été mis au jour : la plaque dédicatoire du théâtre découverte par Michel Mangard et celle de la basilique, qui a permis de nommer la ville antique, Plus récemment, ce sont quelques dizaines carrés d’enduits peints qui décoraient les murs de la galerie reliant des fanums entre eux qui ont été retrouvés. Ils témoignent d’une programme iconographique sophistiqué évoquant de personnages mythologiques et leur suite, des divinités, des scènes de genre (dont une muse, un temple, des candélabres, un pégase….).
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