Les installations immersives de Tanja Smeets et de Karin van Dam expriment une fascination commune pour la matière et dérangent la perception de notre environnement. Les deux artistes s'attachent à imaginer des formes d’apparence organique qu’elles assemblent pour faire naître des mondes imaginaires.
Amies depuis plus de vingt ans et menant une pratique analogue, Karin van Dam et Tanja Smeets n’ont jamais confronté leur pratique à une échelle telle que celle de l’Abbaye de Maubuisson. L’exposition "Entre les murs" met en lumière la complémentarité de leur regard et souligne la singularité de leurs univers.
les méandres d’un monde imaginaire dans lequel des formes organiques courent du sol au plafond
Exposition "Entre les murs de Karin van Dam" 2023 © CDVO Catherine Brossais
Tanja Smeets et Karin van Dam refusent toute distinction entre matériau noble ou prosaïque. Elles partent systématiquement d’objets trouvés qu’elles associent à des techniques artistiques traditionnelles pour en révéler la force poétique. Ainsi transformés, ces derniers deviennent des œuvres surprenantes avec lesquelles elles investissent des lieux et créent des environnements fantasmagoriques qui bouleversent notre perception de l’ordinaire.
Exposition "Entre les murs" de Tanja Smeets © CDVO Catherine Brossais
Chacune des deux artistes s’empare d’un espace de l’abbaye pour offrir une expérience unique aux visiteurs. Elle les invite à se perdre dans les méandres d’un monde imaginaire dans lequel des formes organiques courent du sol au plafond, mêlant laine et fil de pêche, filtres à gouttières et fils tuftés, tricot et caoutchouc, tubes d’isolation et serres-câbles. Une ode à la matière et au travail de la main qui fait vibrer les murs de l’abbaye d’un élan de vie et de création.
une planète nouvelle au cœur de l'abbaye
Tandis que Karin van Dam explore dans un premier temps la manière, très organique selon elle, dont les villes sont construites, elle s’intéresse aujourd’hui aux structures de la nature. Ses recherches constituent une "micro-observation" des organismes naturels et soulignent à quel point tout est connecté. Tanja Smeets interroge quant à elle la tension entre le naturel et l’artificiel. Fascinée par la croissance organique des choses, elle aime observer les objets se transformer dans son atelier et devenir méconnaissables pour renaître sous une forme nouvelle qui, à ses yeux, "semble tout droit venir de la nature". En pénétrant dans l’abbaye, le visiteur foule une planète nouvelle.
Exposition "Entre les murs" de Karin van Dam © CDVO Catherine Brossais
Tanja Smeets a imaginé dans la salle du parloir un paysage composé de structures convexes aux reflets noirs et dorés flottant dans l’espace. Celles-ci dialoguent avec des formes tubulaires d’où s’enroulent des fils gris et multicolores, dont Tanja Smeets a réalisé le tressage au TextielMuseum de Tilburg. Entre les deux, des bulbes gris sont en mouvement, animant l’ensemble de ce paysage comme s’il menait une vie autonome. Cette atmosphère vivante et sonore n’est pas sans rappeler les murmures qui ont pu animer le parloir par le passé. Ce lieu est en effet l’unique salle de l’abbaye où les moniales pouvaient parler.
Exposition "Entre les murs" de Tanja Smeets © CDVO Catherine Brossais
Les murs du passage sont quant à eux recouverts de structures que Tanja Smeets a transformé en une dentelle épousant l’espace. Cette œuvre illustre la manière dont l’artiste met un point d’honneur à ce que la symbiose entre son travail et l’espace investi paraisse naturelle et logique, comme si ces structures se développaient depuis les fondations du lieu vers le jardin.
Exposition "Entre les murs" de Tanja Smeets © CDVO Catherine Brossais
Karin van Dam occupe quant à elle la salle des religieuses, dans laquelle les moniales réalisaient leurs travaux de couture, broderie, filage de laine ou dentelle au service de l’Église.
