Sous la direction artistique d'Aurelia Ivan, la Biennale internationale "Mar(ionnette)s à l’Ouest" affirme une ambition singulière : offrir une nouvelle lecture de la marionnette contemporaine tout en la faisant dialoguer avec d’autres formes artistiques. Tous les deux ans, ce festival hors du commun prend vie dans la Vallée de la Seine, où, pendant trois semaines, des artistes français et étrangers se rassemblent pour explorer les multiples facettes de cet art méconnu, à la croisée des disciplines. "La marionnette contemporaine est un médium de plus en plus hybride", explique Aurelia Ivan. Pour elle, cet art ne se limite plus à ses traditions, mais interagit avec la danse, les arts plastiques, le cirque ou encore la musique contemporaine.
En août 2023, dans le cadre du festival "Mars à l’Ouest", lors d’un entretien avec la DRAC Île-de-France, Aurelia Ivan rappelle : "Entre espace urbain et espace rural, "Mars à l’Ouest" est un festival dont la cartographie évolue, s’élargit et s'étend chaque année. Avec chaque lieu, nous écrivons ensemble une collaboration artistique et administrative sur mesure qui est le reflet de ce qui nous réunit. Le festival et son équipe sont entièrement impliqués dans la coécriture de chacun de nos partenariats. C’est une dimension importante de notre travail à prendre en compte. Au-delà de la dimension artistique et de programmation, qui est la partie la plus visible, les outils structurants et d’accueil sont parfois manquants. Le festival joue ainsi pleinement son rôle d'intermédiaire entre artistes, territoires, publics, structures culturelles et structures du champ éducatif et social."
Cette troisième édition, placée sous le thème des "étranges créatures", marque une nouvelle étape dans l'exploration de la frontière ténue entre l'inanimé et l'humain. "C’est un jeu avec les perceptions", confie Aurelia Ivan. Le festival s'attache à brouiller les repères, à créer un trouble, "une illusion de réel" qui interpelle le spectateur. Chaque artiste invité devient ici un inventeur de mondes, où la beauté, toujours "décalée", naît de l’imprévu et de l’étrangeté. Cette quête d’un "monde meilleur", plus libre et plus ouvert, traverse les créations présentées.
L’engagement social et éducatif du festival au cœur de son identité
Mais au-delà de l’expérimentation esthétique, la Biennale cherche aussi à décloisonner les espaces de diffusion. "Nous voulons être en mouvement, à la fois dans la géographie et dans l’imaginaire", souligne Aurelia Ivan. D’où ce choix d’une programmation itinérante, modulable, qui investit autant les salles de spectacle que l’espace public. Pour la directrice artistique du festival , il s’agit aussi de "rapprocher ce qui sépare", en initiant un dialogue entre le local et l’international, entre le petit et le grand, entre le savant et le populaire.
L’engagement social et éducatif du festival est au cœur de son identité. Dès ses débuts, "Mar(ionnette)s à l’Ouest" a mis un point d’honneur à collaborer avec des structures locales pour offrir une véritable ouverture culturelle. Pour Aurelia Ivan, cette démarche de "co-construction" est essentielle pour inscrire l’art dans le quotidien et créer un espace de partage où chacun peut se sentir impliqué. "Nous avons l’intuition que c’est la seule manière de faire vibrer l’art et la culture au cœur de nos vies", affirme-t-elle. En définitive, sous sa direction visionnaire, la Biennale "Mar(ionnette)s à l’Ouest" se révèle bien plus qu’un simple festival. C’est un espace de réinvention, de liberté et de décloisonnement où la marionnette devient un langage universel, capable de nous faire réfléchir, rêver et "faire apparaître les troubles" du monde.
Focus sur la programmation
Il y a des oiseaux dans l’aquarium
Dans cette exposition, Magali Rousseau réunit les mondes aérien et aquatique à travers une dizaine de sculptures mécanisées. Dans son atelier, elle fabrique des objets métaphoriques qui mêlent éléments naturels et mécaniques, créant des mécanismes poétiques reflétant crainte et désir d'évasion. Artiste en résidence avec Mars à l’ouest de 2023 à 2025. Exposition (21 septembre au 21 décembre), Maison des insectes, Parc du Peuple de l’herbe à Carrières-sous-Poissy.