Cette fonction trouve un écho direct dans les larges œuvres circulaires que l’artiste réalise à partir de laine et de nylon. Ces dernières sont le résultat d’un long travail de tricot réalisé au TextielMuseum. Les sculptures suspendues, que Karin van Dam appelle Travelling cities (villes itinérantes), sont des œuvres que l’artiste a commencées il y a plus de vingt ans. Elles dialoguent avec des perles noires qui vont et viennent dans l’espace en un mouvement répétitif, presque hypnotique, qui évoque celui des mains des religieuses concentrées sur leur ouvrage.
Exposition "Entre les murs de Karin van Dam" © CDVO Catherine Brossais
L’artiste présente également certains de ses dessins, qui sont une part essentielle de sa pratique artistique. Ils constituent le commencement de chaque œuvre. On y remarque l’omniprésence de la forme hexagonale. Pour Karin van Dam, l’hexagone se retrouve dans chaque création de la nature. Elle l’intègre à ses propres créations pour attirer l’attention sur les structures des organismes naturels nous entourant.
Karin van Dam est une artiste visuelle qui vit et travaille à Amsterdam, elle expose aux Pays-Bas et à l’international pour des installations solo et des expositions collectives. Elle trouve ses influences lors de voyages en Mongolie, au Canada et en Chine et a participé à des résidences au Japon, en Chine, à Paris et au Canada. Elle enseigne les beaux-arts à l’Université des Arts d’Artez, Arnhem.
Tanja Smeets est une artiste visuelle qui vit et travaille à Utrecht, aux Pays-Bas. Elle est titulaire d’un diplôme en beaux-arts de l’Institut des Arts ArtEZ d’Arnhem. Son travail a été présenté dans de nombreux musées et galeries aux Pays-Bas et à l'international. Elle a réalisé des commandes pour des espaces publics dans plusieurs villes des Pays-Bas et des installations. Tanja Smeets participe à des résidences aux Pays-Bas, en Chine et en Corée du Sud. Elle a travaillé à plusieurs reprises au Centre Européen de Travail de la Céramique aux Pays-Bas. Ses œuvres font partie des collections permanentes du Musée Henan, du TextielMuseum, du ministère des Affaires étrangères, du Musée Boijmans van Beuningen et du Centraal Museum Utrecht.
L’abbaye de Maubuisson, lieu de création
Classées au titre des Monuments historiques en 1947, les ruines du domaine de Maubuisson sont appelées à connaître une seconde vie, celle de la restauration : ce programme est conduit dans le respect de l’histoire, à partir d’études archéologiques et de fouilles sur l’emplacement des bâtiments médiévaux. Par la suite, l’Abbaye de Maubuisson révèle un dialogue singulier entre histoire et création contemporaine.
L'abbaye de Maubuisson, côté salle du chapitre © photo Catherine Brossais - Conseil départemental du Val d'Oise, 2015
Devenue centre d’art contemporain, l’Abbaye de Maubuisson renoue avec l’inspiration initiale de ses espaces pour tisser des liens uniques entre le spirituel et le temporel. Une programmation transculturelle et artistique ambitieuse trouve l’inspiration dans les lignes gothiques et l’esprit des lieux pour sublimer la pureté des volumes architecturaux. Les expositions monographiques et collectives forment autant de médiations entre l’histoire et la création. Clé de voûte à la croisée des pratiques artistiques, l’abbaye met à disposition d’artistes en résidence des espaces de travail rénovés et accueille depuis 2020 une pépinière d’entreprises dédiée aux industries créatives. C’est cette mixité des publics et des activités qui vient aujourd’hui nourrir le renouveau spirituel de l’abbaye, plus que jamais ancrée dans le XXIe siècle.
Images d'en tête Exposition "Entre les murs" de Karin van Dam1 et Tanja Smeets2 © CDVO Catherine Brossais
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