La Rivière bien nommée
Patrick Corillon, conteur et plasticien renommé, invente des histoires à partir d’objets qu’il crée, explorant les origines de la légende de la Rivière bien nommée. Avec humour, il nous entraîne dans une narration riche en rebondissements sur la manière d’être de son époque, tout en mêlant poésie intimiste, découvertes plastiques et questionnements philosophiques. Spectacle (4 et 5 octobre), Théâtre L’Onde, Vélizy-Villacoublay, par Le Corridor (Belgique).
Une maison de poupée
Yngvild Aspeli adapte le classique d’Henrik Ibsen en mêlant marionnettes à taille humaine, objets, danse de la tarentelle et voix d’un chœur de femmes pour explorer la libération et l’émancipation. Créée avec Paola Rizza, cette version nous plonge dans un univers d’illusions et de désillusions, incitant au lâcher-prise et à briser les apparences trompeuses. Spectacle (8 octobre) Plaisir, Théâtre Coluche en partenariat avec le Théâtre de Saint-Quentinen-Yvelines Scène nationale
Anywhere
Œdipe déchu, guidé par la voix de sa fille Antigone, part sur la route. Sous la forme d'une marionnette de glace, il se transforme progressivement en eau avant de disparaître en brume. Élise Vigneron présente un poème visuel délicat, explorant les états de l'eau. Avec une beauté envoûtante, l'œuvre aborde la fragilité humaine et les errances de la vie dans un cycle infini de recommencement. Spectacle (15 octobre) Élise Vigneron, Théâtre de l’Entrouvert (France) Aubergenville Théâtre de la Nacelle.
After All Springville
La chorégraphe belge Miet Warlop présente "After All Springville", une nouvelle version de son succès international de 2009. Alliant arts plastiques et performance, cette création surréaliste met en scène des objets du quotidien avec humour et malaise. À travers des gags burlesques, elle révèle un déséquilibre menant à une destruction totale, alertant sur les dysfonctionnements de nos modes de vie et la faillite de notre sens du collectif. Représentation le 18 octobre à Mantes-la-Jolie, Collectif 12.
Brûle
Entre réel et imaginaire, "Brûle" invite à un monde étrange qui questionne l'humain et le monde actuel. Brûle, mi-humain mi-animal, traverse un désert sans couleurs ni souvenirs, à la recherche de son passé et de son identité. Laissant une fumée derrière lui, il s'interroge sur lui-même et son environnement. L'histoire est racontée à travers un langage poétique mêlant images, lumière, objets et sons. Spectacle (23 octobre) Muriel Carpentier, Compagnie Abysses (France), Carrières-sous-Poissy, Château Éphémère, Fabrique sonore et numérique.
Les images flottantes [60 minutes pour rentrer dans le cadre]
Cette performance est une véritable déclaration d’amour à la peinture, vue à travers les yeux d’un enfant. Elle crée un dialogue intime avec des œuvres muséales, enrichissant ainsi le regard du public sur la peinture. S'appuyant sur un souvenir matérialisé par un lutrin et quatre boîtes contenant de petits objets, Patrick Corillon utilise un dispositif scénographique minimal pour guider le spectateur. Loin des images imposées, il l’invite à inventer ses propres histoires, mêlant émotion et créativité.
Lagneau
Audrey Dero, comédienne et metteuse en scène, adapte le retable L’agneau mystique de Jan Van Eyck dans son théâtre d'objets, s'adressant aux jeunes spectateurs. Cette fantaisie miniature, scénographiée par Sarah Yu Zeebroek, rend hommage à l’art du Moyen Âge en alliant monumentalité et détails. Lagneau offre une poésie visuelle mêlant polar, humour et dérision, et constitue une introduction inventive aux arts plastiques. Spectacle (24 et 25 octobre) Mantes-la-Ville et Magnanville CVS Augustin Serre ; ALSH La Cabane aux Loisirs
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